BSF
  • ARTICLES
  • Manifesto
    • Manifesto
    • Romain – 13 mois de volontariat en Indonésie
    • Baudouin Duchange – Chroniques
    • Tibovski – Dessin de la quinzaine
  • Devenir contributeur
  • ARTICLES
  • Manifesto
    • Manifesto
    • Romain – 13 mois de volontariat en Indonésie
    • Baudouin Duchange – Chroniques
    • Tibovski – Dessin de la quinzaine
  • Devenir contributeur
BSF

Voir, juger, agir.

Tag:

Coronavirus

Voir, juger, agir. Aventures et mésaventures à travers le monde... 🌦
Baudouin Duchange - Chroniques

“Voyage, voyage” : Il est temps de (bien) partir

par Baudouin Duchange 1 juillet 2020
écrit par Baudouin Duchange

 

Paris – Juillet 2020. Il m’aura fallu une centaine d’écoutes de la musique « tié la famille ! » du camarade Bengous pour enfin intégrer la question qu’il soumet à ses auditeurs : Oueskon va et Keskon fait ? 

Les dialectiques épistémologiques à la Tibovski n’ayant encore jamais foulé le sol vierge de mon savoir, je conserve un avantage argumentaire grâce à une science invérifiable : la philosophie de comptoir. Et nous en aurons bien besoin pour déterminer le sens d’un voyage !

 

Description : 'Family Holiday', Black and white photograph mounted on card, by John Heywood, 1979.

Description : ‘Family Holiday’, Black and white photograph mounted on card, by John Heywood, 1979.

 

Keskon fait ?

Ce qui est certain, c’est qu’une aventure implique un départ. Je décapsule ma première canette et marche en direction de Saint-Michel. J’ai toujours été séduit par le fait que le kilomètre zéro, en France, était le parvis de Notre-Dame de Paris. Chaque pas avancé à partir de cette place devient une aventure, même si elle termine dans les bars du quartier latin ! Certains critiqueront une vision  administrative et parisienne auto-centrée sur elle-même et ils auront probablement raison. Mais quel beau symbole ! Une fois au point de départ, il faut pourtant bien partir.

Comment partir ? Aujourd’hui, nous pouvons aller de plus en plus loin grâce aux compagnies aériennes low-cost. De nombreux boycotts dans un but écologique se sont ainsi manifestés et ont trouvé une résonance avec la crise du covid-19. La plus grande critique formée à l’encontre du commerce aérien est celle de la pollution dégagée par ces incessants monstres volants. A l’inverse, ses défenseurs insistent sur le faible impact environnemental de l’avion en comparaison à d’autres secteurs économiques, ainsi qu’à l’effet contre-productif des boycotts sur l’industrie et les métiers. 

J’ouvre une deuxième canette. Je me souviens du dernier film animé de Miyazaki « Le vent se lève », des dessins magnifiques pour tenter de créer des avions toujours plus beaux et purs. Le personnage principal, un architecte, s’inspire du vol des oiseaux et de la courbe de leurs ailes. Et comme dans le film, j’ai envie de crier : « le vent se lève, il faut tenter de vivre » ! Et pour cela il faut changer notre manière de voir le voyage. Le problème n’est pas, de mon point de vue, l’avion, la pollution et tout le reste. C’est, comme d’habitude, ce que l’être humain fait des machines qu’il conçoit. Il va voyager à l’autre bout du monde pour aller dans des hôtels aseptisés au confort similaire à un EHPAD sans se rendre compte réellement de la distance parcouru. Et il aura suffisamment payé pour se dire qu’on est ici « comme à la maison » ! Prendre conscience progressivement des territoires que l’on traverse, des paysages qui changent et des cultures qui se transforment me semble tellement plus intéressant que se prendre une simple claque en descendant d’un avion face aux nouveautés dans le duty-free et le changement de température.

 

“le vent se lève” de Miyazaki

“le vent se lève” de Miyazaki

 

Oueskon va ? 

C’est LA question que pose Ron Weasley à son poto Harry dans Harry Potter et les Reliques de la Mort. Extrait : « Chaque fois que le manque de nourriture coïncidait avec le moment où son tour était venu de porter l’Horcrux, il se révélait franchement désagréable. “Où va-t-on, maintenant” était devenu son refrain habituel […] On croyait que tu savais ce que tu faisais ! s’exclama Ron en se levant. On croyait que Dumbledore t’avait expliqué comment t’y prendre, on croyait que tu avais un véritable plan ». Comme le rouquin le plus connu de la littérature, nous pouvons nous sentir parfois déboussolé face à l’absence de carte directionnelle dans ce monde obscure. Tout le monde n’a pas la chance, comme Booba, de connaître d’avance son destin et de pouvoir chanter : « J’ai jamais su c’qu’étais mon rôle dans la vie / A part être riche, avoir une piaule à Miami beach. ». Le sens de nos misérables existences n’étant pas abordé dans cet article, je re-centrerai ma réflexion sur l’intérêt d’une destination de voyage. C’est d’ailleurs un sujet de crampe nerveuse dans la partie de mon cerveau où se situe la haine social contre la stupidité ambiante. Je me sabre une kro à coup de briquet pour me calmer.  

En effet, la plupart de mes connaissances vont chercher des paysages toujours plus éloignés alors que la France offre une terre si contrastée et méconnue, des vallées si mystérieuses et des kilomètres de côtes accessibles en TER ou en vélo. En fait, pour résumer, inutile de faire 5000 kilomètres pour voir un canyon américain : le Sentier des Ocres en Provence en offre de superbes aussi. Oui, l’herbe est toujours plus verte ailleurs, mais il suffit de faire une heure de vélo dans le Vexin pour s’en rendre compte. Je pense donc que l’enjeu du boycott des avions ne doit pas être un refus systématique de cracher sur l’avancée de la technique humaine, mais une invitation à reconsidérer notre approche du temps et de la distance. 

 

 

Konklusion : 

« On se régale » chantait Bengous d’entrain avec Jul sur l’album gratuit vol. 5. J’espère que c’est l’impression que vous aurez en terminant cette chronique mensuelle. De mon côté, je vais pouvoir rejoindre ma soirée et m’atteler à ma prochaine question Bengousienne : « Où tié bébé ? ». 

(Tu as aimé cet article ? Un autre article sur les “vacances fatiguante” a été écrit par l’auteur : A fond la forme : les vacances Quechua. Plaisir de lecture garanti !)

 

Il bacio

Il bacio

 

1 juillet 2020 3 commentaires
2 FacebookTwitterPinterestMail
ActualitéTibovski - Dessin de la quinzaine

Syndrome Post-confinement

par Tibovski 20 juin 2020
écrit par Tibovski
Le déconfinement

 

On dit que l’effet de souffle survenant après une explosion peut être plus dangereux que la déflagration elle-même. Psychologiquement, c’est l’impression que j’ai eu avec l’après-confinement. Vous avez probablement, comme moi, craint que l’enfermement et la privation ne nous transforment ou, plutôt, qu’ils nous révèlent le pire en chacun de nous. Et ce fut le cas, dans une certaine mesure. Les violences conjugales et familiales ont explosé durant ces quelques mois. Le taux de divorce a également bondi en Chine dès la levée des mesures d’isolement. Pour ma part, le confinement s’est déroulé comme une routine morne mais supportable. Evidemment, nous n’avons pas été tous égaux face à cette épreuve. Mon expérience ne vaut pas grand chose sinon d’avoir attiré mon regard sur un phénomène bien curieux : le déconfinement. 

 

Allô docteur….

Bien que biaisé par mon propre vécu, j’ai tout de même pris le soin de recueillir les impressions de mon entourage et constaté chez ces sujets un trouble général. Je l’appellerai “le syndrome post-confinement”. En voici les symptômes : un sentiment de vacuité, une perte de repères, une diminution aiguë de la concentration et enfin une haine viscérale de ces petites habitudes qui ont rythmé ces deux longs mois de confinement. Durant cette période, j’étais dans des conditions que je savais provisoires, relatives à la survie et à l’amélioration globale de la situation. Dès lors que nous avons connu la date d’échéance, notre réclusion s’en est trouvée beaucoup mieux rythmée car en partie planifiée. Nous n’avions qu’à attendre et nous retrouverions notre liberté chérie. Sauf que non. Nous n’avons eu le droit qu’à une liberté conditionnelle. L’après-confinement n’a pas été semblable à l’avant confinement. Ce fût donc une déception, mêlée à de l’incertitude qui nous a fait ressentir le poids de nos renoncements. Nous ne savions ni quand ni comment nous pourrions retrouver notre vie d’autrefois. Tout en sachant que c’était officiellement terminé, je n’ai pas ressenti le soulagement que j’espérais. Et cela m’a fait perdre tout le tempo qui m’avait permis de tenir jusque – là sans trop de difficultés. La racine du mal, c’est que le déconfinement n’a pas été une vraie fin du confinement; il n’a été que le sas de décompression. 

 

Un mal dispensable

Si je vous dis cela, c’est parce que ce ressenti n’est pas indépendant de la gestion politique de la crise. On pourrait se dire qu’il y a là une sorte de syndrome post-traumatique inéluctable après un tel choc. Même si je suis persuadé que cela est en partie vrai, je ne pense pas que le problème est fatalement lié à l’épidémie. Trois choses sont responsables de ce sentiment : 1) Un confinement sévère 2) Un déconfinement lent 3) Peu d’informations de la part du Gouvernement. Ces trois éléments sont le fait des responsables politiques. Et si je me permets de le souligner, c’est parce qu’il aurait pu en être autrement. Le confinement sévère de la France se justifie surtout en raison des manques de prévisions prises par les autorités en charge (voir mon article sur la pénurie des masques). La rigueur de ces mesures a renforcé l’effet d’égarement causé par un déconfinement à tâtons et une communication au compte-goutte. 

 

Tous sur le divan

Un peu de nuances à tout cela ; Xavier Briffault, chercheur CNRS en épistémologie de la santé mentale s’est penché sur les effets des mesures sanitaires. Il constate, en effet, que le niveau d’anxiété de la population est resté à un niveau normal durant le confinement. Selon lui, ce n’est pas uniquement dû à des “mécanismes de résilience” mais aussi au fait que le confinement a réduit pour beaucoup l’exposition à des sources de stress. Les données montrent également que le déconfinement a eu un effet sur l’anxiété en amplifiant les troubles du sommeil. Toutefois, le choc post-confinement n’a pas été aussi radical qu’anticipé. Cette transition pourrait avoir un effet plus subtil mais non moins important sur la santé psychologique de la population. 

