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Voir, juger, agir.

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Carnet de voyage

Voir, juger, agir. Aventures et mésaventures à travers le monde... 🌦
Carnet de voyageTribune

La Norvège en auto-stop 

par un contributeur 12 juillet 2020
écrit par un contributeur

 

Vendredi 31 Avril. Il est 7:30. Autour de moi on dort encore. Je me souviens d’hier soir où je suis arrivée dans cette immense salle vitrée. Il était tard. Les gens dormaient déjà. Il m’avait fallu du temps avant de trouver un banc libre. Rendre mon 9m2 et finir sur un banc métallique, un peu froid, pas très confortable, mais pourtant je m’y sens bien. Aujourd’hui est un grand jour. Oslo n’est qu’une étape, je dois me rendre à Kirkenes, mais pourquoi ? Pourquoi aller si loin ? Le Finnmark, région la plus au Nord de la Norvège est, dans l’esprit des gens, associée à une terre sans vie, froide, voire glaciale, remplie de moustiques. « Au Nord il n’y a rien à voir. C’est désertique et il pleut », « Que se passera-t-il si tu te retrouves blessée, au milieu de nulle part à 200 kilomètres d’une ville ? », « Reste dans le sud, il y a plus de choses à voir ». 

 

 

Pays des Samis, des pêcheurs, des élans, des saumons et des rennes, le comté de Finnmark est situé à l’extrême Nord du pays. Son étendue est plus grande que le Danemark. Il fait partie de la Laponie, qui s’étend sur les trois pays voisins : la Finlande, la Suède et la Russie. 

Kirkenes est la dernière ville avant la frontière russe. C’est aussi la ville la plus haute de la cartographie Norvégienne. Voilà pourquoi je m’y rends. Arriver au bout du bout de la Norvège et pouvoir la visiter de haut en bas. Kirkenes est aussi une ville portuaire, elle est le terminus de L’express côtier/Hurtigruten, un bateau de croisière qui assure la liaison entre 34 ports de la côte norvégienne depuis les années 90, allant de Kirkenes à Bergen. C’est d’ailleurs pourquoi dans le vol Oslo-Kirkenes, les quelques passagers sont en majorité des personnes âgées, des touristes, qui profitent de leur temps libre, pour partir se reposer sur ce spacieux navire et admirer les beaux paysages côtiers. 

 

 

Rappelons que la Norvège est un pays où les communications à terre sont peu commodes. L’Hurtigruten, avant d’être une ligne touristique, servait à livrer nourritures, nouvelles et matériels, ce train était un lien vital entre le nord et le sud du pays. 

Les hivers sont durs, longs et froids. Le Finnmark est au-delà du cercle polaire. Cela veut dire qu’en hiver, les habitants n’ont que quelques minutes de jour contrairement à l’été où la nuit n’existe pas. On appelle ça le soleil de Minuit. Dans son roman Pan, publié en 1894, Knut Hamsun décrit ce phénomène. En voici un extrait: « Il commençait à ne plus y avoir de nuit, le soleil plongeait à peine son disque dans l’océan et remontait, rouge, rénové, comme s’il était descendu pour boire. » 

Une autre particularité du Finnmark, c’est que l’été commence environ début juillet et fini mi-août. Nous sommes début juin, le printemps fait timidement son apparition: les quelques arbres que l’on peut trouver n’ont pas tous des bourgeons. Du haut de mon hublot, j’aperçois des sommets glacés, beaucoup de nuages, mais surtout beaucoup de neige.

Je repense au podcast de Les Baladeurs : « Face à face polaire avec Jérémie Villet » (https://shows.acast.com/les-baladeurs/episodes/rencontre-dans-le-grand-nord) et je croise fort les doigts pour qu’il n’y ait pas de tempête de neige à mon arrivée. Dans l’avion, il règne une atmosphère légèrement austère, ça sent les galettes de riz et j’ai déjà froid. 

Atterrissage en douceur. J’observe un paysage désertique, brut, rocheux, brume horizontale. Il y a une pluie fine qui s’ajoute au crachin normand ; au moins il ne neige pas. Au milieu du tapis roulant où l’on récupère nos sacs, il y a un ours brun sculpté. Atmosphère abrupte. 

 

 

Pour me rendre en ville, je dois prendre un bus. Panneaux en langue inconnue, il m’est difficile de les décrypter. Je me lie d’amitié avec un groupe de touristes. C’est alors qu’ils me prennent sous leur aile, et j’embarque clandestinement avec eux. 

Il a arrêté de pleuvoir et de grêler. Pancarte et pouce levé, j’attends sur le bord de la route. Je dois avouer que j’ai un peu la boule au ventre. Première voiture, deuxième voiture. J’observe le paysage rocheux, de différentes nuances de marron, de gris et de bleu; une rivière glisse près de la route ; je ne vois aucune habitation. A la troisième voiture, c’est Silja qui me prend à ses côtés, à bord de son bolide gris cailloux, se fondant parfaitement dans le paysage. On longe un lac, il correspond aux images que j’ai regardées avant mon départ mais avec le sifflement du vent en abondance, le clapotis de l’eau et le grésillement du sable fin. Silja habite à Neiden, à seulement quelques kilomètres de Kirkenes. C’est une ville un peu particulière car elle se compose en fait de deux villages, séparés par une frontière entre la Norvège et La Finlande. D’un côté il y a la municipalité d’Inari, en Finlande et de l’autre, il s’agit de la municipalité de Sør-Varanger, dans le comté de Troms og Finnmark, en Norvège. 

Amoureuse de sa région et de sa ville, elle me fait visiter. Nous passons au dessus d’une rivière agitée et poissonneuse, plusieurs voitures y sont garées, des pêcheurs. Ils viennent pour le saumon, le début de la saison de la pêche démarre ce soir à minuit. Il est 20h15. 

Le littoral de la Norvège mesure plus de 101 388 kilomètres, ce qui, selon le National Géographic, correspond à faire deux fois et demi le tour du monde en ligne droite. La mer et la pêche ont toujours accompagné le quotidien des Norvégiens. Il existe d’ailleurs « le championnat du monde de pêche au cabillaud » qui se déroule tous les ans dans les Lofoten dans le courant de Mars. Dans les terres, le pays est recouvert de milliers de lacs, de rivières et de cours d’eau. Il existe un grand nombre de techniques pour pêcher. Pour Silja, sa technique préférée est la pêche à la ligne. 

Je marche maintenant à ses côtés. Sa grande tante nous fait signe de la main ; au fond du jardin un chien aboie. Elle m’invite à rentrer ; ce soir c’est saumon de la rivière et pommes de terre.

 

 

Elina Boisson aka Jaidupaindansmonsac 

12 juillet 2020 1 commentaire
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ActualitéCarnet de voyageRomain Mailliu - 13 mois de volontariat en Indonésie

Le jeûne éternel

par Romain Mailliu 13 mai 2020
écrit par Romain Mailliu
Enfant dans les rues de Kampung Sawah (mars 2020) - © Romain Mailliu

 

À Kampung Sawah, le danger numéro un n’a pas changé et il est partagé par bonne partie de l’humanité. Le coronavirus ? Non. La baisse de l’immobilier ? Non. Un tweet borderline d’Elon Musk qui ferait chuter l’indice Tesla ? Non plus. C’est de ne rien avoir pour remplir son assiette.

La crise sanitaire mondiale menace Kampung Sawah, le bidonville indonésien de Romain. Suivez avec son carnet de bord l’impact du Coronavirus dans les quartiers les plus pauvres. [Chapitre 4]

 

Le jeûne éternel. Le 4 mai 2020

 Des enfants rient dans les rues. Le soleil se couche sur Kampung Sawah, bidonville du nord de Jakarta, situé entre une zone de dépôt de conteneurs et une pseudo-autoroute. Un bidonville est un quartier qui n’existe pas. Aucun des vingt mille habitants n’y a un quelconque droit de propriété. Ils se sont attribués cette espace, car il faut bien habiter quelque part. C’est une zone inondable, alors il arrive parfois que les nuits soient tristes et courtes. Mais le soleil finit toujours par sécher les larmes. Avec le temps, maintenant quarante ans, Kampung Sawah s’est fait un nom, et on a tracé ses frontières sur les cartes.

 Le pak RW, une bâtisse en béton situé dans l’angle du carrefour principal, fait office de mairie. C’est l’œil du gouvernement qui observe et documente les évolutions de cette ville qu’il faudra déconstruire un jour. Il y a déjà trois ans, quelques habitants, prophètes de l’apocalypse, criaient à qui voulait l’entendre qu’une avenue viendrait remplacer ce quartier marginal. Aujourd’hui, les fondations d’un pont se dessinent à l’horizon. Il doit relier le dépôt à l’autoroute. Le temps donne toujours raison aux prophètes. 

 

Kampung Sawah

Les conteneurs qui bordent Kampung Sawah (Avril 2020)  – © Romain Mailliu

 

Dans ce lieu coupé du monde, le coronavirus n’existe pas. C’est une légende qu’on voit passer sur les réseaux sociaux, comme les footballeurs qui collectionnent les voitures de sport ou les actrices qui défilent avec de luxueuses robes sur des tapis rouges. Pourtant, l’Indonésie est touchée – moins que nos pays occidentaux ce que je n’explique pas – et au 4 mai 2020, 12 071 cas ont été confirmés pour 872 décès. La population indonésienne réunit 267,7 millions d’habitants. Alors dans une économie au ralentie qui licencie à tour de bras sans compensation, le risque de mourir de faim est supérieur à celui d’attraper un Covid-19 virulent. 

À Kampung Sawah, le danger numéro un n’a pas changé et il est partagé par bonne partie de l’humanité. Le coronavirus ? Non. La baisse de l’immobilier ? Non. Un tweet borderline d’Elon Musk qui ferait chuter l’indice Tesla ? Non plus. C’est de ne rien avoir pour remplir son assiette. La famine. Catastrophe fatidique quand on ne gagne ou qu’on ne produit pas assez pour se nourrir. La bonne fortune n’est pas contagieuse.

L’Indonésie a fait le choix de ne pas mettre en place de quarantaine et cela a sans aucun doute limité la famine dans les quartiers les plus pauvres. Il n’y a pas de bonne pensée manichéenne.

 Alors je constate que porter un masque, rester chez soi, respecter les distances barrières, sont des comportements dérisoires pour les habitants de notre village clandestin. Pourtant, les campagnes de sensibilisation font rage et sur tous les supports. A-t-on trouvé une fin utile à l’utilisation des réseaux sociaux ? Peut-être, si nous mettons de côté les fakes news, toujours plus nombreuses, qui viennent noircir un tableau déjà ténébreux. 

Dans les ruelles, des « Corona » raisonnent, prononcées rapidement, dans un souffle, comme on dirait une vulgarité. Puis ce mot international, synonyme de danger, qui a le pouvoir d’unir les nations comme de les cloisonner, est toujours suivi d’un éclat de rire.  

 

Petite fille résidante à Kampung Sawah (Avril 2020)  - © Romain Mailliu

Petite fille résidante à Kampung Sawah (Avril 2020)  – © Romain Mailliu

 

Et le pouvoir législatif dans tout cela ? Respecter les règles sanitaires, c’est se donner les chances de maîtriser le virus rapidement, pour relancer l’économie, pour relancer la politique, pour la SURVIE de la nation ! Il me semble qu’un amendement a été mis en place obligeant le port du masque dans les rues mais, à Kampung Sawah, il y a plus de fantômes que d’agents en képi pour faire respecter les lois. Peut-être que la police souhaite éviter la situation embarrassante de verbaliser une mère qui n’a déjà pas assez d’argent pour nourrir ses enfants…

À quoi bon parler de SURVIE à des familles qui, depuis toujours, n’ont d’autre combat que de trouver de la nourriture et un toit pour vivre un jour de plus.

 Des enfants rient dans les rues. Le soleil se couche sur Kampung Sawah, bidonville du nord de Jakarta, situé entre une zone de dépôt de conteneurs et une pseudo-autoroute. Le ramadan y a débuté depuis plus d’une semaine et les inondations ont laissé place à une chaleur ardente et sèche. L’appel à la prière se prolonge nuit et jour, solennellement, comme les loups hurlent à la lune, comme les baleines chantent aux abîmes. Depuis mon arrivée il y a huit mois dans cette communauté exclue du monde – ou plutôt exclue d’un monde – je n’ai jamais vu autant d’enfants jouer ensembles. Les mosquées sont pleines et les sourires, qu’aucun masque ne vient effacer, se dessinent sur tous les visages. Les festins nocturnes perdurent et bien que le riz prenne de plus en plus de place dans l’assiette, les familles se réunissent pour célébrer ensemble la fin du jeûne.

 

L’amour d’une famille, le centre autour duquel tout gravite et tout brille.

Victor Hugo  ; Les chants du crépuscule, A mademoiselle Louise B. (1834).

 

Enfants dans les rues de Kampung Sawah (mars 2020)  - © Romain Mailliu

Enfants dans les rues de Kampung Sawah (mars 2020) – © Romain Mailliu

 

Découvrir le chapitre précédent : Another Sunny Day in Jakarta →

Photo de couverture : Enfant dans les rues de Kampung Sawah (mars 2020)  – © Romain Mailliu

13 mai 2020 1 commentaire
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ActualitéCarnet de voyageRomain Mailliu - 13 mois de volontariat en Indonésie

Another Sunny Day in Jakarta

par Romain Mailliu 29 avril 2020
écrit par Romain Mailliu
Jeune LP4Y

Les jeunes ont cette faculté – sagesse ? – de nous ramener à des problématiques plus pragmatiques.

La crise sanitaire mondiale menace Kampung Sawah, le bidonville indonésien de Romain. Suivez avec son carnet de bord l’impact du Coronavirus dans les quartiers les plus pauvres. [Chapitre 3]

 

Another Sunny Day. Le 12 avril 2020

 Pas de réveil programmé ce dimanche matin. C’est peu habituel car les premières heures du jour sont pour moi les plus belles. Pas question de les manquer. Quand la ville se met en route, pas à pas. Que les visages endormis s’offrent aux premiers rayons de soleil. Seuls les oiseaux chantent, et c’est assez. La température est agréable : 22 C° et un courant d’air marin vient caresser ma peau qui frissonne de plaisir.  

Mes yeux s’ouvrent naturellement à 8h30. C’est suffisamment tôt pour décréter que la journée reste exploitable. Je casse deux œufs dans une poêle. Jean-Marc, ou plutôt John – les Asiatiques n’arrivent pas à articuler et retenir son prénom administratif – frictionne nerveusement la pâte à pain faite aux premières lueurs du jour. 

« Ce matin, j’ai reçu une photo d’une jeune des Philippines. Une cuillère remplie d’une eau blanchâtre. C’est l’eau salée dans laquelle elle fait cuire le riz. Il ne lui reste plus que ça pour nourrir son bébé. Elle a vingt-deux ans et trois enfants. Son aîné a sept ans… Avec le confinement, elle n’arrive pas à quitter son bidonville pour rejoindre notre centre. L’équipe de Manille est sur le coup, nous allons trouver une solution. »

La misère ne prend pas de week-ends. Des réveils comme celui-ci, John doit en connaître plusieurs fois par an. Depuis 10 ans, son ONG LP4Y a accompagné 2 662 jeunes vers le monde professionnel décent. Pourtant, aujourd’hui la situation est exceptionnelle. Les Jeunes et leur famille sont les plus affectés par les conséquences de cette crise sanitaire et économique mondiale. Et derrière ces chiffres il y a des visages, des noms, et des messages qui exhument le poids de nos responsabilités.

 

LP4Y

L’équipe de Source Of Life, notre programme de vente d’eau potable (Janvier 2020) –
© Romain Mailliu

 

« Être adulte, c’est être seul », disait Jean Rostand. Au contraire, je pense qu’être adulte c’est prendre conscience de l’importance des autres. L’idée n’est pas toujours séduisante. Elle a même terrifié Jean-Paul Sartre avec sa célèbre phrase : « L’enfer, c’est les autres ». Il ajoute dans son essai l’Être et le Néant : « S’il y a un Autre, quel qu’il soit, où qu’il soit, quels que soient ses rapports avec moi… J’ai un dehors, j’ai une nature ; ma chute originelle c’est l’existence de l’autre ». Conclusion : Nous prenons conscience de la triste existence qui sera la nôtre quand nous découvrons que nous ne sommes pas seuls sur terre. C’est ça, l’âge adulte. Il va falloir apprendre à vivre ensemble : quel enfer ! Quand on observe les inégalités qui sont les mêmes partout dans le monde, on devine que nous n’avons pas tous adopté les mêmes règles de jeu. 

L’étudiant assidu que vous étiez en terminale – second rang : place idéale pour suivre la prestation de votre professeur de philosophie dépressif tout en évitant les postillons propulsés par l’effluve de son haleine caféine Marlboro – ajouterait que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres #Rousseau.  Décidément, pas facile de vivre ensemble.

 Pourtant, soyons honnêtes, les meilleurs moments que nous vivons sont ceux que nous partageons avec les autres. N’allez pas me dire que vous avez vécu l’extase un mercredi soir devant une série B avec votre Heineken dans la main droite et votre ordinateur portable Lenovo – PowerPoint ouvert sur la dernière slide de votre Comex du lendemain – dans la main gauche.

On peut connaître certains moments d’émerveillement seul : lors d’une balade matinale un dimanche matin à travers le marché Boulevard Vincent Auriol, en découvrant un nouveau clip de PLN le vendredi soir… Mais la joie ?  

je fixe mon ordinateur, le regard vide, mon reflet apparaît à l’écran. La matinée est déjà bien avancée. Excepté l’écriture de mes états d’âme et l’écoute léonine du nouvel album des Strokes, je n’ai pas fait grand-chose. À ma gauche Fanette somnole sur la terrasse, à ma droite la panthère des neiges de Tesson bronze au soleil. La brise gonfle notre hamac qui prend l’allure d’un spi et je me surprends à rêver de croisières en voilier dans le Golfe du Morbihan. Fin de l’album des Strokes, Spotify déclenche la lecture aléatoire : Belle & Sebastien – Another Sunny Day. 

 

LP4Y

Vue de notre terrasse au lever du soleil – © Romain Mailliu

 

La route du succès est semée d’embûches. 15 avril 2020 

« Je vais rentrer en France. C’est terminé : j’arrête ma mission »

 Mardi, 10h23. J’ai l’impression que mon cerveau me rejoue une mauvaise scène. Pourtant, la semaine commençait bien. Un nouveau planning pour les jeunes, des mesures sanitaires plus crédibles du gouverneur de Jakarta, deux nouveaux commentaires sur mon précédent article et un demi-fruit de la passion dans le réfrigérateur. Seulement, le frisson dans mon dos déclenché par cette réplique sortie de nulle part me rappelle une baignade sous la pluie grasse d’Écosse – le long du West Highland Way après 35 kilomètres dilués aux singles malt – il y a de cela trois ans déjà.

Je n’ai jamais réussi à retenir plus de trente mots d’indonésien (bahasa) et pourtant ma cervelle me rappelle, avec une précision mesquine, mes barbotages dans les rivières caillouteuses quand Inès nous remet sa démission.

 

West Highland Way (Août 2016) - © Romain Mailliu

West Highland Way (Août 2016) – © Romain Mailliu

 

Grand silence. Inès. La plus solide des guerrières. Depuis qu’elle nous a rejoints avec John, elle n’a jamais décroché de son ordinateur. Vidéo Call avec les USA, tableau Excel pour évaluer les besoins des jeunes pendant la crise, WhatsApp pour répondre aux équipes d’Asie : une productivité à faire pâlir David Allen. Et pourtant, la voilà qui quitte le navire. Bordel. Depuis deux ans chez LP4Y, elle venait de commencer sa nouvelle mission. Coup dur pour LP4Y, coup dur pour notre nouvelle colocation, coup dur pour John. La vie n’est-elle donc qu’une mauvaise blague ? Je vais acheter des bières. Tous les discours du monde ne valent pas une pinte de houblon fraîche vers 19h, quand les obligations professionnelles laissent place au chant du muezzin. Inès. Je n’en reviens pas. Certes, elle avait montré quelques signes de fatigue mais j’étais loin de m’imaginer le dilemme qui devait se jouer dans sa tête. Entre deux lignes, il faut se rendre à l’évidence : ne perdons pas notre temps à imaginer ce qui se passe dans la tête des autres. C’est peine perdue. Concentrons-nous sur les méandres de nos âmes respectives, cela devrait suffire pour une vie ou deux.

Pourtant, après le départ de Sarah et l’arrivée de Inès et John, notre collocation avait pris un sens esthétique et culinaire plaisant. Avec l’aide d’un bocal de champignons caché dans le double fond de sa valise, John nous a cuisiné pour Pâques un poulet aux morilles. Bricoleur appliqué, il a construit avec quatres planches de bois et tout autant de clous deux étagères Philippe Starck. Il a également installé des guirlandes lumineuses sur la terrasse et bien qu’étant végétarien à mi-temps, m’a chargé d’acheter trois kilogrammes de rumsteck. Certains personnages dégagent une énergie similaire à deux noyaux atomiques qui s’assemblent. John en fait partie. Inès. Merde. Nous avions même commencé à discuter de rap français.

 

Photo de campagne pour notre levée de fond pour les jeunes  que nous accompagnons via un challenge de 24H de méditation (Avril 2020) - © Romain Mailliu

Photo de campagne pour notre levée de fond pour les jeunes  que nous accompagnons via un challenge de 24H de méditation (Avril 2020) – © Romain Mailliu

 

“Coach, can I have money to buy Gasoliiiiiiine ?”

Les jeunes ont cette faculté – sagesse ? – de nous ramener à des problématiques plus pragmatiques. Ce matin, ils sont cinq à assurer la livraison d’eau potable. Cinq, car c’est le nombre maximum autorisé par le gouvernement. David Allen aurait certainement complété en expliquant qu’un homme efficace en vaut cinq. Je rajouterais que cinq hommes non efficaces n’en valent pas beaucoup plus. Si ce matin la motivation des jeunes était un rayon de soleil, le risque d’attraper une insolation serait dérisoire.

Il faut dire qu’à leur âge, dix-huit ans en moyenne, j’étais plus appliqué dans l’étude subtile du mécanisme diablement ingénieux des épingles de soutien-gorges plutôt que par l’idée d’obtenir un travail décent pour nourrir ma famille. Si on ajoute à cela les écoles fermées et la dysphorie générale autour du coronavirus, je comprends pourquoi le lundi matin les chaussures des jeunes poncent le carrelage de la salle de production. Pourtant – et Inès aurait été d’accord – il n’est pas question de ralentir l’activité.

Dans le monde professionnel qui les attend, ils ne feront pas office de cas à part :  les attentes seront les mêmes pour tous. Les diplômés de l’université issue des classes sociales aisées comme nos entrepreneurs des quartiers plus modestes. Ils ne seront pas pris en pitié car ils doivent faire deux heures de route dans les transports en commun pour venir travailler. Ni parce qu’ils n’ont qu’une paire de chaussures « professionnelles ». Seules la qualité du travail, la posture et la motivation feront la différence. La route du succès est semée d’embûches. Depuis toujours, nos jeunes entrepreneurs affrontent les difficultés avec un courage, un positivisme et une détermination qui à mes yeux est inexplicable. C’est leur plus grande force et c’est pour cela qu’ils y arriveront. Encore. Toujours. 

 

Dani et Angel en livraison (28/11/19)  - © Romain Mailliu

Dani et Angel en livraison (28/11/19)  – © Romain Mailliu

 

Découvrir le chapitre précédent : Une mer calme n’a jamais fait un bon marin →

 

Photo de couverture : Kusniawaty, jeune femme du programme en management step (Avril  2020) – © Romain Mailliu

29 avril 2020 8 commentaires
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ActualitéCarnet de voyageTribune

Azerbaïdjan : à l’assaut du Caucase !

par Guillaume Godest 24 avril 2020
écrit par Guillaume Godest
Les champs de pétrole de Neft Daşları : première exploitation offshore de l’histoire (photo Wikimedia)

 

Il y a fort à parier que vous n’avez pas la moindre idée de ce que c’est que l’Azerbaïdjan, que de toute façon vous n’y mettrez jamais les pieds, et que personne ne vous en parlera. Pourtant le Caucase, composé d’une mosaïque d’ethnies qui se sont entre-égorgées pendant des millénaires, et ancien Eldorado du pétrole, a tout pour nourrir vos rêveries.

Logé aux confins des Empires perse, romain, byzantin, ottoman et russe, envahi par les Scythes, les Cimmériens, les Arabes et les Mongols, l’Azerbaïdjan s’est toujours retrouvé pris en étaux entre les puissants, tantôt conquis, puis dégorgé, soumis, révolutionnaire, nationaliste enfin. Aujourd’hui, ce sont les États-Unis, la Russie et la Chine qui se disputent l’Asie centrale, et font du Caucase et de la Caspienne “l’échiquier sur lequel se joue un jeu pour l’hégémonie mondiale“ (Lord Curzon). 