 

Mon hypothèse, c’est qu’on est toujours dans un état de sidération, voire de déni, face à ce qui s’est passé. C’est une crise inédite dans l’histoire de la France et de l’humanité. Les réponses sociales ont été aussi folles que les inflammations provoquées par le Covid-19, chez les malades les plus touchés. En majorité, les victimes ont été tuées par une sur-réaction de leur système immunitaire. On peut dire qu’il y a eu aussi une sur-réaction du corps social à ce phénomène sanitaire.

 

Par la suite, les effets de cette épidémie sur la santé mentale s’expliqueront aussi par les conséquences socio-économiques qu’elle engendrera. Comme le dit Xavier Biffrault : “L’inquiétude porte plutôt sur ceux qui vont pâtir, demain, des conséquences économiques de la crise”. Évidemment, les conséquences directes du confinement que nous avons évoquées valent surtout pour ceux qui ont pu rester confinés chez eux. Car, encore une fois, nous n’avons pas tous vécu la même crise. On peut, en ce sens, penser au personnel soignant.

 

Il faudra aussi surveiller les soignants, en première ligne contre le Covid-19. Le fait d’avoir été dans l’action les a d’abord protégés psychologiquement. Mais les lendemains peuvent se révéler difficiles. 

 

Société post-traumatique

Cette angoisse post-confinement est comparable à ce que notre société endure. Nous ne souffrons pas qu’individuellement de cette catastrophe car c’est tout le corps social qui a été frappé. Un “après” fragile se dessine et nous craignons le retour de bâton sans le vivre encore. Le sentiment que rien ne peut et ne doit demeurer comme avant grandit. Ici comme ailleurs, cette situation ne conduit qu’à des interrogations, car tout peut advenir à présent. C’est précisément cette imprévisibilité d’un retour obligé à une normalité impossible qui crée l’angoisse. 

 

Prenez soin de vous et de vos proches et à la prochaine quinzaine !

 

Le dessin est réalisé par l’auteur Tibovski. 

20 juin 2020 4 commentaires
6 FacebookTwitterPinterestMail
Romain Mailliu - 13 mois de volontariat en Indonésie

4 solutions miracles pour motiver votre équipe

par Romain Mailliu 29 mai 2020
écrit par Romain Mailliu
LP4Y

 

Comment motiver votre équipe sur le terrain après le confinement ? A l’aide de ce cas d’étude tiré de mon expérience sur le terrain en Indonésie avec l’ONG LP4Y, je vais vous partager 4 solutions aussi miraculeuses qu’efficaces. 

Cet article est une fin alternative à mon précédent papier Another Sunny Day in Jakarta (le 29 avril 2020). 

 

4 solutions miracles pour motiver votre équipe en temps de crise. 27 mai  2020 

“Coach, can I have money to buy Gasoliiiiiiine ?”

 Les jeunes ont cette faculté – sagesse ? – de nous ramener à des problématiques pragmatiques. Ce matin, ils sont cinq à assurer la livraison d’eau potable. Cinq, car c’est le nombre maximum autorisé par le gouvernement. David Allen aurait certainement complété en expliquant qu’un homme efficace en vaut cinq.

 Je rajouterais que cinq hommes non efficaces n’en valent pas beaucoup plus. Si ce matin la motivation des jeunes était un rayon de soleil, le risque d’attraper une insolation serait dérisoire.

Il faut dire qu’à leur âge, dix-huit ans en moyenne, je n’avais pas besoin d’obtenir un travail décent pour nourrir ma famille. Si on ajoute à cela les écoles fermées et la dysphorie générale autour du coronavirus, je comprends pourquoi le lundi matin les chaussures des jeunes poncent le carrelage de la salle de production. Pourtant il n’est pas question de ralentir l’activité.

 Dans le monde professionnel qui les attend, ils ne feront pas office de cas à part :  les attentes seront les mêmes pour tous. Les diplômés de l’université issue des classes sociales aisées comme nos entrepreneurs des quartiers plus modestes. Ils ne seront pas pris en pitié car ils doivent faire deux heures de route dans les transports en commun pour venir travailler. Ni parce qu’ils n’ont qu’une paire de chaussures « professionnelles ». Seules la qualité du travail, la posture et la motivation feront la différence. La route du succès est semée d’embûches. Depuis toujours, nos jeunes entrepreneurs affrontent les difficultés avec un courage, un positivisme et une détermination qui à mes yeux est inexplicable. C’est leur plus grande force et c’est pour cela qu’ils y arriveront. Encore. Toujours. 

 

LP4Y

Setia et Wahab en livraison d’eau potable (28/11/19) – © Romain Mailliu

 

Bref, comment vais-je bien pouvoir motiver mon équipe ? A l’aide de mon expérience internationale en gestion d’équipes distributives agiles pluridisciplinaires en temps de crise, je vais vous partager 4 best practices qui ont fait le succès de ma méthode à travers le monde. 

 

1. Etre à l’écoute 

 

 “Celui qui sait écouter deviendra celui qu’on écoute.”

 Vizir Ptahhotep

 

 L’histoire d’un pays permet de comprendre sa culture. L’histoire d’un jeune nous aide à comprendre son attitude. Comment pouvons-nous résoudre les problématiques de nos équipes si nous n’échangeons pas avec elles ? Nos jeunes, il s’avère que très peu de monde s’intéresse à eux. C’est d’ailleurs ce qu’on appelle l’exclusion : ne pas exister aux yeux des autres. Ecouter nos jeunes c’est primordial. Il faut que l’écoute soit active. Pour cela, la volonté d’apprendre est indispensable. Les bonnes paroles sont celles qui se transforment en enseignement et les jeunes ont beaucoup à nous apprendre. 

 Lorsque nous devons faire face à une problématique, les informations sont rarement structurées. Un sujet est mis sur la table, quelqu’un n’est pas d’accord, il s’exprime sur un nouveau sujet, ce qui entraîne de nouvelles réactions, et quand on revient finalement au sujet d’origine, beaucoup de choses ont été dites. Quand on a récolté les informations qui sont les fruits de l’écoute, il faut ensuite les analyser. Analyser, c’est décomposer un tout en ses éléments constituants et en établir les relations. 

 Dans un défi complexe – comme motiver une équipe –  il y a rarement des évidences, il a quelquefois des incertitudes, il y a toujours des compromis. C’est en analysant et en écoutant qu’on se donne les chances de réaliser les bons compromis. Ecouter, c’est prendre le temps de préparer un cadre pour recentrer le débat.  On peut ensuite prendre la parole et être écouté.

Mais parfois, l’analyse logique, mathématique et scientifique ne suffisent pas. Bien que l’on dispose d’une multitude de données, aucune solution ou tendance ne semble vouloir se profiler. Il semble manquer en élément dans cette équation complexe qui nous permet de résoudre des problèmes, d’autant plus que ceux-ci concernent le management. Cet élément, c’est l’empathie.

 

2. faire preuve d’empathie et de bon sens

 

«Toute prédiction est un ressenti du futur, par empathie du présent de son passé.»

Serge Zeller

 

L’empathie est une simulation mentale de la subjectivité d’autrui. C’est la capacité de s’identifier à l’autre dans ce qu’il ressent. Celle-ci permet d’anticiper – plus ou moins –  les réactions humaines, et s’avère donc un outil utile quand il s’agit de motiver une équipe. 

 L’empathie permet aussi de faciliter les échanges. En management, les présentations sont omniprésentes. Training, ateliers, briefing : la façon d’annoncer les choses à une importance capitale. Faire preuve d’empathie permet d’adapter son discours à la situation et d’avoir « le mot juste ».

 Il m’est arrivé pendant ma mission de coach – qui n’est d’ailleurs pas terminée – de faire face à des retournements de situations inattendues. L’empathie a permis d’accompagner les jeunes, et de contrôler leurs réactions, qui aurait pu être négative si nous avions exposé les faits sans écoute et sans empathie.

 L’empathie permet l’offensive à travers un bon sens critique. En temps que coach – et également dans la vie – il faut toujours garder un bon sens critique. Il ne faut pas faire l’erreur d’accepter les évidences de premier abord. Le bon sens c’est prendre du recul et examiner un sujet dans sa globalité. L’empathie associée à l’analyse et à l’écoute permet en quelque sorte une EXTREME lucidité. 

 

3. Intégrer et responsabiliser chaque membre de l’équipe au projet

 

“Parce que c’est notre projet !”  

Emmanuel Macron

 

Catalyseurs, et tout particulièrement coaches, nous ne sommes pas des petits chefs d’entreprises tyranniques amoureux des résultats net exponentiels et du pouvoir jouissif d’une équipe qui nous obéit, des étoiles dans les yeux. Si vous voulez mon sentiment, un bon coach doit pouvoir disparaître sans que son équipe et l’activité qu’elle dirige ne subissent une quelconque perturbation. Nous sommes des oiseaux de passage. La motivation des jeunes ne doit surtout pas dépendre exclusivement de nous. Pour cela, il est de notre devoir de leur faire comprendre l’importance d’être l’acteur principal dans le film de leur propre vie. 

Pour prendre part à un projet et s’identifier à son objectif, il faut y être intégré dans l’idéal de sa conception à sa réalisation. Il faut pouvoir s’assimiler à lui. Alors sur le court terme cela prend plus de temps. Pour vous donner un exemple pragmatique – ce qui n’est pas ma spécialité vous l’aurez remarqué – nous devons acheter avec mon équipe en Indonésie une nouvelle moto avec un chariot à l’arrière pour effectuer nos livraisons. Je pourrai faire un rapide benchmark sur internet, présenter mes résultats au département finance de LP4Y et acheter cette moto avant la fin de la semaine. Les jeunes la verront un matin dans l’entrée, comme un cadeau de LP4Y. “Thank You Coach !” Cela serait rapide mais n’aurait aucune valeur ajoutée dans la formation de nos jeunes.  