Je voulais poser le pied sur cette terre de toutes les convoitises, humer les odeurs de naphte, sentir qu’ici l’histoire continuait de s’écrire, fuir Paris, ses Lime, sa post-Histoire. Je me suis installé à Bakou pour six mois.

 

Vue de Baku

Vue de Baku

 

Une ville sur le trottoir

 J’en avais assez d’être enfermé, alors je suis sorti de chez moi pour aller voir la mer. Dix minutes à peine et je suis sur le « Boulevard », sorte de promenade des Anglais où le petit peuple de Bakou vient parader les fins de semaine. Je passe plusieurs heures par jour à éplucher la presse nationale, docilement tenue sous la férule du gouvernement. C’est quotidiennement la même rengaine : culte rendu au président Aliyev, démonstration que l’Arménien est fait avec la pire fange de l’humanité, cours du Brent. L’Azerbaïdjan d’aujourd’hui se trouve tout entier dans ce triptyque. L’essence de la capitale, elle, sur le Boulevard.

 Un échiquier en plastique géant, et vingt vieillards autour qui s’écharpent sur le coup à jouer pour faire mat. Bras dessus, bras dessous, à la turque, les hommes discutent de vétilles. Les femmes surmaquillées viennent éprouver le fond de teint bon marché qui leur coule sur les joues. Assis sur les bancs, les adolescents timides regardent les filles passer, et des fossettes aux cheveux, celles-ci rougissent, terriblement gênées, quand elles s’aperçoivent que je les observe. Un chien errant hésite à s’aventurer sur les pavés. À quelques mètres, une bande de bimbos adossées à la balustrade montrent leurs jambes au soleil et aux passants. Vous auriez tort de leur prêter des pensées impures : le pays fut le premier État laïque du monde musulman et les cheveux des femmes volent libres dans les bises de la « cité des vents », mais les vieilles traditions archaïques et paternalistes n’en règlent pas moins la vie de la jeunesse : une fille qui ne se marie pas vierge est un déshonneur pour sa famille.

 Les voiles et les qamis signalent les touristes arabes ou iraniens. On parle russe, aussi. Longtemps république soviétique, l’Azerbaïdjan l’utilise encore suffisamment pour que le doute s’installe : Russe ou Bakinois ?

 Toute la ville vient transpirer son insouciance sur quatre kilomètres à peine. Le cuir noir de leurs chaussures est impeccablement ciré, et sous leurs casquettes de fourrure, s’assurant que l’air de liberté qui circule ne donne pas de mauvaises idées à la foule, les officiers de police semblent des bergers dont les bâtons sont des matraques. J’en croise par groupe de trois ou quatre ; d’autres veillent en voiturette. On les oublie, leur présence ne pèse pas, pourtant je sais qu’ils sont rôdés à l’art d’écraser leur arme sur les têtes un peu trop insoumises : Ilham Aliyev, fils d’Heydar Aliyev, son prédécesseur qui fit ses classes au KGB et qui lui a légué la présidence du pays, dirige un État policier aux prisons pleines d’opposants politiques.

 

Ilham Aliyev fête sa “réélection” en 2018 avec 86% des voix  (photo Wikimedia)

Ilham Aliyev fête sa “réélection” en 2018 avec 86% des voix  (photo Wikimedia)

 

De l’or au fond de la mer

 L’air du large est chargé d’effluves de pétrole. Là-bas, les plateformes offshore tirent des profondeurs de la Caspienne la précieuse huile noire qui alimente l’Europe et la Turquie. À la surface de l’eau, un reflet m’attire l’œil ; une longue écharpe visqueuse et foncée chatoie : ce sera quelque fuite d’une exploitation. Au milieu des mégots, les bouteilles en plastique que le calme flot balance à peine achèvent de me décourager de me baigner dans cette mer qu’on semble avoir pris pour une déchetterie. La tête ailleurs, je fixe les eaux en pensant aux temps romantiques où le cosaque Stenka Razine pillait les côtes des environs. Fini aussi la pêche à l’esturgeon ! les pollutions de l’ère soviétique puis le braconnage ont eu raison du poisson et de ses œufs qui faisaient la richesse de la région. Un autre or noir a pris la place du caviar : plus de pêcheurs, ici les seuls navires que l’on distingue sur la ligne d’horizon sont des tankers géants. Cette mer a l’allure d’un lac immobile ; on la croirait déprimée, sans doute d’avoir bu trop de sang et de mazout.

 Son abattement me gagne. J’arrive sur Azneft Meydani, place Socar, du nom du groupe pétrolier national. Les hydrocarbures sont l’alpha et l’oméga du pays et tout vous le rappelle. Je fais souvent ce cauchemar : seul au milieu d’un champ de derricks qui s’étend à l’infini, je patauge dans un épais liquide visqueux, quand se lève devant moi un immense monstre noir qui grandit en buvant tout ce qui l’entoure, et m’aspire à lui. Pour respirer, je décide d’aller me perdre dans les ruelles de la Vieille ville, enfermée dans son enceinte crénelée construite avant l’ère du pétrole.

 

Les champs de pétrole de Neft Daşları : première exploitation offshore de l’histoire (photo Wikimedia)

Les champs de pétrole de Neft Daşları : première exploitation offshore de l’histoire (photo Wikimedia)

 

Peut-on fuir le pétrole ?

 Impossible d’y couper, car d’autres monstres gardent la ville. Les Flame Towers, ces trois tours de verre figurant des flammes de 200 mètres, sont recouvertes de milliers de LED qui enflamment leurs façades ou les animent aux couleurs du drapeau national. Peu après l’indépendance succédant à l’effondrement de l’Union soviétique, Heydar Aliyev accorda l’exploitation des champs pétroliers azéris à onze compagnies internationales ; le pays se réserva 80% des bénéfices : c’est le « contrat du siècle ». Dans les années 2000, l’euphorie est totale : le pays croule sous des dollars qu’il n’arrive plus à dépenser. Ces tours, comme tous les gratte-ciel qui sortirent alors de terre, sont les témoins de cette époque où Bakou redevenait l’Eldorado pétrolier qu’elle était un siècle plus tôt.

 M’abrutir dans un bar est la dernière option qu’il me reste. Dans celui où j’échoue, une poignée de gros Anglais discutent avec des Azerbaïdjanaises dont les yeux brillent quand elles songent aux portefeuilles des ingénieurs de BP. Celles qui parlent anglais peuvent se faire quelques manats. L’ambiance est coloniale. Je me terre dans un coin et fait mine de griffonner dans mon carnet pour qu’on m’oublie. Une jeune Azérie passe sans cesse devant moi, ondoyant des hanches avec la lascivité d’une petite prostituée rompue à l’exercice. Lentement, muette, sans même me regarder, elle vient par deux fois remplir mon verre en glissant son bras au-dessus de mon épaule, me frôlant presque avec le mouvement coulé d’une couleuvre. De guerre lasse, elle finit par tenter une manœuvre de front : « Do you want to play billiard ? » Je décline. Elle s’en retourne au comptoir sans cacher son agacement : bredouille.

 

 Statue du poète Mirza Alakbar Sabir devant les remparts de la Vieille ville

Statue du poète Mirza Alakbar Sabir devant les remparts de la Vieille ville

 

« C’est ça l’Azerbaïdjan ! »

Je rentre par le quartier Kubinka, dont les taudis devraient être rasés pour faire la place à un complexe résidentiel flambant neuf. J’aime ces minuscules maisons à un ou deux étages qui tiennent encore debout grâce aux prodiges d’ingéniosité des habitants. Devant, de vieilles Lada Jigouli de la période soviétique, de petits vieillards décrépits qui jouent inlassablement aux dés en sirotant du thé noir. Le linge sèche sur des fils tendus au-dessus de la tête. Dans certaines ruelles, des dizaines de jeunes hommes nettoient les voitures des beaux quartiers pour une poignée de manats. Un peu plus loin, une grosse Mercedes se gare à côté d’une Chevrolet dernier cri. Sanglé dans son costume cintré, l’homme qui en sort s’engouffre dans une bicoque qui n’a même plus de fenêtre. Bien qu’ils se soient enrichis, certains habitants demeurent encore ici : ils espèrent que les autorités les délogeront bientôt pour leur offrir un bel appartement dans les futurs immeubles. Ils ont la patience du pays.

 Pour ouvrir la porte de mon studio je suis forcé de me faufiler entre le mur et la machine à laver que le plombier doit m’installer. Il vient plusieurs fois par semaine ; il se frotte le menton et réfléchit longuement en considérant le gros carton. « Je reviendrai plutôt demain… ou après-demain ». Cela fait près de deux mois que ça dure, et je lave toujours mes caleçons dans l’évier. Comme dit un expatrié français que je fréquente, il ne faut pas chercher à comprendre, car « c’est ça l’Azerbaïdjan ! »

 

Rue de Kubinka, vidée par le coronavirus

Rue de Kubinka, vidée par le coronavirus

 

Guillaume Godest 

 

Photo de couverture : Les champs de pétrole de Neft Daşları : première exploitation offshore de l’histoire (photo Wikimedia)

24 avril 2020 2 commentaires
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ActualitéCarnet de voyageRomain Mailliu - 13 mois de volontariat en Indonésie

# 14 Une mer calme n’a jamais fait un bon marin

par Romain Mailliu 15 avril 2020
écrit par Romain Mailliu
LP4Y Indonésie

 L’exclusion, ce n’est pas la solitude qu’on ressent après neuf jours de quarantaine. Etre exclu, c’est ne pas exister aux yeux des autres. 

La crise sanitaire mondiale menace Kampung Sawah, le bidonville indonésien de Romain. Suivez avec son carnet de bord l’impact du Coronavirus dans les quartiers les plus pauvres.  [Chapitre 2]

 

La travail c’est la santé. Le 24 mars 2020

“Coach, can you open the door please ?”

J’ouvre les yeux en sursautant : le réveil n’a pas sonné. Il est 7h30 et les jeunes sont déjà devant la porte de notre centre. Le weekend est terminé. La journée commence à 8 heures mais nous ouvrons le centre une trentaine de minutes avant. Cela permet aux entrepreneurs de se retrouver et de débriefer sur leurs aventures de la nuit dernière. Un vendredi matin comme un autre. 

Les jeunes ? le travail ? l’activité ? le centre ? Tout cela est bien vague. Depuis plusieurs pages, je m’adresse à vous comme à un vieil ami, alors qu’on ne se connaît ni d’Eve ni d’Adam. Des présentations s’imposent, et le plus vite sera le mieux. 

Cher lecteur, presqu’un an a passé déjà depuis qu’une idée s’est installée durablement dans ma tête : partir découvrir, dès la fin de mes études d’ingénieur, une autre réalité. Je sortais d’un stage dans le monde de la finance et d’un mémoire de fin d’études sur l’industrie 4.0 : le champ des possibles restait large. Après réflexion, je dégageais 3 piliers que je jugeais essentiels dans mon aventure à venir : m’engager au service des plus pauvres, à l’étranger, en immersion totale.

Il y a aujourd’hui sur notre planète 1,2 milliard de jeunes entre 15 et 24 ans, dont 600 millions vivent en dessous du seuil de pauvreté (1,5€ par jour), mal nourris, victimes d’abus et de violences… Cela représente 1 jeune sur 2. J’ai donc décidé que c’était à ces jeunes que je consacrerais ma première année de vie professionnelle.

Après 10 jours de formation au volontariat de solidarité internationale avec la DCC en juillet 2019, j’ai décollé pour Manille, capitale des Philippines.  C’est là qu’a commencé il y a 10 ans l’aventure Life Projet For Youth (LP4Y). LP4Y est une ONG qui a pour objectif l’insertion professionnelle et sociale de jeunes en situation de grande précarité et frappés d’exclusion. J’ai rejoint l’équipe composée exclusivement de volontaires (plus de 120) et débuté 3 semaines immersives dans un centre de formation : le Green Village.

La pédagogie de mon ONG s’articule autour de la gestion d’une activité micro-économique par les jeunes des bidonvilles. En d’autres termes, ils expérimentent – en équipe de 17 – la création, le développement et la gestion d’entreprise. À Kampung Sawah, quartier pauvre au nord de Jakarta, notre entreprise produit et vend de l’eau potable. Finance, marketing, vente, gestion des stocks, livraisons, ressources humaines, les jeunes sont divisés en départements et ont des responsabilités qui évoluent en fonction de leur ancienneté dans le programme. Une véritable petite entreprise. Ces jeunes entrepreneurs travaillent et nous leur versons donc une rémunération. Elle leur permet d’apprendre à gérer de l’argent, et surtout à acheter à manger. 

La gestion d’entreprise représente 50 % de la formation. À celle-ci s’ajoute 30% de « learn » : rattrapage scolaire et acquisition de compétences nécessaires dans le monde du travail (anglais, informatique, communication etc.) et 20% de « guide » : développement personnel, management des émotions, accompagnement budgétaire, identification des compétences, projection dans l’avenir et construction de leur Projet de Vie… Vaste programme. Et mon travail dans tout ça ? Je suis « catalyseur », j’orchestre cette formation et m’assure que tout se passe pour le mieux !

Cela fait maintenant plus de 7 mois que je vis à Kampung Sawah et mes parents ont décidé il y a 24 ans de m’appeler Romain. 

 

les jeunes de LP4Y Jakarta

Notre équipe (16/11/2019) – © Romain Mailliu

 

C’est l’heure de la revue des troupes. Nous commençons la journée par un briefing, afin de fixer les objectifs de la journée. L’équipe est debout et m’écoute plus ou moins  lui délivrer des informations qui seront les mêmes les jours à venir. “Attention, lavez-vous les mains deux fois par heure, n’oubliez pas de porter votre masque et si vous avez de la fièvre, rentrez-vite chez vous. Questions ? Let’s go !”.  

Mais pourquoi garder le centre ouvert ? Nous savons que le confinement est la meilleure stratégie à adopter pour lutter contre la propagation du Coronavirus. 

Les écoles sont déjà fermées depuis deux semaines en Indonésie et le gouvernement va tôt ou tard – certainement trop tard – adopter des mesures plus strictes. N’est-ce pas  dangereux de continuer à travailler alors que dehors le virus prend comme le feu sur la poudre ? 

La question est légitime. D’ailleurs, notre centre s’est adapté à la situation et les jeunes n’assurent plus que la production et la vente d’eau potable. Nous avons stoppé les trainings et nous ne sommes ouverts que deux matinées par semaine. Les mesures d’hygiène ont été renforcées dans le centre. Le port du masque est exigé. Le lavage des mains au gel hydroalcoolique est effectué jusqu’à ce que celles-ci soient fripées comme le désert de Maranjab. Pour autant le risque zéro n’existe pas. Alors pourquoi continuer coûte que coûte à travailler ? 

 

Jeunes LP4Y Indonésie

Aknel Prianto et Wahab Abdul Ledang qui livrent de l’eau à un client (28/11/19) – © Romain Mailliu

 

Les raisons sont multiples. Premièrement, la distribution d’eau a été évaluée par LP4Y comme un besoin vital pour la communauté. En effet, il n’y a pas d’eau courante potable en Indonésie et les habitants, riches comme pauvres, doivent acheter des gallons ou de l’eau en bouteille pour s’hydrater. Cet argument se confronte à quelques objections. L’eau potable n’a pas disparu du jour au lendemain en Indonésie car à vrai dire il n’y en a jamais eu. Nous ne sommes donc pas les seuls producteurs de gallons dans le bidonville. Les concurrents sont nombreux et parfois moins chers. De plus, il existe un système d’eau courante auquel Kampung Sawah est raccordé. Quand les habitants n’ont pas assez d’argent pour acheter un gallon – ce qui arrive fréquemment – ils ne se laissent pas mourir de soif. Ils font bouillir de l’eau. 

 

LP4Y Indonésie

Ramdani Akbar et Angel Augustin en livraison (28/11/19) – © Romain Mailliu

 

Un autre argument me semble plus adéquat. Chez LP4Y, notre mission principale est de lutter contre l’exclusion des jeunes adultes. L’exclusion, ce n’est pas la solitude qu’on ressent après neuf jours de quarantaine. Etre exclu, c’est ne pas exister aux yeux des autres. A Kampung Sawah, beaucoup des jeunes qui ne vont plus à l’école, n’ont pas de travail et qui s’efforcent de survivre dans un monde qui ne les intègrent pas en sont les victimes. Fermer le centre, c’est bâtir un mur au lieu de construire un pont, c’est fermer la porte à l’espoir, c’est renforcer l’exclusion dont ils sont victimes. Nous devons donc coûte que coûte garder le contact avec les jeunes. 

 

LP4Y Indonésie

Angel Augustin et Diah Ningsih qui remplissent des gallons d’eau potable (29/11/19) – © Romain Mailliu

 

J’évoquerai également une dernière raison qui est peut-être la plus évidente : la rémunération des jeunes. Nos entrepreneurs gèrent une entreprise qui produit et vend des gallons d’eau. En contrepartie, nous leur versons une rémunération. Or, en cette période de crise, ce sont les seuls à ramener un peu d’argent de façon hebdomadaire à leurs familles. 

Je m’explique. Pour lutter contre le virus – ou plutôt pour s’en protéger – les entreprises ferment leurs portes et se mettent en quarantaine. Les premiers emplois supprimés sont les emplois indécents. Ce sont les métiers invisibles, sans contrat, sans assurance, dont on ne veut pas entendre parler. Il font pourtant vivre des millions de familles dans le monde. Or, en Indonésie quand une entreprise ferme, vous n’entendrez pas parler de chômage partiel, de prime ou de dédommagement. Les employés se retrouvent en congés sans solde, c’est à dire à la porte. 

Si nous fermons le centre, nous stoppons la rémunération des jeunes et avec elle, nous coupons les vivres à leurs familles. C’est aussi simple que cela. 

 

LP4Y Indonésie

Aknel, Angel, Wahab et les clients du bidonville de Kampung Sawah (28/11/19) – © Romain Mailliu

 

Une mer calme n’a jamais fait un bon marin. Le 27 mars 2020

Notre centre : un voilier dans la tempête. Les évènements se succèdent comme des vagues que nous prenons de plein fouet sans pouvoir reprendre notre souffle. Sarah est partie mais Fanette est de retour après dix jours confinée dans un hôtel. Fièvre, vertiges, maux de tête : elle pensait que c’était le coronavirus, je pensais que c’était le coronavirus, vous pensez que c’est le coronavirus, ce n’était pas le coronavirus. Enfin, d’après le test fait dans un hôpital public indonésien. Le personnel médical vient prélever à l’aide d’un coton-tige un peu de salive. cinq heures d’attente, deux minutes de consultation. Trois jours plus tard, les résultats sont formels : pas de coronavirus.

 Alors qu’était-ce ? La dengue ? La grippe espagnole ? Elle ne saura jamais. Quand on est volontaire, les « coups de fatigue » dans notre jargon, nous tombent dessus comme la neige en hiver. On ne dramatise pas, on lâche prise et on patiente. Parfois, quand la fièvre devient vraiment insupportable, on passe faire un check-in à l’hôpital. On arrive parfois à comprendre le diagnostic du médecin. On finit toujours par repartir avec un paquet de pilules – qui pourraient très bien être des dragibus – et on retourne se coucher. Après tout, c’est toujours une bonne occasion de prendre des vacances.

 Notre bateau est donc pris d’assaut par la houle. Chaque vague est une préoccupation, une secousse à envisager. Elles ne sont pas toutes aussi menaçantes mais elles arrivent de tous les côtés. Bateau ? Tempête ? Vent et marée ? Romain, as-tu perdu la tête ? Décortiquons un peu cette métaphore douteuse. 

 

Océan Pacifique

Océan Pacifique (Août 2017) – © Romain Mailliu

 

Ces vagues, ce sont les problèmes – disons challenges – des jeunes qui évoluent avec le coronavirus. A ce stade, ce sont généralement des challenges économiques : Le père de Taufiq a perdu son travail, il est le seul à pouvoir ramener de l’argent pour nourrir sa famille ; Les parents de Fikri sont rentrés “au village” pour fuir le virus, il est maintenant à la rue. Ces défis s’ajoutent à notre travail quotidien : Toy ne peut plus venir au centre car il doit aider sa grand mère à ramasser des bouteilles en plastiques pour les revendre ; Fami va donner naissance dans 4 jours et n’a pas assez d’argent pour accoucher à l’hôpital. Vous l’avez compris, ça fait beaucoup de “Challenges”. 

Ces secousses, ce sont aussi les workshops que LP4Y a mis en place pour s’adapter face à la crise planétaire. En Indonésie, nous sommes l’un des derniers centres qui n’est pas encore en confinement total. En Inde, au Vietnam, aux Philippines ou encore au Bangladesh, les centres assurent un suivi des jeunes plus ou moins à distance. Cela dépend de l’agressivité des policiers qui font respecter l’interdiction de sortie. 

Ces ateliers portent sur des initiatives variées pour améliorer nos processus. J’ai d’ailleurs une conf-call dans dix minutes pour parler du suivi des anciens jeunes du programme – faites-m’y penser. 

Dans cet ouragan, l’adversaire le plus dangereux se trouve parfois sous la mer. En effet, un courant puissant nous fait dériver et rend le cap difficile à garder. Il se réveille particulièrement le soir, quand la nuit tombe, et rien ne semble pouvoir l’arrêter. Ce courant, c’est l’information continue sur le coronavirus qui nous agresse jour et nuit. Réseaux sociaux, journaux, télévisions, mails, flyers, visiteurs : impossible de se déconnecter ou de chercher le vrai du faux. J’ai l’impression d’être spammé, assommé par des données qui me tombent dessus sans fin. Alors je garde quelques bribes d’informations, saisies ici ou là, et il m’arrive de les partager à qui veut bien les entendre. Sans le vouloir, j’imagine que je rajoute une couche à l’incompréhension générale.

 

Océan Pacifique

Océan Pacifique (Août 2017) – © Romain Mailliu

 

Moussaillons, il n’y a pas de voilier sans vent, ni de tempête. Ami d’un jour, ennemi du lendemain, le vent est un personnage bipolaire. Son rôle est déterminant quand on entreprend des aventures en mer. Son souffle peut porter notre bateau vers des horizons plus prospères ou le briser puis l’envoyer nourrir les poissons. Blizzard, parfois caresse matinale, il est déroutant. Quand le mistral se lève, les voiles se gonflent et les marins chantent. Ce vent, c’est nos familles en France. Elles jouent une place décisive alors que le virus fait de plus en plus de victimes. C’est la raison qui décide un volontaire à quitter le navire pour rentrer chez lui. La famille comme l’alizé est une source d’énergie inépuisable. Il suffit parfois d’un coup de téléphone de sa part pour dompter les flots ou pour déchirer les voiles… “Vas-tu rentrer en France ? ; félicitations pour ton engagement ! ; es-tu en sécurité ? ; nous sommes fiers de toi ; tu nous manques…” Les mots de nos familles alimentent nos peurs et nos joies. Il faut savoir s’en détacher sans prendre de distance.

Le vent est l’ombre de la tempête : quand il se dresse face au soleil, il perd son hostilité.

Sur le pont du voilier, je ne suis pas seul. Nous avons perdu un matelot c’est vrai, mais le hasard fait bien les choses : un amiral et un capitaine de vaisseau nous ont rejoint. Le cofondateur de LP4Y, Jean-Marc, et une haute fonctionnaire de l’organisation, Inès, se sont retrouvés bloqués en Indonésie. Ils étaient venus visiter un centre à Surabaya quand l’Inde, leur pays de résidence, a décidé de fermer ses frontières. Ils s’installent donc avec nous à Jakarta en attendant que la situation évolue.

Depuis huit mois, notre bateau, nous savions le garder à la surface. Lui donner un cap. Entre marins, nous avions eu le temps de découvrir nos qualités respectives et un bon équilibre s’était naturellement mis en place. 

Tout n’était pas blanc ou noir mais, comme les vagues qui déroulent tour à tour leur ardeur sur la plage, nous avions trouvé l’harmonie. Maintenant que l’équipage n’est plus le même, nous devons en reconstruire une. Et vivre avec son patron est un facteur qui peut faire gronder les éléments. 

 

Océan Pacifique

Océan Pacifique (Août 2017) – © Romain Mailliu

 

Découvrir le chapitre 1 : Les départs devraient être soudains →

15 avril 2020 15 commentaires
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ActualitéCarnet de voyageRomain Mailliu - 13 mois de volontariat en Indonésie

#13 Les départs devraient être soudains

par Romain Mailliu 10 avril 2020
écrit par Romain Mailliu
Bidonville en bord de mer - Cilincing - © Romain Mailliu

 

La crise sanitaire mondiale menace Kampung Sawah, le bidonville indonésien de Romain. Suivez avec son carnet de bord l’impact du Coronavirus dans les quartiers les plus pauvres. 