Pour chaque projet, j’essaie de partir de la racine du problème afin de challenger les jeunes pour qu’ils trouvent ensemble des solutions. Dans mon histoire de moto, la partie financière fut particulièrement intéressante car notre atelier a permis de dégager des solutions que je n’avais pas imaginé. “Comment allons-nous faire pour acheter une nouvelle moto ? Nous allons vendre plus de gallons ! Comment ? En trouvant plus de clients ! Comment ? En travaillant avec des entreprises ! Comment ? En leurs vendant des grandes quantités de  gallons ! Comment ? Avec la nouvelle moto qui permet de livrer une dizaine de  gallons en même temps !” VICTOIRE ! La moto est devenue un vrai besoin qui s’intègre dans un projet défi par les jeunes. 

 

4. La rigueur

 

«La rigueur vient toujours à bout de l’obstacle.»

Léonard de Vinci

 

On peut vous reprocher de ne pas savoir quelque chose, on ne peut pas vous reprocher de manquer de rigueur. La rigueur est primordiale quand prend en main n’importe quel défi. Lorsque l’on doit motiver une équipe, et que l’on ne connaît pas encore tous les pourquoi-du-comment, la seule carte en main pour montrer sa crédibilité est la rigueur. Etre rigoureux, c’est être exact, logique et inflexible. C’est cette rigueur qui permettra ensuite de comprendre les problématiques des jeunes, leurs contraintes et pourquoi la motivation n’est pas au rendez-vous ce matin. 

La rigueur impacte la forme, le fond, s’applique à toutes choses . c’est la clé pour concilier efficacité, efficience et fiabilité !  

 

La journée se termine et 43 gallons d’eau potable ont été livré dans le bidonville. Les jeunes sont fiers : ils partagent le sentiment du devoir accompli. Ils me demandent de prendre une photo, petit rituel que nous avons établi pour élire la meilleure équipe du jour qui est toujours la même : Celle que forment tous les jeunes réunis ! 

 

LP4Y

La meilleure équipe du jour (Depol, Taufan, Bila, Jeremia) – © Romain Mailliu

 

Photo de couverture : Dani et Angel  on delivery (28/11/19)  – © Romain Mailliu

29 mai 2020 1 commentaire
1 FacebookTwitterPinterestMail
ActualitéTibovski - Dessin de la quinzaine

Bas les masques !

par Tibovski 20 mai 2020
écrit par Tibovski

 

La pandémie est une tragique infortune, à coup sûr. Mais la gestion de celle-ci par nos responsables politiques n’est pas moins tragique. Tout, absolument tout dans cette crise révèle les erreurs passées et les malices présentes de cette classe politique. Concentrons nous un instant sur les masques, car c’est bien cela qui cristallise l’animosité. Mediapart avait révélé dans un dossier le pot-aux-roses sur la gestion des masques. Nous voici à l’épisode 2, non moins riche en combines. Ce manège kafkaïen saurait nous inspirer de brillants jeux de mots. J’ai décidé pourtant de n’en conserver qu’un seul. C’est celui choisi comme nom par un collectif ayant récemment éclos durant cette période : “Bas les masques”.  

 

Une erreur du passé

Pour rappel, en janvier-février, L’Etat, alors alerté de la pénurie de masques, n’en a commandé qu’une très faible quantité. Une circulaire interministérielle de 2013 impose pourtant un stock d’un milliard de masques afin d’assurer une distribution à toute la population en cas d’épidémie. Cela signifie que l’Etat doit commander 100 millions de masques par an. Mais sous le mandat de François Hollande, 5 fois moins de masques qu’exigé sont achetés. Un rapport de 2018 stipulait que le stock de 100 millions de masques restant périmerait en 2019. Mais l’Etat, encore une fois, ne prend pas les mesures nécessaires. C’est pour cette raison que le stock était insuffisant au début de l’épidémie. Cette pénurie n’a été que faiblement compensée par la suite mais elle a surtout été dissimulée à la population. À la place, les autorités ont préféré adapter les mesures sanitaires au nombre de masques accessibles. Ce qui n’est pas idéal sur le plan de la santé publique, vous en conviendrez. Si vous vous demandiez pourquoi le mot d’ordre sur les masques était imprécis, en voici la raison. 

 

À vos aiguilles citoyens !

La conséquence directe de cela, c’est qu’il fallait combler le manque. Les commandes industrielles, trop lentes pour la situation d’urgence, ont motivé diverses initiatives. 

C’est le cas de couturières et couturiers professionnels qui ont engagé bénévolement leur temps à produire des masques afin d’approvisionner les services essentiels durant la crise. Ce système D a très bien fonctionné, si bien, même, que de nombreuses commandes publiques ont été faites par les municipalités, les hôpitaux, les commissariats. Malheureusement, ce qui ne devait être qu’une aide modeste a pris la place des usines et chaînes de production appropriés. Le problème c’est que ces professionnels n’ont pas les moyens de production de manufactures, et surtout travaillent à plein temps sans la moindre rémunération. Cela me chiffonne quelque peu, voyez-vous. On ne peut attendre du volontariat citoyen qu’il remplace l’industrie. Un collectif de couturier.e.s bénévoles s’est donc constitué autour de ce même constat. Ils ont choisi le nom de “Bas les masques” et réclament d’être rémunérés pour leur travail. Ne nous rabâche-t-on pas à tort et à travers que la période sera économiquement difficile pour tout le monde ? Ce sera également le cas pour ces professionnels de la couture, qui pourtant, offrent de leur temps et de leur savoir faire pour pallier les incompétences de nos gouvernants. Il est donc normal que ce travail soit rémunéré surtout s’il dépasse les conditions usuelles d’une activité bénévole.

 

Sales mioches

C’est un problème plus général. La façon dont cette crise est gérée est particulièrement révélatrice de l’absurdité de notre système. Les choix des dirigeants de couper dans des dépenses nécessaires (hôpitaux, masques, recherche…) s’expliquent à la fois par un court-termisme négligeant les menaces lointaines et par des priorités budgétaires plus lucratives. Il n’est pas nécessaire de s’étendre pour en démontrer l’absurdité, l’épidémie s’en occupe parfaitement bien. Loins d’assumer cette faute, les représentants préfèrent culpabiliser et infantiliser la population. Serge Halimi a publié, dans Le Monde diplomatique, un article fort intéressant à ce sujet. Oh et je ne m’en étonne pas. C’est bien la signature de ce gouvernement que d’user de “pédagogie” pour justifier l’injustifiable. Mais là, je dois avouer que l’exercice intellectuel s’avère plus qu’acrobatique. 

Les citoyens ont bien au contraire montré une ingéniosité et un sens du devoir remarquables, là où nos têtes dirigeantes pataugent encore dans leur impéritie. Le cas des couturier.e.s est loin d’être l’unique exemple. Monsieur Bidouille, un youtubeur spécialisé dans la culture des makers et fablabs, a consacré une vidéo entière à l’auto-organisation des citoyens pour répondre aux besoins sanitaires. 

 

 

Très vite des amateurs de partout se sont rassemblés pour concevoir, fabriquer, tester et distribuer localement des masques, des visières et même des respirateurs. Cette auto-organisation a non seulement été d’un grand renfort mais a été plus rapide et efficace que les industries. Ces dernières se sont mêmes appuyées sur le travail de ces citoyens pour concevoir certains de ces produits. Si ces initiatives ne permettent pas de remplacer la chaîne de production classique, elle prouve néanmoins que la population participe bel et bien à l’effort “de guerre” et que celle-ci le fait sans la coordination ni l’aide des pouvoirs publics.

Il y a de quoi se sentir chatouillé quand on apprend que les masques seront rendus payants dans les grandes surfaces. C’est une question de santé nationale, il me paraît être de la mission de l’Etat que de pourvoir à ces besoins. D’autant que l’Etat a passé des commandes de masques avec de l’argent public. C’est dangereux, c’est hallucinant. Surtout quand on sait que ceux qui ont produit les masques en attendant n’ont pas été rémunérés. Pensez-donc aux inégalités quand on vend presque 1 euro le masque. Le masque est pourtant obligatoire dans certaines circonstances. Une boutique de couture de la Goutte d’Or s’était justement engagée à distribuer gratuitement des masques aux ménages précaires. Elle avait même fourni la municipalité et la police. Mais suscitant trop d’affluence, la police a préféré fermer la boutique. La priorité semble donc de faire respecter la distanciation sociale alors que les masques ne sont toujours pas disponibles gratuitement à tous comme ils le devraient. Et puis, n’y avait-il pas autre chose à faire pour que la distribution continue dans de meilleures conditions sanitaires ? 

Comprenez-bien que la rhétorique de l’effort collectif a une bien faible consistance face à de telles contradictions. On se sert la ceinture, on travaille bénévolement, on doit accepter des perspectives professionnelles incertaines, mais les grandes surfaces ne peuvent pas faire une croix sur des bénéfices, et l’Etat ne peut financer des masques qu’elle avait pourtant le devoir d’acheter. On perd un petit peu la notion de collectif là dedans.

 

C’est qui le patron (de couture) ? 

 

Tentons de remettre un peu en perspective la situation. Dans cette histoire il y a un désaccord profond sur la notion de travail. Cela n’a rien de nouveau, le travail est un concept clef pour définir les rapports économiques. Et à entendre Muriel Pénicaud nous le matraquer sur les ondes et dans la presse, il m’est bien clair qu’on touche à un point central. Pour schématiser grossièrement, il y a deux façon de le concevoir. 

  • La première façon, de l’école libérale, considère le travail comme une marchandise. Celui-ci dépend donc d’un marché de capitaux. 
  • La seconde, plus marxiste, définit le travail comme la source de la valeur économique. C’est le travail qui produit la richesse, les capitaux ne représentent que des moyens de productions. Et ceux-ci (infrastructure, machines, outil…) sont eux-même développés par la force de travail. 

 

Évidemment que ces deux visions, plutôt opposées sur l’échiquier politique, ne s’entendent pas sur la façon dont on devrait organiser le travail. Mais nous sommes dans une situation qui a tendance à montrer les insuffisances de cette première définition. Cette crise révèle le caractère essentiel de certains métiers, et relativise l’utilité sociale d’autres. 

Cela n’est pas sans nous rappeler l’expérience de pensée de Saint-Simon qui imagine que si l’on perdait subitement un nombre important des membres de notre élite politique, la société n’en souffrirait pas tandis que si l’on perdait le même nombre de travailleurs et des membres les plus éminents de chaque fonction sociale “la nation deviendrait un corps sans âme”. Nous n’avons, certes, pas vécu de telles pertes, mais nous avons pu voir que certaines tâches étaient moins nécessaires que nous l’imaginions, et que nous ne pouvions nous passer des métiers de la santé, de l’alimentation, de l’électricité… La version moderne de cet argument apparaît dans Bullshit Job de David Graeber. Pour lui il existe beaucoup trop de métiers inutiles, qui n’existent et ne se justifient que dans les spécificités du système économique actuel. La moitié des métiers pourraient disparaître sans avoir de graves conséquences sur le monde. « On pourrait probablement ramener la semaine de travail réel à quinze heures, ou même à douze, et personne n’y verrait que du feu » (p.108). Autrement dit, il y a une inadéquation entre la valeur sociale du travail et sa valeur marchande. L’hôpital public est un bon exemple d’un domaine qui a une faible valeur marchande mais qui a une très grande valeur sociale. Dans des situations comme celle-ci, nous voyons bien que définir la valeur du travail de cette manière a bien peu de sens. En revanche on comprend bien que c’est fondamentalement le travailleur qui porte l’économie, contrairement à une “élite oisive”, comme le disait Saint-Simon, qui capte et parasite cette richesse. Au delà de ces considérations marxistes un peu expéditives, nous devrions, à l’aune de cette épidémie, repenser notre système.

Sur le plan du travail, la leçon que nous offre Covid-19 devrait probablement porter sur la valeur sociale du travail. Cela signifie donc se concentrer sur le travailleur, et sur les besoins sociaux. Un truc du style : “on arrête tout et on réfléchit”. On arrête deux minutes les conneries avec la restriction des dépenses de santé et la réforme des retraites et on se demande ce qu’il faut à notre société pour qu’elle et ses habitants survivent. Et surtout, on protège les travailleurs. 

Mais on voit déjà les mauvaises habitudes revenir au galop. Ce sont les capitaux qu’il va falloir nourrir. Bien évidemment, on parle d’une bête affamée par deux mois de confinement. Une bête insatiable que l’on doit nourrir sans cesse de peur qu’elle nous morde si l’on ne continuait pas. Ce tyran velu ne nous apporte pourtant aucune satisfaction, aucune sécurité. N’est-il pas temps d’arrêter ces insanités ? Parfois je me dis que nos espoirs devraient porter sur des petits exemples qui nous laissent entrevoir un monde différent. Car l’épidémie a su me convaincre que les citoyens savaient oeuvrer et s’organiser seuls afin que la société continue à tourner. 

Le salarié bénévole ou le volontariat capitaliste. Il faudrait demander à Romain ce qu’il pense de ce concept. En tout cas le capitalisme ne cesse de se réinventer. Pour ceux qui pensent que cette crise changera notre système, ne sous-estimez pas sa résilience. 

A la prochaine quinzaine !

 

Sources :

  • https://www-mediapart.fr/journal/france/020420/masques-les-preuves-d-un-mensonge-d-etat?onglet=full
  • https://www.liberation.fr/france/2020/04/27/masques-comment-le-gouvernement-a-menti-pour-dissimuler-le-fiasco_1786585 
  • https://www.liberation.fr/france/2020/05/01/bas-les-masques-des-couturieres-professionnelles-ne-veulent-plus-travailler-gratuitement_1787048
  • https://www.20minutes.fr/societe/2768847-20200428-coronavirus-pourquoi-exige-travaille-gratuitement-interrogent-couturieres-professionnelles-sollicitees-fabriquer-masques
  • https://www.monde-diplomatique.fr/2020/05/HALIMI/61785
  • http://www.leparisien.fr/video/video-trop-de-monde-pour-des-masques-gratuits-a-la-goutte-d-or-la-police-ferme-la-boutique-09-05-2020-8313873.php
  • http://www.leparisien.fr/video/video-trop-de-monde-pour-des-masques-gratuits-a-la-goutte-d-or-la-police-ferme-la-boutique-09-05-2020-8313873.php
  • https://www-mediapart.fr/journal/france/170520/comment-recompenser-l-utilite-sociale-des-metiers

Bibliographie :

  • Comte de Saint-Simon. (1841). Oeuvres de Saint-Simon, Capelle, Paris, Orthographe modernisée.
  • Graeber, D., & Cerutti, A. (2018). Bullshit jobs. New York: Simon & Schuster.

 

Dessins par  l’auteur Tibovski 

20 mai 2020 0 commentaire
3 FacebookTwitterPinterestMail
ActualitéCarnet de voyageRomain Mailliu - 13 mois de volontariat en Indonésie

Le jeûne éternel

par Romain Mailliu 13 mai 2020
écrit par Romain Mailliu
Enfant dans les rues de Kampung Sawah (mars 2020) - © Romain Mailliu

 

À Kampung Sawah, le danger numéro un n’a pas changé et il est partagé par bonne partie de l’humanité. Le coronavirus ? Non. La baisse de l’immobilier ? Non. Un tweet borderline d’Elon Musk qui ferait chuter l’indice Tesla ? Non plus. C’est de ne rien avoir pour remplir son assiette.

La crise sanitaire mondiale menace Kampung Sawah, le bidonville indonésien de Romain. Suivez avec son carnet de bord l’impact du Coronavirus dans les quartiers les plus pauvres. [Chapitre 4]

 

Le jeûne éternel. Le 4 mai 2020

 Des enfants rient dans les rues. Le soleil se couche sur Kampung Sawah, bidonville du nord de Jakarta, situé entre une zone de dépôt de conteneurs et une pseudo-autoroute. Un bidonville est un quartier qui n’existe pas. Aucun des vingt mille habitants n’y a un quelconque droit de propriété. Ils se sont attribués cette espace, car il faut bien habiter quelque part. C’est une zone inondable, alors il arrive parfois que les nuits soient tristes et courtes. Mais le soleil finit toujours par sécher les larmes. Avec le temps, maintenant quarante ans, Kampung Sawah s’est fait un nom, et on a tracé ses frontières sur les cartes.

 Le pak RW, une bâtisse en béton situé dans l’angle du carrefour principal, fait office de mairie. C’est l’œil du gouvernement qui observe et documente les évolutions de cette ville qu’il faudra déconstruire un jour. Il y a déjà trois ans, quelques habitants, prophètes de l’apocalypse, criaient à qui voulait l’entendre qu’une avenue viendrait remplacer ce quartier marginal. Aujourd’hui, les fondations d’un pont se dessinent à l’horizon. Il doit relier le dépôt à l’autoroute. Le temps donne toujours raison aux prophètes. 

 

Kampung Sawah

Les conteneurs qui bordent Kampung Sawah (Avril 2020)  – © Romain Mailliu

 

Dans ce lieu coupé du monde, le coronavirus n’existe pas. C’est une légende qu’on voit passer sur les réseaux sociaux, comme les footballeurs qui collectionnent les voitures de sport ou les actrices qui défilent avec de luxueuses robes sur des tapis rouges. Pourtant, l’Indonésie est touchée – moins que nos pays occidentaux ce que je n’explique pas – et au 4 mai 2020, 12 071 cas ont été confirmés pour 872 décès. La population indonésienne réunit 267,7 millions d’habitants. Alors dans une économie au ralentie qui licencie à tour de bras sans compensation, le risque de mourir de faim est supérieur à celui d’attraper un Covid-19 virulent. 

À Kampung Sawah, le danger numéro un n’a pas changé et il est partagé par bonne partie de l’humanité. Le coronavirus ? Non. La baisse de l’immobilier ? Non. Un tweet borderline d’Elon Musk qui ferait chuter l’indice Tesla ? Non plus. C’est de ne rien avoir pour remplir son assiette. La famine. Catastrophe fatidique quand on ne gagne ou qu’on ne produit pas assez pour se nourrir. La bonne fortune n’est pas contagieuse.

L’Indonésie a fait le choix de ne pas mettre en place de quarantaine et cela a sans aucun doute limité la famine dans les quartiers les plus pauvres. Il n’y a pas de bonne pensée manichéenne.

 Alors je constate que porter un masque, rester chez soi, respecter les distances barrières, sont des comportements dérisoires pour les habitants de notre village clandestin. Pourtant, les campagnes de sensibilisation font rage et sur tous les supports. A-t-on trouvé une fin utile à l’utilisation des réseaux sociaux ? Peut-être, si nous mettons de côté les fakes news, toujours plus nombreuses, qui viennent noircir un tableau déjà ténébreux. 

Dans les ruelles, des « Corona » raisonnent, prononcées rapidement, dans un souffle, comme on dirait une vulgarité. Puis ce mot international, synonyme de danger, qui a le pouvoir d’unir les nations comme de les cloisonner, est toujours suivi d’un éclat de rire.  

 

Petite fille résidante à Kampung Sawah (Avril 2020)  - © Romain Mailliu

Petite fille résidante à Kampung Sawah (Avril 2020)  – © Romain Mailliu

 

Et le pouvoir législatif dans tout cela ? Respecter les règles sanitaires, c’est se donner les chances de maîtriser le virus rapidement, pour relancer l’économie, pour relancer la politique, pour la SURVIE de la nation ! Il me semble qu’un amendement a été mis en place obligeant le port du masque dans les rues mais, à Kampung Sawah, il y a plus de fantômes que d’agents en képi pour faire respecter les lois. Peut-être que la police souhaite éviter la situation embarrassante de verbaliser une mère qui n’a déjà pas assez d’argent pour nourrir ses enfants…

À quoi bon parler de SURVIE à des familles qui, depuis toujours, n’ont d’autre combat que de trouver de la nourriture et un toit pour vivre un jour de plus.

 Des enfants rient dans les rues. Le soleil se couche sur Kampung Sawah, bidonville du nord de Jakarta, situé entre une zone de dépôt de conteneurs et une pseudo-autoroute. Le ramadan y a débuté depuis plus d’une semaine et les inondations ont laissé place à une chaleur ardente et sèche. L’appel à la prière se prolonge nuit et jour, solennellement, comme les loups hurlent à la lune, comme les baleines chantent aux abîmes. Depuis mon arrivée il y a huit mois dans cette communauté exclue du monde – ou plutôt exclue d’un monde – je n’ai jamais vu autant d’enfants jouer ensembles. Les mosquées sont pleines et les sourires, qu’aucun masque ne vient effacer, se dessinent sur tous les visages. Les festins nocturnes perdurent et bien que le riz prenne de plus en plus de place dans l’assiette, les familles se réunissent pour célébrer ensemble la fin du jeûne.