 

Les départs devraient être soudains. Le 21 mars 2020

Sarah fait ses affaires. Elle s’en va. La décision a été prise aujourd’hui. Elle n’emporte avec elle qu’un petit sac qu’elle prendra en cabine. Elle ne souhaite pas perdre de temps, chaque seconde compte. 

Sous assistance respiratoire de 4 mois à 6 ans, la petite enfance de Sarah fut marquée par le bruit d’aspirateur de la ventilation mécanique, son éternelle compagne. Bien qu’à 18 ans, l’âge de tous les possibles, son asthme se soit stabilisé, elle prend aujourd’hui encore 6 médicaments par jour pour éviter des complications. Seulement voilà : le Coronavirus est une grippe qui peut retourner sa veste. Dans cet ouragan d’informations sans fin, les quelques faits que j’arrive à saisir – comme le pêcheur attrape une sardine dans un banc de maquereau – laissent présager qu’avec des problèmes pulmonaires le Covid-19 peut vous conduire en réanimation. Or, la réanimation en Indonésie, c’est un peu comme les amis en politique :  ça existe mais il ne faut pas trop s’y fier.

Elle a pris le premier vol qu’elle a trouvé. 2 escales : Hong-Kong et Les Emirats arabes unis, avant d’arriver à Lyon. Sarah ne savait pas que Hong-Kong était la région la plus grande et la plus peuplée de la république populaire de Chine, ou peut-être qu’au fond elle s’en doutait, mais qu’elle avait décidé de chasser cette idée de sa tête. Le plus gros risque, c’était de rester en Indonésie. 

L’ambassade nous a contacté : les vols pour la France seront bientôt limités aux longs courriers commerciaux pour une durée indéterminée. Vacanciers, rentrez vite : il est venu le temps de la raison. Adieu Bali ; bonjour Bercy. Expatriés, vous avez choisi une vie de princes, loin de la monotonie parisienne – Métro, boulot, dodo – restez. Vous allez la vivre, l’aventure, chez vous, en quarantaine, au bord de la piscine. Si vous fermez bien vos portails – barrières infranchissables de vos prisons dorés – et que vous renvoyez les domestiques, les risques d’attraper le virus sont approximativement les mêmes qu’en France. 

Et les volontaires dans tout cela ? Nous sommes partis avec l’idée de sauver la veuve et l’orphelin… Le fantasme prend une tournure inattendue et déroutante. Nous ne vivons pas dans de belles maisons, dans les quartiers riches de la ville, proches des hôpitaux privés et d’une population connectée au monde qui prend conscience de l’urgence et réagit à coup de gestes barrières et de quarantaines. Nous sommes dans les quartiers pauvres où il est inconcevable de s’enfermer seul chez soi car ici l’union fait la force. 

Que va-t-il nous arriver ? Je pourrais tirer des plans sur la comète, et je le ferais très certainement par la suite – il faut bien s’occuper – mais pour l’instant, je regarde par ma fenêtre le soleil se coucher sur Kampung Sawah, le bidonville dans lequel je vis. Les enfants jouent dans la rue et font brûler, dans un petit brasier, les morceaux de plastique qui jonchent le sol. Leur mère les regarde d’un oeil occupée. Une éponge à la main, elle frotte le scooter familial. Il y a 50 ans, elle lui aurait donné du foin tout en lui caressant la croupe. Le scooter est une bête increvable. Sur son dos, il porte des familles entières, sans jamais gémir, et quand bien même cela arrive, vous lui donnez un gorgée de gasoline et il repart au galop. 

 

Alors qu’elle nous annonçait sa décision, le sel a coulé sur les joues de Sarah. Je n’ai pas su réagir. Généralement, quand les émotions jaillissent chez mon interlocuteur, je cherche méthodiquement à adopter la “bonne” attitude. J’essaie de me téléporter dans la personne concernée. De me mettre à sa place, en quelque sorte. Faire preuve d’empathie. L’équation me semble assez simple : nous sommes tous des êtres humains et, malgré nos différences, nous avons une ligne de conduite commune. Romain, comment aimerais-tu que les autres réagissent face à toi ? Et là, mon théorème s’écroule. A la place de Sarah, je prendrais la fuite pour exprimer ma peine en silence. Intérieurement, en quelque sorte. Ce qui, en vue de principes physiques et psychiques assez évidents, n’est pas une bonne idée. C’est un coup à se remplir et à la moindre différence de pression : exploser. J’en conviens. Toujours est-il que Sarah est triste et moi tout autant désemparé. 

Elle est partie dire au revoir aux jeunes des bidonvilles que nous accompagnons dans le cadre de notre mission de volontariat. Elle a découpé des photos – instants volés au temps qui passe – qu’elle leur donne. 

Ces jeunes, nous partageons leur quotidien depuis maintenant 8 mois. Quand ils apprennent la nouvelle, une vague froide leur mord le visage. Des départs, ils en ont connu : une petite soeur qui ne soufflera jamais sa première bougie, un frère qui travaille loin pour nourrir sa famille, des parents partis en les laissant un matin sur le perron d’une voisine… 

Dans cette situation, ce sont eux qui prennent soin de nous. Avec un anglais hésitant dont ils connaissaient à peine quelques mots il y a encore 2 mois, ils essaient de nous réconforter. Et c’est diablement efficace. Je m’assieds et les regarde faire, admiratif. Nous essayons de leur apprendre les compétences recherchées par les entreprises pour qu’ils trouvent un emploi stable et décent. Nos enseignements me semblent biens futiles à présent. Aujourd’hui, c’est moi qui prend la leçon. 

 

Sarah accompagnée de Ramdani Akbar et Taufan Alamsyah, des jeunes du programme LP4Y - © Romain Mailliu

Sarah accompagnée de Ramdani Akbar et Taufan Alamsyah, des jeunes du programme LP4Y –
© Romain Mailliu

La Cigale et la Fourmi. Le 22 mars 2020

 Sarah est partie. Le centre semble vide, et les pas dans le couloir qui mène à nos chambres sonnent creux. Le silence court le long des murs, s’adosse aux fenêtres. Il emplit l’espace et nous étouffe petit à petit. Entre volontaires, nous vivions en communauté. Nous sommes habituellement 4 : Sarah, Fanette, Lia et moi. Fanette est en déplacement. Je me retrouve donc seul avec Lia. Elle est Indonésienne et s’occupe dans notre ONG de faire le lien entre nous, volontaires français, et l’Indonésie. Son poste ? Community mobilizer. N’allez pas croire que nous ne sommes pas Corporate. LP4Y est une ONG avec une structuration digne des multinationales du CAC 40. Je pourrais vous développer le modèle, l’organisation des différents pôles, l’organigramme, la road map à 5 ans et les résultats du premier semestre. Mais nous ne sommes pas ici pour parler business. Rassurez-vous : LP4Y n’a pas encore prévu une IPO au Nasdaq avant la fin de l’année. 

 Je retrouve Lia dans la cuisine, les yeux perdus dans son bol de lait à la fraise. Nous sommes dimanche ; il est 9h. Le soleil est déjà haut dans un ciel bleu qui appelle à l’aventure. Romain, il est temps de te ressaisir ! Il est vrai, un chapitre se termine dans notre colocation mais l’on n’écrit pas de bons romans sans tourner des pages. N’oublions pas que pendant la campagne de Russie, Napoléon a perdu 200 000 hommes pour finir exilé sur l’île d’Elbe. Nous ne sommes pas à plaindre. L’Histoire est un ami toujours fidèle qui nous aide à relativiser. Debout soldat ! il est temps de se préparer à faire face à cet adversaire sans étendard qui répand sa fièvre partout dans le monde.

 Il n’y a pas de bon soldat sans bon matériel. Et ça, la France, 3ème plus gros exportateur mondial de matériel militaire, l’a bien compris. Avec un chiffre d’affaires de 9,1 milliards d’euros en 2018 et un marché en hausse de 5%, il y a de quoi alimenter les théories les plus lugubres de nos amis complotistes. Bien qu’il soit certainement possible d’acheter des armes à Kampung Sawah, elles nous seront peu utiles pour lutter contre le COVID-19. J’ai toujours été très mauvais au tir à la carabine et ma seule expérience de ball-trap s’est soldée par une bière et une épaule d’agneau au club-house. Bref, nous partons donc acheter des masques, des gants et du paracétamol. Mais où donc trouver ces ressources tant convoitées ? Cela fait déjà plusieurs jours que nous investiguons autour de notre bidonville et il faut se rendre à l’évidence : on peut y trouver la joie, la compassion, la sagesse et un Magnum 357 mais pas de matériel médical. Seuls les malls, véritables palais du royaume de la consommation, semblent encore disposer d’un pareil trésor.

 

Les malls sont à l’Indonésie ce que sont les térasses et les jardins à la France : des lieux de rendez-vous incontournables pour les familles, les amis, les futurs couples, les anciens amants… L’endroit hype pour passer un weekend branché. Jakarta, on n’en compte pas moins de 144. Il y en a pour tous les goût. Ou plutôt pour tous les portefeuilles. Je les ai classés en 3 catégories : 

  1. Le mall “fourmilière”. Il est composée d’un agglomérat de petites galeries qui partent dans tous les sens. On y trouve de tout et on ne repart jamais avec ce que l’on était venu chercher. La circulation y est difficile et il faut savoir jouer des coudes pour rester à la surface. Les prix sont bas pour qui sait négocier : vous y rencontrerez des commerçants tenaces. 
  2. Le mall “Les 4 temps”. Je vous épargne les détails : c’est celui qui ressemble le plus à nos centres commerciaux. Vous y trouverez des chaînes de prêt à porter, de restauration ainsi qu’un espace détente avec son bassin artificiel. Pendant la période de Noël, un sapin est dressé en son centre et un stand de photo vous propose pour 10 euros un souvenir avec le vrai Père Noël. 
  3. Le mall “Hilton”. Le sol en marbre encore trop peu foulé est une véritable patinoire. Les couloirs sont immenses. Des voitures de sport vous regardent avec de grands yeux depuis leurs stands éphémères. Les chaînes qui ont fait leurs preuves se cachent à l’ombre des vitrines des boutiques de luxe. Yves Saint Laurent, Dior, Chanel, Givenchy, Gucci… Quelques discrets visiteurs admirent les vitrines avant de prendre la fuite quand le vendeur en costume trois pièces les approche. 

 

Nous en choisissons un à proximité de notre quartier, qui porte le délicat nom  de Aeon. C’est un mall que je place dans la catégorie numéro deux. Comme tout stratège formé sur le tas à la gestion de crise, nous avons décidé de faire des stocks : ni trop peux, ni pas assez. Autour de nous, la concurrence s’active en poussant des cadis remplis de sacs de riz et de nouilles chinoises. Le rayon de papier toilette n’a pas encore été dévalisé pour des raisons culturelles que je vous laisserai deviner. Le bilan n’est pas glorieux. Plus de masques, plus de gants. J’arrive à me procurer quelques sachets de paracétamol et un thermomètre. Impossible de respecter les gestes barrières et seul le personnel du supermarché porte des masques. Nous repartons avec un désagréable goût d’échec à la bouche.

 

A suivre…

Des appartements situés au dessus d’un mall dans le nord de Jakarta

Des appartements situés au dessus d’un mall dans le nord de Jakarta

 

Photo de couverture : Bidonville en bord de mer – Cilincing – © Romain Mailliu

10 avril 2020 6 commentaires
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Carnet de voyage

EN CANOË SUR L’ALLIER – #4 Le dernier bivouac

par un contributeur 28 mars 2020
écrit par un contributeur

Découvrez la suite des aventures de Gonzague et Erwan à la conquête de l’Allier, le fleuve le plus sauvage d’Europe. 

 

Dormir en pleine campagne ou dormir sur des berges sont deux choses différentes.  Il y a des tas de critères à prendre en compte. Quand on marche, le choix de bivouac reste assez étendu (quoique, ça peut dépendre du terrain, mais je n’en sais rien je n’ai jamais fait de roadtrip à pied).

Voyons un peu pourquoi l’avant dernier bivouac était un lieu presque parfait. Une petite île bien tranquille ! Un peu d’espace vert, une plage et des arbres pour l’ombrage et les hamacs, bref un vrai nid douillé de confinement. Avec Gonzi (il faut le dire ici, c’est son surnom), on a même baptisé ce lieu, mais on ne le dira pas ici. Le prochain voyageur pourra lire sur place, une gravure où est inscrit le nom de l’endroit.