 

L’amour d’une famille, le centre autour duquel tout gravite et tout brille.

Victor Hugo  ; Les chants du crépuscule, A mademoiselle Louise B. (1834).

 

Enfants dans les rues de Kampung Sawah (mars 2020)  - © Romain Mailliu

Enfants dans les rues de Kampung Sawah (mars 2020) – © Romain Mailliu

 

Découvrir le chapitre précédent : Another Sunny Day in Jakarta →

Photo de couverture : Enfant dans les rues de Kampung Sawah (mars 2020)  – © Romain Mailliu

13 mai 2020 1 commentaire
5 FacebookTwitterPinterestMail
ActualitéCarnet de voyageRomain Mailliu - 13 mois de volontariat en Indonésie

Another Sunny Day in Jakarta

par Romain Mailliu 29 avril 2020
écrit par Romain Mailliu
Jeune LP4Y

Les jeunes ont cette faculté – sagesse ? – de nous ramener à des problématiques plus pragmatiques.

La crise sanitaire mondiale menace Kampung Sawah, le bidonville indonésien de Romain. Suivez avec son carnet de bord l’impact du Coronavirus dans les quartiers les plus pauvres. [Chapitre 3]

 

Another Sunny Day. Le 12 avril 2020

 Pas de réveil programmé ce dimanche matin. C’est peu habituel car les premières heures du jour sont pour moi les plus belles. Pas question de les manquer. Quand la ville se met en route, pas à pas. Que les visages endormis s’offrent aux premiers rayons de soleil. Seuls les oiseaux chantent, et c’est assez. La température est agréable : 22 C° et un courant d’air marin vient caresser ma peau qui frissonne de plaisir.  

Mes yeux s’ouvrent naturellement à 8h30. C’est suffisamment tôt pour décréter que la journée reste exploitable. Je casse deux œufs dans une poêle. Jean-Marc, ou plutôt John – les Asiatiques n’arrivent pas à articuler et retenir son prénom administratif – frictionne nerveusement la pâte à pain faite aux premières lueurs du jour. 

« Ce matin, j’ai reçu une photo d’une jeune des Philippines. Une cuillère remplie d’une eau blanchâtre. C’est l’eau salée dans laquelle elle fait cuire le riz. Il ne lui reste plus que ça pour nourrir son bébé. Elle a vingt-deux ans et trois enfants. Son aîné a sept ans… Avec le confinement, elle n’arrive pas à quitter son bidonville pour rejoindre notre centre. L’équipe de Manille est sur le coup, nous allons trouver une solution. »

La misère ne prend pas de week-ends. Des réveils comme celui-ci, John doit en connaître plusieurs fois par an. Depuis 10 ans, son ONG LP4Y a accompagné 2 662 jeunes vers le monde professionnel décent. Pourtant, aujourd’hui la situation est exceptionnelle. Les Jeunes et leur famille sont les plus affectés par les conséquences de cette crise sanitaire et économique mondiale. Et derrière ces chiffres il y a des visages, des noms, et des messages qui exhument le poids de nos responsabilités.

 

LP4Y

L’équipe de Source Of Life, notre programme de vente d’eau potable (Janvier 2020) –
© Romain Mailliu

 

« Être adulte, c’est être seul », disait Jean Rostand. Au contraire, je pense qu’être adulte c’est prendre conscience de l’importance des autres. L’idée n’est pas toujours séduisante. Elle a même terrifié Jean-Paul Sartre avec sa célèbre phrase : « L’enfer, c’est les autres ». Il ajoute dans son essai l’Être et le Néant : « S’il y a un Autre, quel qu’il soit, où qu’il soit, quels que soient ses rapports avec moi… J’ai un dehors, j’ai une nature ; ma chute originelle c’est l’existence de l’autre ». Conclusion : Nous prenons conscience de la triste existence qui sera la nôtre quand nous découvrons que nous ne sommes pas seuls sur terre. C’est ça, l’âge adulte. Il va falloir apprendre à vivre ensemble : quel enfer ! Quand on observe les inégalités qui sont les mêmes partout dans le monde, on devine que nous n’avons pas tous adopté les mêmes règles de jeu. 

L’étudiant assidu que vous étiez en terminale – second rang : place idéale pour suivre la prestation de votre professeur de philosophie dépressif tout en évitant les postillons propulsés par l’effluve de son haleine caféine Marlboro – ajouterait que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres #Rousseau.  Décidément, pas facile de vivre ensemble.

 Pourtant, soyons honnêtes, les meilleurs moments que nous vivons sont ceux que nous partageons avec les autres. N’allez pas me dire que vous avez vécu l’extase un mercredi soir devant une série B avec votre Heineken dans la main droite et votre ordinateur portable Lenovo – PowerPoint ouvert sur la dernière slide de votre Comex du lendemain – dans la main gauche.

On peut connaître certains moments d’émerveillement seul : lors d’une balade matinale un dimanche matin à travers le marché Boulevard Vincent Auriol, en découvrant un nouveau clip de PLN le vendredi soir… Mais la joie ?  

je fixe mon ordinateur, le regard vide, mon reflet apparaît à l’écran. La matinée est déjà bien avancée. Excepté l’écriture de mes états d’âme et l’écoute léonine du nouvel album des Strokes, je n’ai pas fait grand-chose. À ma gauche Fanette somnole sur la terrasse, à ma droite la panthère des neiges de Tesson bronze au soleil. La brise gonfle notre hamac qui prend l’allure d’un spi et je me surprends à rêver de croisières en voilier dans le Golfe du Morbihan. Fin de l’album des Strokes, Spotify déclenche la lecture aléatoire : Belle & Sebastien – Another Sunny Day. 

 

LP4Y

Vue de notre terrasse au lever du soleil – © Romain Mailliu

 

La route du succès est semée d’embûches. 15 avril 2020 

« Je vais rentrer en France. C’est terminé : j’arrête ma mission »

 Mardi, 10h23. J’ai l’impression que mon cerveau me rejoue une mauvaise scène. Pourtant, la semaine commençait bien. Un nouveau planning pour les jeunes, des mesures sanitaires plus crédibles du gouverneur de Jakarta, deux nouveaux commentaires sur mon précédent article et un demi-fruit de la passion dans le réfrigérateur. Seulement, le frisson dans mon dos déclenché par cette réplique sortie de nulle part me rappelle une baignade sous la pluie grasse d’Écosse – le long du West Highland Way après 35 kilomètres dilués aux singles malt – il y a de cela trois ans déjà.

Je n’ai jamais réussi à retenir plus de trente mots d’indonésien (bahasa) et pourtant ma cervelle me rappelle, avec une précision mesquine, mes barbotages dans les rivières caillouteuses quand Inès nous remet sa démission.

 

West Highland Way (Août 2016) - © Romain Mailliu

West Highland Way (Août 2016) – © Romain Mailliu

 

Grand silence. Inès. La plus solide des guerrières. Depuis qu’elle nous a rejoints avec John, elle n’a jamais décroché de son ordinateur. Vidéo Call avec les USA, tableau Excel pour évaluer les besoins des jeunes pendant la crise, WhatsApp pour répondre aux équipes d’Asie : une productivité à faire pâlir David Allen. Et pourtant, la voilà qui quitte le navire. Bordel. Depuis deux ans chez LP4Y, elle venait de commencer sa nouvelle mission. Coup dur pour LP4Y, coup dur pour notre nouvelle colocation, coup dur pour John. La vie n’est-elle donc qu’une mauvaise blague ? Je vais acheter des bières. Tous les discours du monde ne valent pas une pinte de houblon fraîche vers 19h, quand les obligations professionnelles laissent place au chant du muezzin. Inès. Je n’en reviens pas. Certes, elle avait montré quelques signes de fatigue mais j’étais loin de m’imaginer le dilemme qui devait se jouer dans sa tête. Entre deux lignes, il faut se rendre à l’évidence : ne perdons pas notre temps à imaginer ce qui se passe dans la tête des autres. C’est peine perdue. Concentrons-nous sur les méandres de nos âmes respectives, cela devrait suffire pour une vie ou deux.

Pourtant, après le départ de Sarah et l’arrivée de Inès et John, notre collocation avait pris un sens esthétique et culinaire plaisant. Avec l’aide d’un bocal de champignons caché dans le double fond de sa valise, John nous a cuisiné pour Pâques un poulet aux morilles. Bricoleur appliqué, il a construit avec quatres planches de bois et tout autant de clous deux étagères Philippe Starck. Il a également installé des guirlandes lumineuses sur la terrasse et bien qu’étant végétarien à mi-temps, m’a chargé d’acheter trois kilogrammes de rumsteck. Certains personnages dégagent une énergie similaire à deux noyaux atomiques qui s’assemblent. John en fait partie. Inès. Merde. Nous avions même commencé à discuter de rap français.

 

Photo de campagne pour notre levée de fond pour les jeunes  que nous accompagnons via un challenge de 24H de méditation (Avril 2020) - © Romain Mailliu

Photo de campagne pour notre levée de fond pour les jeunes  que nous accompagnons via un challenge de 24H de méditation (Avril 2020) – © Romain Mailliu

 

“Coach, can I have money to buy Gasoliiiiiiine ?”

Les jeunes ont cette faculté – sagesse ? – de nous ramener à des problématiques plus pragmatiques. Ce matin, ils sont cinq à assurer la livraison d’eau potable. Cinq, car c’est le nombre maximum autorisé par le gouvernement. David Allen aurait certainement complété en expliquant qu’un homme efficace en vaut cinq. Je rajouterais que cinq hommes non efficaces n’en valent pas beaucoup plus. Si ce matin la motivation des jeunes était un rayon de soleil, le risque d’attraper une insolation serait dérisoire.

Il faut dire qu’à leur âge, dix-huit ans en moyenne, j’étais plus appliqué dans l’étude subtile du mécanisme diablement ingénieux des épingles de soutien-gorges plutôt que par l’idée d’obtenir un travail décent pour nourrir ma famille. Si on ajoute à cela les écoles fermées et la dysphorie générale autour du coronavirus, je comprends pourquoi le lundi matin les chaussures des jeunes poncent le carrelage de la salle de production. Pourtant – et Inès aurait été d’accord – il n’est pas question de ralentir l’activité.

Dans le monde professionnel qui les attend, ils ne feront pas office de cas à part :  les attentes seront les mêmes pour tous. Les diplômés de l’université issue des classes sociales aisées comme nos entrepreneurs des quartiers plus modestes. Ils ne seront pas pris en pitié car ils doivent faire deux heures de route dans les transports en commun pour venir travailler. Ni parce qu’ils n’ont qu’une paire de chaussures « professionnelles ». Seules la qualité du travail, la posture et la motivation feront la différence. La route du succès est semée d’embûches. Depuis toujours, nos jeunes entrepreneurs affrontent les difficultés avec un courage, un positivisme et une détermination qui à mes yeux est inexplicable. C’est leur plus grande force et c’est pour cela qu’ils y arriveront. Encore. Toujours. 

 

Dani et Angel en livraison (28/11/19)  - © Romain Mailliu

Dani et Angel en livraison (28/11/19)  – © Romain Mailliu

 

Découvrir le chapitre précédent : Une mer calme n’a jamais fait un bon marin →

 

Photo de couverture : Kusniawaty, jeune femme du programme en management step (Avril  2020) – © Romain Mailliu

29 avril 2020 8 commentaires
6 FacebookTwitterPinterestMail
ActualitéTibovski - Dessin de la quinzaine

Tends l’autre joue…

par Tibovski 22 avril 2020
écrit par Tibovski
Tends l'autre joue...

Rien de bien précis aujourd’hui. Vous n’aurez pas le droit à mon indignation habituelle.Seulement une pensée, un brin poétique, je l’espère.

Pour ne pas vous décevoir, dès la publication de mon dernier dessin, je me suis mis en quête d’un nouveau sujet. Ma première frustration a été de constater que de trop nombreux candidats s’offraient à moi : Le tragicomique du procès de Trump contre l’OMS, le traitement des africains en Chine, l’incendie à Tchernobyl, les restrictions en Pologne sur les droits à l’avortement et l’éducation sexuelle, la recrudescence des violences policières dans les quartiers populaires. Tous des bons sujets auxquels, au demeurant, je n’aurais pu apporter la moindre touche personnelle. Ma seconde frustration n’a d’autre origine que le Covid-19. Toutes ces actualités  sont liées au coronavirus, alors que j’avais promis de ne pas en parler. L’échec de mes précédentes tentatives m’avait déjà fait déchanter. Comment se résigner à éviter un sujet omniprésent ? 

Ce long et pénible travail d’investigation m’a inspiré la réflexion suivante. La pandémie que nous vivons imprime de si profonds changements dans les affaires humaines que celle-ci se trouve mêlée à presque tous les évènements. Même ceux accidentels comme l’incendie de Tchernobyl. Prenons donc de la hauteur sur ces diverses thématiques, pour nous plonger dans le coeur de la question. Si je ne suis pas parvenu à éviter le sujet du coronavirus autant en parler franchement. 

La pandémie perturbe le fonctionnement usuel de nos sociétés. Ce qui profite à certains décideurs, et ce qui aggrave certaines situations. Souvenez-vous, par exemple, de l’invasion de criquets dont nous avions parlé dans un  précédent billet. Comment aurions-nous pu éviter le sujet de l’épidémie ? Une catastrophe comme celle-ci prend une tournure plus dramatique dans un contexte de crise sanitaire. Cette période marque une vulnérabilité profonde nous rendant à la merci de tous les vents. Tout événement se trouve inévitablement lié au coronavirus, puisque c’est celui-ci qui dictera son dénouement. Il n’y a rien à faire, c’est notre trame de fond d’aujourd’hui. Et demain, les historiens ne pourront échapper au contexte de pandémie pour lire ce qui a pu se dérouler pendant ces quelques mois. Reste que notre monde est fébrile et que le moindre malheur supplémentaire passerait pour un coup du sort, pour une seconde gifle… 

A la prochaine quinzaine !

Tends la joue

 

Dessins réalisés par l’auteur Tibovski. 

22 avril 2020 0 commentaire
2 FacebookTwitterPinterestMail
ActualitéArtBaudouin Duchange - Chroniques

Johnny, reviens nous sauver !

par Baudouin Duchange 17 avril 2020
écrit par Baudouin Duchange
Johnny Ha

 

« Ça n’était pas dans mes habitudes

De supporter cette solitude

Mais on se fait à tout

Il faut bien, sinon on devient fou »

 

Comme toujours dans les moments difficiles, je reviens au fondement de mon identité : Johnny. Chanson : C’est pas facile. Album : Pas facile. Date de sortie : 1981. Un ensemble de titres sombres en réponse à sa séparation avec Sylvie Vartan l’année précédente. En France, Johnny chante la solitude mieux que personne. Le remède parfait pour supporter ce confinement ?

Pas tout à fait. Car, en tant que lecteur de BSFmagazine et très certainement adepte de la BSFattitude, comment accepter cet immobilisme forcé ? Comment vivre une aventure enfermé avec notre solitude ?

 

 

Confinement n’est pas solitude

L’ennuyeux janséniste Pascal a eu la chouette idée d’avoir une pensée aujourd’hui bien connue : « tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre ». Le XVIIème siècle du philosophe avait sûrement son lot de distractions pour détourner l’humain des sujets existentiels. Que dire du XXIème siècle ? Internet multiplie les amusements même au plus profond de notre confinement. Y a-t-il réelle solitude lorsque que les propositions d’apéro-Skype se multiplient ? Non. C’est un sentiment de solitude, ce qui n’est pas pareil. Du fin fond de leurs cabanes, coupés du monde, le misanthrope Salinger ou le transcendantaliste individualiste Thoreau auraient bien ri de notre confinement connecté. Pour nous, simples citadins mortels, vient pourtant un temps où il faut éteindre son portable, se préparer à dormir et se retrouver, réellement, seul. 

« La nuit, chacun doit soutenir la réalité sans aucune aide ».  Cette belle phrase de l’anthropologue américain Loren Eiseley, citée par Jim Harrison dans La route du retour, est celle à laquelle je pense, souvent, avant d’éteindre la lumière. Certainement pas la promesse de rêves fleuris, mais une proposition : affronter ce que nous fuyons au quotidien. 

Les propositions sociales sont infinies dans une ville comme Paris. Comme beaucoup, je les considère comme nécessaires pour me construire ; pour me confronter au réel. Quelle hypocrisie ! Ce que je cherche, au fond, c’est la nouveauté, le divertissement et la surprise. Et les trois ont comme point commun d’être bien futiles en général, et inutiles en ces temps d’isolement… La réalité, ce sont les questions que nous laissons en suspens et qui reprennent l’assaut lorsque l’on se retrouve définitivement seul. Ces interrogations existentielles reviennent inlassablement chaque soir. Ce n’est pas un hasard si l’alcoolique bambocheur Hemingway écrivait dans L’adieu aux armes que ses sentiments religieux ne survenaient que la nuit.
La nouveauté qu’on cherche à provoquer dans le tumulte de nos relations sociales est aujourd’hui mise à l’arrêt avec le confinement. Il est l’heure de se confronter à la réalité !

 

« Si aujourd’hui, je ne crie plus

C’est qu’une autre a pris le dessus

Elle parle peu, elle parle bas

La solitude brise ma voix

L’écho de ma vie me fait peur »

Quelques cris, Johnny Hallyday

 

 

Seul sur terre 

Thoreau disait dans Walden ou la vie dans les bois qu’un « homme est riche de tout ce dont il peut se passer ». Si la citation est facile, l’appliquer l’est beaucoup moins ! Pourquoi supprimer l’inutile du quotidien ? Jul vous répondrait « Moins de problèmes égale moins d’anxiété ». Je ne lui donne pas tord !

Qu’est-ce qui est inutile ? Tout ce qui ne nous permet pas de nous accomplir. Tout ce qui nous rend mentalement léthargique, humainement sédentaire. Extrait d’Au revoir et Merci de Jean d’Omersson : « Il n’y avait qu’une chose solide et certaine : c’était cette vie. Tout le reste était brouillard. J’aimais beaucoup la vie. Elle ne m’avait pas seulement été facile et douce, il me semblait aussi, parfois, qu’elle m’avait fait des promesses. Quand je me promenais dans les layons de forêt, plus tard, après avoir passé la nuit à faire semblant de m’amuser, la même impatience inquiète me frappait brutalement. Je m’arrêtais. Ce qui faisait battre le coeur, c’étaient les grandes espérances ». La vraie aventure offerte par ce confinement n’est pas dans les forêts boisées, les rivières chantantes ou les sommets invaincus. Ce n’est pas non plus braver les interdictions sanitaires, ni diffuser les messages « stay home » sur Instagram ou encore d’insulter le gouvernement. La vraie aventure est solitaire. Elle se fait seul dans nos chambres aujourd’hui, mais se poursuivra jusqu’à notre dernier souffle. Elle est cette quête de liberté vers laquelle nous tendons tous, d’une manière ou d’une autre. Elle est nos grandes espérances, c’est à dire le chemin que nous choisissons pour nous accomplir. Seule une solitude acceptée peut nous montrer la vocation que nous cherchons.

Pourquoi ? Philosophie de bistrot, aide moi ! Socrate et Gaspard, le gars qui se gratte le coude au comptoir du café en bas de chez moi, vous diront la même chose : la conscience est ce qui sépare l’Homme et le chien. Elle est également ce qui nous fait réaliser de notre solitude. Quand survient-elle ? Lorsque nous nous ennuyons ! Laurent Lafitte considérait récemment dans un podcast que « l’ennui est l’ennemi ultime ». C’est exactement l’inverse ! Ennuyez-vous chers lecteurs de BSFmagazine, c’est peut-être encore la seule chose gratuite aujourd’hui. C’est une ressource précieuse qui permet d’embrayer l’imagination, de faire tourner les rêves et d’avancer les projets de vie. L’ennui et la solitude sont les conditions sinequanone à l’accomplissement de soi. « Ma vie est usée. Allons ! Feignons, fainéantons, ô pitié ! Et nous existerons en nous amusant, en rêvant amours monstres et univers fantastiques » (L’éclair, Une saison en enfer). Résolution post-coronavirus : suivre Rimbaud. 