Mais qu’est-ce qu’est-ce qu’un bon bivouac ? C’est un bivouac avec assez d’arbres pour monter les hamacs (au moins deux si ces derniers sont assez gros et branchus pour y fixer plusieurs lits. ) C’est aussi un lieu qui reproduit la maison, le coin cuisine, le coin dodo et le coin le plus important : la terrasse. Ce genre d’endroit ensoleillé avec une belle vue sur la rivière.  Ici on boit des bières quoi (je crois que le confinement me rend nostalgique là)… Le moment sur la « terrasse », c’est l’heure la plus précieuse de la journée. 

 

Etendue d'eau

 

L’installation du bivouac ou comment agencer son appartement

On a monté les hamacs, allumé le feu, décapsulé les bières avec le briquet qui commence à s’effriter. Après tout cela, il ne reste plus qu’à s’asseoir en regardant le soleil se coucher sur la rivière. C’est presque des vacances au bord de la mer. Je me souviens de notre dernier bivouac, le soir du quatrième jour. Là, c’était la galère pour trouver. Notre plus grand souhait était de découvrir un endroit conforme à nos rêves. Chercher une berge pour dormir, c’est comme visiter un appartement pour un couple de jeunes pros. Demandez à Gonzague, il sait de quoi je parle.

Premier arrêt, première visite, on aperçoit l’endroit du bivouac de loin : “chéri j’ai vu cette annonce sur seloger.com, au pire on y va ça coûte rien.” Le lieu n’est pas génial mais notre subconscient fait office d’agent immobilier et essaie de nous vendre un misérable taudis, sans double vitrage, avec le carrelage de la douche fait avec de la pâte à modeler d’enfant. Le voici qui nous bazarde son bien, le malhonnête : “de belles surfaces, avec la possibilité de maximiser l’espace; appréciez la profondeur de cette pièce ! L’idéal pour s’installer.” Pour le premier possible bivouac, c’était la même chose : une rive insalubre, des courants d’air fluviaux insupportables et l’odeur de la vase qui remonte des canalisations…. bref, la prochaine annonce, on saute sur l’occasion ! Rebelote… 

Une troisième visite ? Cette fois-ci il n’y pas assez d’arbres..l’annonce indiquait un T3 pourtant…. Mais la quatrième visite est la bonne. On trouve un lieu ouvert, avec un petit bosquet de trois grands arbres. Notre T3 parfait. Accompagné d’un joli pré descendant jusqu’à l’Allier : notre terrasse. Il nous suffit donc d’aller récupérer les choses du quotidien dans le frigo. 

 

Pêche miraculeuse

 

Un frigo disais-je ? Oui ! mais pas n’importe lequel. Tout le monde connait la technique de faire rafraîchir ses bières et son rosé dans l’eau. Nous arrivons, on débarque, on pose les divines bouteilles dans le lit de la rivière et ensuite, c’est la pêche miraculeuse. A défaut de poisson, on va à pêcher le rosé. Une belle prise néanmoins ! (voir la vidéo : on explique, on commente, on analyse). Le tire-bouchon remplace l’hameçon. Bref, une bien belle journée qui se termine. 

 

 

Suite et fin

Le lendemain, dernier jour. L’Allier commence véritablement à changer d’aspect. Les berges s’affinent, le lit de la rivière s’agrandit. Le calme bruissement d’une eau calme remplace les crachats houleux d’une onde tumultueuse. Ce dernier jour, c’est un peu le retour d’Ulysse à Ithaque.

 

Voir notre itinéraire ICI.

 

La dernière partie de ce trajet se passe comme tous les derniers jours. Nous sommes heureux d’être parti mais heureux de rentrer. Je crois que nous avons été complètement convaincu par ce genre de voyage. Même le trou dans la coque n’a pas entamé notre enthousiasme : la preuve : il y a une suite à cette histoire.

Le prochain récit racontera comment nous avons parcouru près de 300 kilomètres entre Moulins (Bessay-sur-Allier, plus précisément) et Orléans. Nous dirons au revoir à l’Allier et bonjour à la Loire. On fera des rencontres sympas avec d’autres kayakistes de notre acabit et la suite je ne vous la raconte pas, elle sera à retrouver dans un mois, ici sur BSFmagazine.

 

Bivouac

 

Fin de la saison 1 

Découvrez la descente des rapides en Formule 1 juste ICI. 

28 mars 2020 0 commentaire
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ActualitéCarnet de voyageRomain Mailliu - 13 mois de volontariat en Indonésie

#12 Inondations de Jakarta : La misère est si belle

par Romain Mailliu 18 mars 2020
écrit par Romain Mailliu

 

Cela fait maintenant 1 mois que je n’ai rien couché sur le papier. Pourtant, il arrive que les mots courent dans ma tête et le soir, le visage dans mon oreiller, j’essaie de les saisir pour en faire des phrases. Parfois, quand celles-ci me plaisent, je les écris sur mon portable. Puis les effaces le matin, pour les laisser à la nuit.

 

Mon bidonville : Kampung Sawah

Notre centre, un bateau au milieu des épaves. Les inondations ont frappé fort à Jakarta, et seules les maisons avec un étage, comme la nôtre, peuvent encore abriter un semblant de vie. Depuis 2 jours, l’eau et l’électricité ont été coupées dans Kampung Sawah : notre quartier, notre bidonville, notre communauté, appelez ça comme vous voulez. Vous n’aimez pas les compromis ? Pas d’inquiétude, le gouvernement indonésien a déjà choisi pour vous : Kampung Sawah n’existe pas. Il n’y a aucun droit de propriété sur ce terrain inondable qui s’étend entre une forteresse de containers et une autoroute à 6 voies. Pourtant, plus de 10 000 habitants y ont construit leur « maison ».

Le niveau de vie y est pauvre, très pauvre. Le chômage fait rage si bien que pour gagner leur pain, les habitants acceptent n’importe quelle besogne. La plupart travaillent au port, et guident les camions, les grues, les bateaux et les containers. Ils sont comme des fourmis au milieu d’un défilé militaire.

 

 

Les misérables

Avec le temps, Kampung Sawah a pourtant su créer de la richesse, s’organiser et s’agrandir. Certains disent même que le quartier s’embourgeoise. Les murs de béton remplacent le carton, les balcons fleurissent aux étages des maisons… N’allez pas vous imaginez une banlieue à la Beverly Hill, avec les gazons entretenus au peigne fin et les barbecues webers devant les vérandas. Mais Kampung Sawah est mon quartier et même de l’eau jusqu’au nombril, je remuerai ciel et terre pour vous convaincre de venir y passer quelque temps.

Vivre dans un bidonville, c’est faire l’expérience de la simplicité. La misère n’a rien d’artificielle. Elle ne se déguise et ne se maquille pas, ou alors pas longtemps. Quand je marche dans les rues de mon quartier, le mascara ne cache pas les nuits blanches, allongées à même le sol. Les faux maillots de foot ne cachent pas les corps de petite taille, maigrichons, victimes de malnutrition. Les grands sourires ne cachent pas les dents abîmées par l’insuffisance sanitaire.

Vivre dans un bidonville, c’est découvrir une réalité vécue par des millions de personnes dans le monde. Nous pensons parfois que nous avons une vie ordinaire, banale, classique, détrompons-nous. Si normaliser c’est généraliser, la réalité des bidonvilles est certainement plus normale que la nôtre. En effet, près de la moitié des habitants de la planète – soit 3,4 milliards d’individus – sont confrontés à de grandes difficultés pour satisfaire leurs besoins élémentaires.

La Banque mondiale a proposé, en 2018, deux seuils de pauvreté : le premier, à 3,2 dollars par jour, qui conduit à compter 25 % de pauvres sur la planète, et le second à 5,5 dollars, qui implique près de 50 % de pauvres. Difficile de se plaindre devant cette réalité, nous qui avons parfois l’habitude, d’exprimer notre mécontentement pour un rien. En 2020, toujours pas de réseau dans le tunnel de la Défense : c’est un cauchemar. Il faut travailler plus pour payer la retraite de nos anciens plus nombreux que par le passé : c’est malheureux.

Vous allez me dire « Romain, attention, méprise, tu sais que l’argent ne fait pas le bonheur ». Peut-être, mais comme le dit Booba, le bonheur ne remplit pas l’assiette.

Vivre dans un bidonville, c’est faire l’expérience de la joie, dans ce qu’elle a de plus authentique et véritable. Pour survivre, l’entraide est de mise, et nous découvrons que la joie est plus intense quand elle est le fruit de la générosité. Quand on est démuni, on apprend à se satisfaire d’un rien. Chaque moment de vie est propice à l’émerveillement. Une inondation devient une piscine géante et gratuite. La misère est si belle.

 

 

La vie aquatique

Nous sommes le 25 janvier et depuis le 31 décembre, les inondations nous frappent au moins une fois par semaine à Jakarta. Ce n’était pas arrivé depuis plus de 10 ans, de mémoire des anciens. Ce n’est peut-être tout simplement jamais arrivé. L’eau, qui grimpe comme une marée, n’y est pas toujours aussi haute. La lune est parfois clémente, me direz- vous. Mais à peine avons-nous le temps de la chasser des matelas, des armoires, des vêtements, elle revient au galop. Pas de répits pour les braves, les visages se creusent, mais les sourires restent sous les yeux pochés.

Dans la communauté, chacun affronte le destin avec un positivisme exemplaire. Les enfants construisent des bouées avec des chambres à air, plongent, s’amusent dans l’eau sombre, où se mélangent plastiques, restes de nourritures et de déchets en tout genre, couleuvres et cloportes. Les rires résonnent dans les allées. Pas besoin de babyphone pour s’assurer que les enfants vont bien.

 

 

Les sourires immortels

Je ne me lasse pas des sourires des habitants. Ils sont toujours les mêmes, immortels, fidèles, indéchiffrables. Qu’il pleuve, vente, sous la chaleur ardente du soleil, éclairé par les reflets de lune, des sourires encore et toujours. Au début de mon volontariat, je les trouvais merveilleux. C’était pour moi un signe d’amour universel, de succès devant la misère, de richesse devant la pauvreté. Je me nourrissais de ces sourires, le matin après une courte nuit, ils étaient pour moi comme une piqûre d’adrénaline.

Maintenant ces sourires me font peur. Je les vois comme le reflet d’une éternelle indifférence. Le sourire qu’on donne aujourd’hui car on ne sait pas de quoi sera fait le lendemain. À quoi bon être triste, tirer une sale tronche, quand on n’attend rien de l’avenir ?

N’y a-t-il donc jamais de limite ?

Aujourd’hui, ce sourire, je le vois comme l’acceptation d’un prochain malheur. J’aimerai parfois le voir remplacer par une grimace de colère, de tristesse, comme l’expression d’une volonté de vouloir changer les choses, crier STOP ! C’est pour moi le sourire d’un peuple qui accepte son destin.

 

 

Espoir et désillusion

Utopiste que je suis, imbécile, aveugle, sourd, ce sourire est pourtant la preuve que la joie est plus forte que tout. C’est le sourire de la compassion et du pardon, la sagesse qu’il faut pour accepter le fait que nous ne maîtrisons pas tous les éléments, que nous ne sommes pas les acteurs tout puissants de notre propre film. Et ça, du haut de mes 24 ans, j’ai du mal à l’accepter. Je pense encore qu’à force de persévérance, de rêves, et de volonté, on peut garder la main sur son destin.

 

“La joie est bien plus grande que le bonheur. Alors que le bonheur est souvent dépendant de facteurs extérieurs, la joie ne l’ait pas.”

Le Dalaï-Lama et l’Archevêque Tutu – Le livre de la joie

 

Et bercé par l’espoir, je suis persuadé qu’il est possible de changer de vie. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai décidé de partir en volontariat de solidarité internationale, envoyé par la DCC dans l’ONG LP4Y, afin d’accompagner les jeunes des bidonvilles à trouver un travail décent.

Je peux vous assurer que quand un jeune quitte Kampung Sawah pour devenir réceptionniste dans un hôtel 4 étoiles, c’est sa vie entière, et celle de sa famille, qui passent de l’ombre à la lumière. Un salaire fixe, une assurance, des vacances et le droit de rompre un contrat : c’est ce que la loi appelle un travail décent, c’est ce qu’un jeune des bidonvilles appelle une nouvelle vie.

Sauf que ce changement de vie est infiniment compliqué à réaliser et à poursuivre seul.

 

 

Together we can

Être seul, c’est sourire à son miroir. Essayez, vous n’en sortirez pas plus motivé. A la limite vous vous direz : il faut que j’aille chez le coiffeur, ou encore : pourvu que je devienne riche… Alors que quand quelqu’un vous sourit, tout semble devenir possible. Nous avons besoin des autres pour réussir, et ça, nous en faisons l’expérience tous les jours : nos familles, nos amis, nos collègues, notre équipe de sport… L’homme ne se suffit pas à lui-même, avait tenté de m’expliquer Aristote, pendant un DS de 4h en terminale scientifique. Avec le recul, il s’avère que nous sommes tombés d’accord. Ensemble, tout est possible.

S’il fallait conclure, car chers lecteurs, si vous êtes encore là, après 1542 mots, je vous en remercie et je vais de suite abréger vos souffrances. Je sais que l’époque n’est plus à l’écriture, aux doutes, à la description et l’analyse, mais aux vidéos de 3 minutes qui vous expliquent comment Aymeric a quitté la Banque d’Affaires pour vivre dans la creuse en autonomie dans une cabane.

Cher lecteur, bien que nous ne maîtrisions pas tous les éléments de cette équation à 3 temps – passé ; présent ; futur – qu’est la vie, nous pouvons, en unissant nos forces, la faire tendre vers le résultat qui nous semble être le bon…

Il ne suffit parfois que d’un sourire.

 

 

18 mars 2020 24 commentaires
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Carnet de voyage

En canoë sur l’Allier – #3 Du rallye à la Formule 1

par un contributeur 13 mars 2020
écrit par un contributeur
En canoë sur l'Allier

Découvrez la suite des aventures de Gonzague et Erwan à la conquête de l’Allier, le fleuve le plus sauvage d’Europe. 

 

On aurait pu comparer la première journée de navigation de nos deux camarades à une manche de slalom de Tony Estanguet aux Jeux Olympiques de Londres. On se représente bien l’athlète dévaler les vagues tout en visant juste pour passer les portes dans le bon sens, lisant le courant et les tourbillons afin d’optimiser sa trajectoire et sa vitesse. Mais à ce moment là Erwan et Gonzague se représentaient plus dans la peau d’un pilote de rallye automobile, tel Sébastien Ogier ou Sébastien Loeb, tentant d’aller chercher une 7ème couronne mondiale. À l’image d’une course de rallye WRC, la première journée ne fit pas de cadeaux à nos deux pilotes et, à force de déraper sur les rochers dans les rapides ou de se laisser entraîner sur les bas-côtés de la rivière, ils durent bien, la nuit venue, se rendre à l’évidence que leur véhicule était définitivement endommagé. La carrosserie était sérieusement enfoncée, leurs ailerons étaient partis en fumée, l’aéro était à revoir : plus rien n’allait.

Les mécanos passent donc une partie de leur soirée à retaper le véhicule endommagé (comprendre par là qu’on passe un bon moment à vider le canoë de l’eau qui s’y était clandestinement embarqué en soute). Mais la nuit porte conseil et c’est lors du brief d’avant course, le deuxième jour, qu’on prend une grande décision. Désormais on avait dépassé la partie la plus sinueuse de l’Allier et il nous faut maintenant passer la vitesse supérieure. On décide donc, tels Kubica ou Alonso, de troquer notre baquet de rallye pour un volant de Formule 1.

 

8h30 : La grille de départ

 

En canoë sur l'Allier

 

C’est notre premier Grand Prix de F1. Jeunes pilotes que nous sommes, nous nous faisons un peu surprendre par l’horaire. Il est déjà 8h30, nous ne sommes pas encore partis mais les vaches de leur pré sont là pour nous rappeler l’heure telles les “grid girls” sur la grille du départ. Juste le temps d’un passage aux stands. On jette un dernier coup d’oeil à la carte, on prend une dernière gorgée de café. Nos équipements sont prêts, ici pas besoin de casque, un gilet de sauvetage suffit. Nos mamans en seront moins inquiètes et vu nos péripéties de la veille (voir le précédent article), une nouvelle sortie de piste n’est pas à exclure. Nous voilà enfin sur la grille de départ saisissant notre pagaie tel un pilote tenant son volant. Les “grid girls” s’écartent, le départ va être donné d’un moment à l’autre. C’est parti ! Il est 9h30 et on s’élance à l’assaut de la rivière, contre la carte et la montre.

 

11h00 : 1er pit-stop

Le début de course se passe bien mais cela fait déjà plus d’une heure que nous roulons, enfin pagayons, et la piste use notre embarcation. Il est temps de changer de pneumatiques. Dans notre cas cela signifie écoper l’eau du canoë, remplacer les rustines appliqués sur les blessures du canoë, en profiter pour descendre un thermos de Nespresso, y tremper un ou deux boudoirs et hop nous voilà déjà repartis. En réalité, de concurrents il n’y en a pas autour de nous. Il n’y a pas de temps de référence non plus sur notre parcours. Nous sommes donc les seuls juges et commissaires de notre course. Et c’est pour ça que, pour garder notre rythme, on use de toutes nos techniques pour tromper l’ennui et continuer d’avancer. Entre deux passages techniques les discussions vont bon train. Une fois les ragots épuisés, on parle de la prochaine étape, puis on les entend chanter. Ce sont d’abord des chants scouts pour se donner de l’entrain, puis des chants paillards en guise de pause avant d’enfin entonner tout notre répertoire militaire qui accompagne notre rythme de pagayage. Et puis, quand le temps se fait long, comme un pilote appellerait son box à la radio, on appelle nos potes pour partager notre avancée et prévoir les prochaines vacances. Mais ça y est, à force de chanter et de parler, il est déjà 13h et l’heure du déjeuner approche.

 

En canoë sur l'Allier

 

13h30 : L’arrêt au stand

Nos deux pilotes ont déjà parcouru 35 km à bord de leur Formule 1 d’eau douce et en un temps de record de 4h00. On arrive à Pont du Château (voir la carte interactive ICI) et on s’apprête à effectuer notre deuxième pit-stop. Les mécanos s’affairent, tentent de changer leurs pneumatiques mais cette fois-ci les dégâts sont trop importants. Il va falloir rentrer le bolide au stand et penser à une réparation plus sérieuse. On hisse donc le canoë sur la berge. On achète un mastic, qui une fois réchauffé dans le creux de la main, permet de colmater les brèches. Mais là c’est la double peine : en plus du temps de réparation, il va falloir prévoir deux heures de séchage… 

Notre moyenne au kilomètre est flinguée mais pas de soucis, on a plus d’un tour dans notre sac. Le temps est mis à profit. On sort le saucisson, on met le rosé au frais, on tend même une ligne au cas où une truite passerait par là. Et comme la récupération est primordiale dans ce genre de périple, on prolonge l’arrêt au stand par 20 minutes de sieste technique. Ça y est le mastic est sec, la truite n’a pas daigné croquer mon bout de saucisson mais la bouteille de rosé est vide. Il est l’heure de repartir.

 

16h00 : Deuxième tour de piste

Il est déjà 16h, la pause a duré plus longtemps que prévu. D’après les cartes, il nous reste un peu plus de 10 km. Si le courant continue à bien nous pousser c’est l’histoire d’une grosse heure. Mais le parcours en a décidé autrement, on mettra finalement plus de deux heures pour arriver au terme de l’étape du jour. Plusieurs obstacles vont se présenter à nous. Sur les 10 prochains kilomètres, la rivière descend de presque 50 mètres de dénivelé. On peut donc dire sans mauvais jeu de mots qu’il y a anguille sous roche.

 

En canoë sur l'Allier

 

Ce midi la truite n’avait pas mordue à l’appât mais à peine repartis, alors qu’on navigue maintenant sur une sorte de plateau de calcaire, le fond n’est plus fait de sable, mais l’eau transparente glisse sur la roche. La rivière révèle enfin ses secrets et le soleil aidant, on voit miroiter à chaque coup de pagaie un banc entier de truites ou de perches. Le spectacle est magnifique si bien qu’on se laissent distraire et on ne voit pas les dangers approcher. On nous avait pourtant bien dit de se méfier des courants qui peuvent se révéler puissants et des tourbillons que provoque par endroit la rivière.

 

Maman ne le sait pas

Comme un symbole au moment où un bruit sourd commence à se faire entendre en aval de la rivière, la playlist chante les paroles de cette chanson de Ninho :

 

“Ils veulent nous ralentir, stopper el tráfico. On est cramés dans les bails chico, on est cramés dans les bails chico.“

Ninho feat. Niska

 

En canoë sur l'Allier

 

On aurait dit que la chanson faisait écho aux barrages que la rivière avait dressés sur leur chemin. En effet subitement, alors qu’on navigue depuis un bon moment sur ce plateau de calcaire, la rivière change radicalement de physionomie. C’est comme si le plateau s’était affaissé sous le poids de l’eau. En moins de 100 mètres, la rivière perd plus de 20 mètres de dénivelé. Au fil des ans, le fleuve avait donc creusé comme des marches dans son lit. Il nous faut donc descendre de notre bolide pour s’aventurer dans cette succession de micro-cascades et leurs courants bouillonnants, mais ça heureusement maman ne le sait pas.

 

18h30 : Passage de la ligne d’arrivée, veillée et bivouac

La suite ne fut pas meilleure puisqu’il nous faut passer deux ponts. On parle ici de traversée car il s’agit souvent de traverser une zone impraticable en canoë comme obstruée par des rochers placés dans le lit au moment de l’édification du pont. Ces deux derniers obstacles passés, on cherche à s’éloigner de l’A89 et de son bruyant trafic autoroutier et on fait enfin halte sur une île en face du village de Joze.

 

Voir sur la carte interactive ICI.

 

En canoë sur l'Allier

 

La ligne d’arrivée passée, pas de cryothérapie pour nos deux champions mais un bon bain, pour le moins vivifiant, directement dans la rivière. Le bivouac se monte, les hamacs sont tendus, le feu est allumé et la soiré peut commencer. Après quelques bonnes bières et une plâtrée de riz, nous voilà autour du feu pour célébrer la journée écoulée, débriefer la course et se préparer déjà à la journée de demain qui devrait déjà nous emmener jusqu’à la ville de Vichy.

 

A suivre…

 

Découvrez l’embarquement tumultueux juste ICI. 

13 mars 2020 0 commentaire
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Carnet de voyage

En canoë sur l’Allier – #2 Embarquement tumultueux

par un contributeur 29 février 2020
écrit par un contributeur
L'allier

Découvrez la suite des aventures de Gonzague et Erwan à la conquête de l’Allier, le fleuve le plus sauvage d’Europe. 

Le départ, enfin ! C’est pour nous un moment de grande joie, d’espoir et d’exhalation. Je crois que nous étions vraiment heureux. Il faut dire que nous avions pensé ce voyage depuis déjà pas mal de temps. Au départ ce n’était qu’une idée amusante, un rêve de voyage mais ce jour d’août était enfin arrivé. « Cette fois-ci, c’est la bonne ». Les grands voyages sont souvent le fruit de petits rêves. Je me souviens que mes parents et mon frère nous avaient accompagnés pour ce départ. Nous étions fiers. 

Tous ces moments de préparatifs nous donnaient tellement envie de partir pour de bon. Nous contemplions le canoë, cette embarcation sera notre amie pour longtemps. Nous nous étions procurés un gros sac étanche, pour les quelques frusques emportées avec nous et un petit, pour tout le matériel scientifique et sensible… non… pour les téléphones, le mp4 et une petite enceinte. J’avais trouvé un vieux mp4 que j’utilisais au lycée. Ce compagnon sonore ne fonctionnait plus tellement. Nous ne pouvions ni enlever, ni ajouter de musique. Nous nous contentions alors de ma playlist de lycéen : les années 80 et de la techno des années 2000 ; indémodable. C’était notre façon de nous souvenir de nos moments à l’école.

 

L'allier

 

En plus de ces deux sacs étanches, nous avons pris un vieux sac militaire qui prenait l’eau à la moindre éclaboussure. Nous avons stocké à l’intérieur les denrées non sensibles : boites de conserves, ficelles et autre objets qui ne craignaient pas la rivière. Cette musette, comme l’appellent les militaires, nous l’avons placée à l’avant du bateau. Je dis « placé » parce que, fort de notre inexpérience, nous n’avons pas jugé utile de l’attacher. Bien mal nous en a pris comme vous allez l’apprendre bientôt.