 

 

Conclusion 

Pour survivre à la crise sanitaire actuelle, le président biélorusse Alexandre Loukachenko préconise, entre autre, d’utiliser la vodka pour se désinfecter la gorge et les mains. C’est une possibilité !

L’autre voie que nous avons étudié ensemble aujourd’hui est celle de l’ennui et de la solitude pour faire le tri dans notre quotidien. Chose que Johnny préconisait déjà le siècle dernier lorsqu’il s’écriait :  « Qu’on m’enlève ce qui est vain et secondaire / que je retrouve le prix de la vie enfin » !

 

Photo de couverture : Johnny Hallyday, capture d’écran du clip Que je t’aime (Johnny Hallyday Officiel) 

17 avril 2020 3 commentaires
2 FacebookTwitterPinterestMail
ActualitéCarnet de voyageRomain Mailliu - 13 mois de volontariat en Indonésie

# 14 Une mer calme n’a jamais fait un bon marin

par Romain Mailliu 15 avril 2020
écrit par Romain Mailliu
LP4Y Indonésie

 L’exclusion, ce n’est pas la solitude qu’on ressent après neuf jours de quarantaine. Etre exclu, c’est ne pas exister aux yeux des autres. 

La crise sanitaire mondiale menace Kampung Sawah, le bidonville indonésien de Romain. Suivez avec son carnet de bord l’impact du Coronavirus dans les quartiers les plus pauvres.  [Chapitre 2]

 

La travail c’est la santé. Le 24 mars 2020

“Coach, can you open the door please ?”

J’ouvre les yeux en sursautant : le réveil n’a pas sonné. Il est 7h30 et les jeunes sont déjà devant la porte de notre centre. Le weekend est terminé. La journée commence à 8 heures mais nous ouvrons le centre une trentaine de minutes avant. Cela permet aux entrepreneurs de se retrouver et de débriefer sur leurs aventures de la nuit dernière. Un vendredi matin comme un autre. 

Les jeunes ? le travail ? l’activité ? le centre ? Tout cela est bien vague. Depuis plusieurs pages, je m’adresse à vous comme à un vieil ami, alors qu’on ne se connaît ni d’Eve ni d’Adam. Des présentations s’imposent, et le plus vite sera le mieux. 

Cher lecteur, presqu’un an a passé déjà depuis qu’une idée s’est installée durablement dans ma tête : partir découvrir, dès la fin de mes études d’ingénieur, une autre réalité. Je sortais d’un stage dans le monde de la finance et d’un mémoire de fin d’études sur l’industrie 4.0 : le champ des possibles restait large. Après réflexion, je dégageais 3 piliers que je jugeais essentiels dans mon aventure à venir : m’engager au service des plus pauvres, à l’étranger, en immersion totale.

Il y a aujourd’hui sur notre planète 1,2 milliard de jeunes entre 15 et 24 ans, dont 600 millions vivent en dessous du seuil de pauvreté (1,5€ par jour), mal nourris, victimes d’abus et de violences… Cela représente 1 jeune sur 2. J’ai donc décidé que c’était à ces jeunes que je consacrerais ma première année de vie professionnelle.

Après 10 jours de formation au volontariat de solidarité internationale avec la DCC en juillet 2019, j’ai décollé pour Manille, capitale des Philippines.  C’est là qu’a commencé il y a 10 ans l’aventure Life Projet For Youth (LP4Y). LP4Y est une ONG qui a pour objectif l’insertion professionnelle et sociale de jeunes en situation de grande précarité et frappés d’exclusion. J’ai rejoint l’équipe composée exclusivement de volontaires (plus de 120) et débuté 3 semaines immersives dans un centre de formation : le Green Village.

La pédagogie de mon ONG s’articule autour de la gestion d’une activité micro-économique par les jeunes des bidonvilles. En d’autres termes, ils expérimentent – en équipe de 17 – la création, le développement et la gestion d’entreprise. À Kampung Sawah, quartier pauvre au nord de Jakarta, notre entreprise produit et vend de l’eau potable. Finance, marketing, vente, gestion des stocks, livraisons, ressources humaines, les jeunes sont divisés en départements et ont des responsabilités qui évoluent en fonction de leur ancienneté dans le programme. Une véritable petite entreprise. Ces jeunes entrepreneurs travaillent et nous leur versons donc une rémunération. Elle leur permet d’apprendre à gérer de l’argent, et surtout à acheter à manger. 

La gestion d’entreprise représente 50 % de la formation. À celle-ci s’ajoute 30% de « learn » : rattrapage scolaire et acquisition de compétences nécessaires dans le monde du travail (anglais, informatique, communication etc.) et 20% de « guide » : développement personnel, management des émotions, accompagnement budgétaire, identification des compétences, projection dans l’avenir et construction de leur Projet de Vie… Vaste programme. Et mon travail dans tout ça ? Je suis « catalyseur », j’orchestre cette formation et m’assure que tout se passe pour le mieux !

Cela fait maintenant plus de 7 mois que je vis à Kampung Sawah et mes parents ont décidé il y a 24 ans de m’appeler Romain. 

 

les jeunes de LP4Y Jakarta

Notre équipe (16/11/2019) – © Romain Mailliu

 

C’est l’heure de la revue des troupes. Nous commençons la journée par un briefing, afin de fixer les objectifs de la journée. L’équipe est debout et m’écoute plus ou moins  lui délivrer des informations qui seront les mêmes les jours à venir. “Attention, lavez-vous les mains deux fois par heure, n’oubliez pas de porter votre masque et si vous avez de la fièvre, rentrez-vite chez vous. Questions ? Let’s go !”.  

Mais pourquoi garder le centre ouvert ? Nous savons que le confinement est la meilleure stratégie à adopter pour lutter contre la propagation du Coronavirus. 

Les écoles sont déjà fermées depuis deux semaines en Indonésie et le gouvernement va tôt ou tard – certainement trop tard – adopter des mesures plus strictes. N’est-ce pas  dangereux de continuer à travailler alors que dehors le virus prend comme le feu sur la poudre ? 

La question est légitime. D’ailleurs, notre centre s’est adapté à la situation et les jeunes n’assurent plus que la production et la vente d’eau potable. Nous avons stoppé les trainings et nous ne sommes ouverts que deux matinées par semaine. Les mesures d’hygiène ont été renforcées dans le centre. Le port du masque est exigé. Le lavage des mains au gel hydroalcoolique est effectué jusqu’à ce que celles-ci soient fripées comme le désert de Maranjab. Pour autant le risque zéro n’existe pas. Alors pourquoi continuer coûte que coûte à travailler ? 

 

Jeunes LP4Y Indonésie

Aknel Prianto et Wahab Abdul Ledang qui livrent de l’eau à un client (28/11/19) – © Romain Mailliu

 

Les raisons sont multiples. Premièrement, la distribution d’eau a été évaluée par LP4Y comme un besoin vital pour la communauté. En effet, il n’y a pas d’eau courante potable en Indonésie et les habitants, riches comme pauvres, doivent acheter des gallons ou de l’eau en bouteille pour s’hydrater. Cet argument se confronte à quelques objections. L’eau potable n’a pas disparu du jour au lendemain en Indonésie car à vrai dire il n’y en a jamais eu. Nous ne sommes donc pas les seuls producteurs de gallons dans le bidonville. Les concurrents sont nombreux et parfois moins chers. De plus, il existe un système d’eau courante auquel Kampung Sawah est raccordé. Quand les habitants n’ont pas assez d’argent pour acheter un gallon – ce qui arrive fréquemment – ils ne se laissent pas mourir de soif. Ils font bouillir de l’eau. 

 

LP4Y Indonésie

Ramdani Akbar et Angel Augustin en livraison (28/11/19) – © Romain Mailliu

 

Un autre argument me semble plus adéquat. Chez LP4Y, notre mission principale est de lutter contre l’exclusion des jeunes adultes. L’exclusion, ce n’est pas la solitude qu’on ressent après neuf jours de quarantaine. Etre exclu, c’est ne pas exister aux yeux des autres. A Kampung Sawah, beaucoup des jeunes qui ne vont plus à l’école, n’ont pas de travail et qui s’efforcent de survivre dans un monde qui ne les intègrent pas en sont les victimes. Fermer le centre, c’est bâtir un mur au lieu de construire un pont, c’est fermer la porte à l’espoir, c’est renforcer l’exclusion dont ils sont victimes. Nous devons donc coûte que coûte garder le contact avec les jeunes. 

 

LP4Y Indonésie

Angel Augustin et Diah Ningsih qui remplissent des gallons d’eau potable (29/11/19) – © Romain Mailliu

 

J’évoquerai également une dernière raison qui est peut-être la plus évidente : la rémunération des jeunes. Nos entrepreneurs gèrent une entreprise qui produit et vend des gallons d’eau. En contrepartie, nous leur versons une rémunération. Or, en cette période de crise, ce sont les seuls à ramener un peu d’argent de façon hebdomadaire à leurs familles. 

Je m’explique. Pour lutter contre le virus – ou plutôt pour s’en protéger – les entreprises ferment leurs portes et se mettent en quarantaine. Les premiers emplois supprimés sont les emplois indécents. Ce sont les métiers invisibles, sans contrat, sans assurance, dont on ne veut pas entendre parler. Il font pourtant vivre des millions de familles dans le monde. Or, en Indonésie quand une entreprise ferme, vous n’entendrez pas parler de chômage partiel, de prime ou de dédommagement. Les employés se retrouvent en congés sans solde, c’est à dire à la porte. 

Si nous fermons le centre, nous stoppons la rémunération des jeunes et avec elle, nous coupons les vivres à leurs familles. C’est aussi simple que cela. 

 

LP4Y Indonésie

Aknel, Angel, Wahab et les clients du bidonville de Kampung Sawah (28/11/19) – © Romain Mailliu

 

Une mer calme n’a jamais fait un bon marin. Le 27 mars 2020

Notre centre : un voilier dans la tempête. Les évènements se succèdent comme des vagues que nous prenons de plein fouet sans pouvoir reprendre notre souffle. Sarah est partie mais Fanette est de retour après dix jours confinée dans un hôtel. Fièvre, vertiges, maux de tête : elle pensait que c’était le coronavirus, je pensais que c’était le coronavirus, vous pensez que c’est le coronavirus, ce n’était pas le coronavirus. Enfin, d’après le test fait dans un hôpital public indonésien. Le personnel médical vient prélever à l’aide d’un coton-tige un peu de salive. cinq heures d’attente, deux minutes de consultation. Trois jours plus tard, les résultats sont formels : pas de coronavirus.