Dans la liste de notre matériel, certaines choses sont indispensables pour un tel périple : une corde. Elle va servir pour amarrer l’embarcation mais aussi pour le bivouac : pour accrocher la bâche s’il pleut. Nous l’avons utilisé comme rallonge pour installer les hamacs. On ne trouve pas forcément d’endroit avec des arbres offrant une configuration propice à la mise en place de notre campement. La grosse corde mais aussi de la ficelle (style drisse) peut remplir cette fonction. Nous avons pris avec nous des tendeurs. Ces grosses ficelles élastiques ont une utilisation quasi-universelle. Mais ils étaient surtout bien pratiques pour fixer les sacs sur notre batelet. Enfin, il ne faut pas oublier la hache, ou la machette. Ces outils sont indispensables pour couper du bois pour le feu, construire un abri et bien souvent pour déblayer le lieu du bivouac. 

 

Pour suivre le périple, découvrez la carte interactive => Ici

 

Et patatrac…. !!

Tout ce matériel se trouvait sur le canoë mais comme je le précisais plus haut, tout n’était pas bien ficelé. Comme dans Mort à crédit, Céline aurait dit de nous :  « Ah! Il était harnaché!…Il en avait lourd sur les os… Tout un attirail de trouffion, un paquetage complet… avec deux musettes! deux bidons! trois gamelles! » Bref.. tout cela était bien bancal. On a versé pas loin de la ligne départ. Hop ! une gamelle et une gourde (la seule que nous possédions) de perdues. Le sac coule à pic et se coince par chance dans les pieds de Gonzague qui le retient malgré le courant. L’Allier est assez vive à cet endroit (entre Jumeaux et Nonnette… à vos cartes !).

Sachez, ami lecteur, qu’une musette militaire ne flotte pas. Cette première brimade nous sert de leçon. Quelle idée de n’avoir attaché que les sacs étanches. Il est fréquent de se renverser dans les rapides. Notre canoë destiné à la balade en mer fait des siennes dans de telles situations. Ce petit événement est bien anodin pour le navigateur prévenu mais nous, pauvre marin d’eau douce, partions comme un soldat en 14, sans tout savoir de l’issue de notre périple. Nous n’avons plus jamais refait cette erreur. À partir de ce moment-là, l’harnachement du paquetage fut une espèce de rituel accompli à chaque levée d’ancre. Au bout de quelque temps, nous avions le coup de main, le geste précis et le mouvement rapide. 

 

L'allier

 

La casse

On retrouve nos deux amis quelques heures plus tard. Cela fait déjà un bon moment qu’ils pagaient et malgré quelques manœuvres qui ont engendré quelques chutes, ils apprennent vite. Il faut dire que l’époque, l’eau est encore froide et le courant est fort à certains passages ce qui suffit à faire passer l’envie à nos deux compagnons de faire trempette. Ne pas tomber est une chose mais il leur faut aussi apprendre à « lire » le cours d’eau, c’est-à-dire déceler là où se trouve le courant le plus fort, là où il y a de la profondeur ou, au contraire, là où peuvent se cacher des pièges. Cet apprentissage est long et ils vont l’apprendre à leur dépens.

Par la suite, ils sauront bien des mètres à l’avance sonder de leurs yeux les profondeurs de la rivière, anticiper les obstacles en estimant leur emplacement et leur profondeur en fonction du courant et des remous créés en aval. Ils sauront différencier un rocher ou une branche enfouie dans le sable d’une simple algue végétant entre deux eaux. A mesure ils sauront même différencier certains poissons par le sillage qu’ils laissent. La surface de l’eau se fait en quelque sorte le témoin de tout le milieu subaquatique qui n’aura bientôt plus de secret pour ces deux-là.

 

L'allier

 

 En route vers Vichy, la belle vie

Mais revenons à la navigation et rappelons que lors du dernier épisode nous avons quitté Erwan et Gonzague juste après leur départ de Jumeaux. Ils ont maintenant dépassé la ville d’Issoire et s’approchent à grands coups de pagaies du village de Coudes rendu populaire par les magnifiques méandres que forme l’Allier autour de la cité.

Mais voilà que depuis quelques kilomètres, ils se trouvent lourds. Erwan pense d’abord que c’est à Gonzague de passer à l’arrière pour équilibrer le poids du canoë, puis à l’avant. Rien n’y fait, pour cette fois Gonzague et son poids son quittes, qu’il soit à l’avant ou à l’arrière, l’embarcation perd de sa maniabilité. On pense alors que ce sont les affaires qui, à force de tomber à la flotte, s’imprègnent d’eau et pèsent de plus en plus lourd. Mais, après une énième manœuvre rendue délicate par le poids du bateau, il faut bien se rendre à l’évidence : c’est le canoë qui a un pépin.

Il faut dire que l’apprentissage fut rude pour lui aussi. Ses passagers ont fait leurs gammes sur les premiers rapides et il a plus d’une fois heurté violemment des rochers cachés. Le constat est sévère : on a perdu un morceau de plus de 10 cm à l’avant qui servait de protection pour la coque. Sans cet élément, c’est tout notre périple qui était remis en cause et dès notre premier jour. Nous n’avions plus le droit à l’erreur. En se décrochant, ce morceau nous avait fait perdre en aérodynamique et donc en vitesse mais il avait aussi fait céder la coque à deux endroits ce qui expliquait la voie d’eau et le poids du canoë.

 

L'allier

 

En s’arrêtant à Coudes nous avions vu juste puisque c’était une arrivée de randonnée nautique. Nous nous sommes donc enquis auprès des différentes bases nautiques de la manière de procéder pour réparer notre embarcation blessée. Il existe en effet une méthode consistant à faire fondre un plastique particulier avec un fer sur la plaie pour la refermer. Malheureusement, ils n’avaient pas ici de ce plastique en question, et, l’opération devant se faire au sec et nécessitant un temps de séchage, nous aurions dû attendre jusqu’au lendemain. Bon gré mal gré, nous sommes donc repartis en ayant au préalable partiellement colmaté les voies d’eau à l’aide de pansement. C’était plutôt efficace !

On a donc continué ainsi pendant un jour, faisant fréquemment des pauses afin de vider notre embarcation de son eau, avant d’enfin trouver un mastic qui nous a permis de définitivement colmater les brèches. Cette épreuve surmontée, nous pouvions reprendre notre rythme de croisière et déjà viser notre prochaine étape, Vichy !

 

Beaux pays et paysages

Nous avons versé pour la première fois près du petit village de Nonnette. C’est le nom du lieu et du petit pic sur lequel se trouve ce bourg. En effet, Nonnette est située sur une formation volcanique qui donne l’aspect d’un promontoire assez fin et assez haut poussant au beau milieu d’une plaine où d’un côté la pente est très rude et de l’autre très douce. Ce phénomène est dû à la coulée de lave qui ne s’étend que d’un côté de la cheminé pour former un petit plateau de faible inclinaison.

La présence des coulées volcaniques est encore plus visible à quelques kilomètres de là : sur la colline d’Usson. Il s’agit de la même configuration géologique que Nonnette, cependant l’on peut y voir des orgues basaltiques. Ayant l’aspect de prisme verticaux, les orgues basaltiques se forment quand la lave se refroidit. 

 

L'allier

 

Au moment où nous admirons ces petites cheminées volcanique, se tenaient devant nous de belles Salers. La rivière abreuvait ces vaches auvergnates de son eau fraîche. Elles arboraient fièrement leur jolie robe rouge bordeaux. Cette vache laitière très rustique est originaire du Cantal. Un fromage AOP éponyme est produit dans la région (l’appellation s’étend du Cantal au Puy-de-dôme) : le Salers. 

 

L'Allier

Une salers en premier plan et Nonnette en arrière plan

 

Les paysages d’Auvergne que nous avons découvert et redécouvert nous ont émerveillés tout au long de notre descente. J’espère que la lecture de ce papier donnera envie aux curieux d’aller rendre visite à la terre Arvernes. Ces montages et ses plaines (petite et grande Limagne) seront bientôt derrière nous. Notre chemin, nous menant vers Vichy, commence à nous montrer des berges de plus en plus larges, sablonneuses et une rivière plus calme. Nous doublons massifs, volcans et puys, traversant la Limagne pour rejoindre Vichy au porte du Bourbonnais. 

A suivre…

 

Découvrez les préparatifs de l’aventure juste ICI. 

 

29 février 2020 0 commentaire
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1 an que notre magazine existe. 1 an d’efforts patients et de tentatives passionnées ont abouti à plus d'une quarantaine de collaborations avec des écrivains, poètes, journalistes, aventuriers, photographes, reporters, amoureux de lettres et d'images, à retrouver sur notre site web et notre Instagram. ✍️ 📸
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Cette joyeuse dynamique nous incite à évoluer. Nous voulons creuser de nouvelles idées, en termes d’édition et d’offres créatives. 💭
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BSFmagazine passe donc en mode sous-marin ! Qué significa ? Arrêt des publications pendant quelques semaines. Plus de nouvelles sur les réseaux. Nous allons nous immerger pour mieux travailler et ressurgir, bientôt, avec un nouveau format ! ⚓
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Envie de participer (identité graphique, la conception, informatique…) ? Envoie-nous un message ! 🤝
[DEBAT] - Jardiniers de tous les pays, unissez-vou [DEBAT] - Jardiniers de tous les pays, unissez-vous !
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Quelques jours avant l’arrivée de la #5G en France, Baudøuin Duchange nous présente le nouveau visage de la révolution : le jardinage. ✊ 🌻
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Retrouvez des citations de Simone Well, @boobaofficial, @dalida_officielle, Michel Foucault, Stefan Zweig, @juldetp, Bernanos, Antoine de Saint-Exupéry dans ce nouvel article  à découvrir (GRATUITEMENT) sur notre site internet. 

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🥁 Gagne le dernier succès de Ibrahima Ba intit 🥁 Gagne le dernier succès de Ibrahima Ba intitulé Diam Welly. (Découvrez le résumé ci-dessous) 
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Diam Welly est un village où régnaient la paix et l'harmonie. La communauté des Peulhs vivait avec celle des Mandingues sans distinction. La joie de vivre y avait élu domicile ; les hommes et femmes étant en communion. Karamokho, un homme de valeur et bien respecté au village, y vivait avec son épouse Coumba, une femme vertueuse que tous les hommes auraient aimé avoir dans leur concession. La tradition avait réussi à construire une société juste, faite de solidarité, d'amour et d'entraide.
Cependant, la modernité — ou selon les mots de l'auteur, le Nouveau Monde — ne laissera pas Diam Welly indemne puisqu'elle le fera résolument s'engager dans une nouvelle ère de mutations affectant les moeurs, la moralité, les codes et conduites favorisant, ipso facto, l'émergence d'individus — comme Sellou, faisant la cour à l'épouse de Karamokho alors absent — gouvernés par la satisfaction de leur plaisir et de leurs intérêts personnels.
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Montréal, Canada, 2020. 
Selon la perception de leur corps, ces femmes abordent des comportements distincts influençant leur utilisation de l'espace, leur posture, mais également leur toucher. Durant les séances photos, elles se surprennent de la tendresse qu’elles s’accordent. Ce travail ne rend pas nécessairement compte “d’imperfections physiques”, il tend surtout à questionner le rapport qu’elles entretiennent avec elles-mêmes dans un espace qui leur est donné
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Persepolis • Iran • 2016
Meisam livre ses inquiétudes concernant son service militaire qui commence dans quelques jours. Il ne sait pas comment apporter de l'argent au foyer, ni qui s'occupera de sa femme malade, alors âgée de 18 ans à cette époque
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Kol Ukok, Kirghizistan, 2015.
Traditionnellement, la yourte est ouverte vers le sud par une entrée unique. A l'intérieure, l’espace est quadrillé selon un usage précis. Le sud et l’est de la yourte sont l’espace de la femme où se trouvent le foyer et la place de travail. L’espace de l’ouest est réservé à l’homme et aux invités. Cette photo est révélatrice : dirigée vers le sud, c’est la femme qui se dévoile, à sa place comme l’admet la tradition
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Le comédien ET metteur en scène Michaël Benoit Delfini
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[CULTURE] - Déjà entendu parler des Bullshit j [CULTURE] - Déjà entendu parler des Bullshit jobs ? On doit l’expression à feu David Graeber 🔥
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Anthropologue ayant réhabilité l’anarchie ♾ Figure du mouvement Occupy Wall Street ♾ Ecrivain multi-récidiviste ♾ Les Sex Pistols n’ont qu’à bien se tenir ! 
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Dessin + article par l’audacieux @tibovski ✏️
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