 Alors qu’était-ce ? La dengue ? La grippe espagnole ? Elle ne saura jamais. Quand on est volontaire, les « coups de fatigue » dans notre jargon, nous tombent dessus comme la neige en hiver. On ne dramatise pas, on lâche prise et on patiente. Parfois, quand la fièvre devient vraiment insupportable, on passe faire un check-in à l’hôpital. On arrive parfois à comprendre le diagnostic du médecin. On finit toujours par repartir avec un paquet de pilules – qui pourraient très bien être des dragibus – et on retourne se coucher. Après tout, c’est toujours une bonne occasion de prendre des vacances.

 Notre bateau est donc pris d’assaut par la houle. Chaque vague est une préoccupation, une secousse à envisager. Elles ne sont pas toutes aussi menaçantes mais elles arrivent de tous les côtés. Bateau ? Tempête ? Vent et marée ? Romain, as-tu perdu la tête ? Décortiquons un peu cette métaphore douteuse. 

 

Océan Pacifique

Océan Pacifique (Août 2017) – © Romain Mailliu

 

Ces vagues, ce sont les problèmes – disons challenges – des jeunes qui évoluent avec le coronavirus. A ce stade, ce sont généralement des challenges économiques : Le père de Taufiq a perdu son travail, il est le seul à pouvoir ramener de l’argent pour nourrir sa famille ; Les parents de Fikri sont rentrés “au village” pour fuir le virus, il est maintenant à la rue. Ces défis s’ajoutent à notre travail quotidien : Toy ne peut plus venir au centre car il doit aider sa grand mère à ramasser des bouteilles en plastiques pour les revendre ; Fami va donner naissance dans 4 jours et n’a pas assez d’argent pour accoucher à l’hôpital. Vous l’avez compris, ça fait beaucoup de “Challenges”. 

Ces secousses, ce sont aussi les workshops que LP4Y a mis en place pour s’adapter face à la crise planétaire. En Indonésie, nous sommes l’un des derniers centres qui n’est pas encore en confinement total. En Inde, au Vietnam, aux Philippines ou encore au Bangladesh, les centres assurent un suivi des jeunes plus ou moins à distance. Cela dépend de l’agressivité des policiers qui font respecter l’interdiction de sortie. 

Ces ateliers portent sur des initiatives variées pour améliorer nos processus. J’ai d’ailleurs une conf-call dans dix minutes pour parler du suivi des anciens jeunes du programme – faites-m’y penser. 

Dans cet ouragan, l’adversaire le plus dangereux se trouve parfois sous la mer. En effet, un courant puissant nous fait dériver et rend le cap difficile à garder. Il se réveille particulièrement le soir, quand la nuit tombe, et rien ne semble pouvoir l’arrêter. Ce courant, c’est l’information continue sur le coronavirus qui nous agresse jour et nuit. Réseaux sociaux, journaux, télévisions, mails, flyers, visiteurs : impossible de se déconnecter ou de chercher le vrai du faux. J’ai l’impression d’être spammé, assommé par des données qui me tombent dessus sans fin. Alors je garde quelques bribes d’informations, saisies ici ou là, et il m’arrive de les partager à qui veut bien les entendre. Sans le vouloir, j’imagine que je rajoute une couche à l’incompréhension générale.

 

Océan Pacifique

Océan Pacifique (Août 2017) – © Romain Mailliu

 

Moussaillons, il n’y a pas de voilier sans vent, ni de tempête. Ami d’un jour, ennemi du lendemain, le vent est un personnage bipolaire. Son rôle est déterminant quand on entreprend des aventures en mer. Son souffle peut porter notre bateau vers des horizons plus prospères ou le briser puis l’envoyer nourrir les poissons. Blizzard, parfois caresse matinale, il est déroutant. Quand le mistral se lève, les voiles se gonflent et les marins chantent. Ce vent, c’est nos familles en France. Elles jouent une place décisive alors que le virus fait de plus en plus de victimes. C’est la raison qui décide un volontaire à quitter le navire pour rentrer chez lui. La famille comme l’alizé est une source d’énergie inépuisable. Il suffit parfois d’un coup de téléphone de sa part pour dompter les flots ou pour déchirer les voiles… “Vas-tu rentrer en France ? ; félicitations pour ton engagement ! ; es-tu en sécurité ? ; nous sommes fiers de toi ; tu nous manques…” Les mots de nos familles alimentent nos peurs et nos joies. Il faut savoir s’en détacher sans prendre de distance.

Le vent est l’ombre de la tempête : quand il se dresse face au soleil, il perd son hostilité.

Sur le pont du voilier, je ne suis pas seul. Nous avons perdu un matelot c’est vrai, mais le hasard fait bien les choses : un amiral et un capitaine de vaisseau nous ont rejoint. Le cofondateur de LP4Y, Jean-Marc, et une haute fonctionnaire de l’organisation, Inès, se sont retrouvés bloqués en Indonésie. Ils étaient venus visiter un centre à Surabaya quand l’Inde, leur pays de résidence, a décidé de fermer ses frontières. Ils s’installent donc avec nous à Jakarta en attendant que la situation évolue.

Depuis huit mois, notre bateau, nous savions le garder à la surface. Lui donner un cap. Entre marins, nous avions eu le temps de découvrir nos qualités respectives et un bon équilibre s’était naturellement mis en place. 

Tout n’était pas blanc ou noir mais, comme les vagues qui déroulent tour à tour leur ardeur sur la plage, nous avions trouvé l’harmonie. Maintenant que l’équipage n’est plus le même, nous devons en reconstruire une. Et vivre avec son patron est un facteur qui peut faire gronder les éléments. 

 

Océan Pacifique

Océan Pacifique (Août 2017) – © Romain Mailliu

 

Découvrir le chapitre 1 : Les départs devraient être soudains →

15 avril 2020 15 commentaires
7 FacebookTwitterPinterestMail
ActualitéCarnet de voyageRomain Mailliu - 13 mois de volontariat en Indonésie

#13 Les départs devraient être soudains

par Romain Mailliu 10 avril 2020
écrit par Romain Mailliu
Bidonville en bord de mer - Cilincing - © Romain Mailliu

 

La crise sanitaire mondiale menace Kampung Sawah, le bidonville indonésien de Romain. Suivez avec son carnet de bord l’impact du Coronavirus dans les quartiers les plus pauvres. 

 

Les départs devraient être soudains. Le 21 mars 2020

Sarah fait ses affaires. Elle s’en va. La décision a été prise aujourd’hui. Elle n’emporte avec elle qu’un petit sac qu’elle prendra en cabine. Elle ne souhaite pas perdre de temps, chaque seconde compte. 

Sous assistance respiratoire de 4 mois à 6 ans, la petite enfance de Sarah fut marquée par le bruit d’aspirateur de la ventilation mécanique, son éternelle compagne. Bien qu’à 18 ans, l’âge de tous les possibles, son asthme se soit stabilisé, elle prend aujourd’hui encore 6 médicaments par jour pour éviter des complications. Seulement voilà : le Coronavirus est une grippe qui peut retourner sa veste. Dans cet ouragan d’informations sans fin, les quelques faits que j’arrive à saisir – comme le pêcheur attrape une sardine dans un banc de maquereau – laissent présager qu’avec des problèmes pulmonaires le Covid-19 peut vous conduire en réanimation. Or, la réanimation en Indonésie, c’est un peu comme les amis en politique :  ça existe mais il ne faut pas trop s’y fier.

Elle a pris le premier vol qu’elle a trouvé. 2 escales : Hong-Kong et Les Emirats arabes unis, avant d’arriver à Lyon. Sarah ne savait pas que Hong-Kong était la région la plus grande et la plus peuplée de la république populaire de Chine, ou peut-être qu’au fond elle s’en doutait, mais qu’elle avait décidé de chasser cette idée de sa tête. Le plus gros risque, c’était de rester en Indonésie. 

L’ambassade nous a contacté : les vols pour la France seront bientôt limités aux longs courriers commerciaux pour une durée indéterminée. Vacanciers, rentrez vite : il est venu le temps de la raison. Adieu Bali ; bonjour Bercy. Expatriés, vous avez choisi une vie de princes, loin de la monotonie parisienne – Métro, boulot, dodo – restez. Vous allez la vivre, l’aventure, chez vous, en quarantaine, au bord de la piscine. Si vous fermez bien vos portails – barrières infranchissables de vos prisons dorés – et que vous renvoyez les domestiques, les risques d’attraper le virus sont approximativement les mêmes qu’en France. 

Et les volontaires dans tout cela ? Nous sommes partis avec l’idée de sauver la veuve et l’orphelin… Le fantasme prend une tournure inattendue et déroutante. Nous ne vivons pas dans de belles maisons, dans les quartiers riches de la ville, proches des hôpitaux privés et d’une population connectée au monde qui prend conscience de l’urgence et réagit à coup de gestes barrières et de quarantaines. Nous sommes dans les quartiers pauvres où il est inconcevable de s’enfermer seul chez soi car ici l’union fait la force. 

Que va-t-il nous arriver ? Je pourrais tirer des plans sur la comète, et je le ferais très certainement par la suite – il faut bien s’occuper – mais pour l’instant, je regarde par ma fenêtre le soleil se coucher sur Kampung Sawah, le bidonville dans lequel je vis. Les enfants jouent dans la rue et font brûler, dans un petit brasier, les morceaux de plastique qui jonchent le sol. Leur mère les regarde d’un oeil occupée. Une éponge à la main, elle frotte le scooter familial. Il y a 50 ans, elle lui aurait donné du foin tout en lui caressant la croupe. Le scooter est une bête increvable. Sur son dos, il porte des familles entières, sans jamais gémir, et quand bien même cela arrive, vous lui donnez un gorgée de gasoline et il repart au galop. 

 

Alors qu’elle nous annonçait sa décision, le sel a coulé sur les joues de Sarah. Je n’ai pas su réagir. Généralement, quand les émotions jaillissent chez mon interlocuteur, je cherche méthodiquement à adopter la “bonne” attitude. J’essaie de me téléporter dans la personne concernée. De me mettre à sa place, en quelque sorte. Faire preuve d’empathie. L’équation me semble assez simple : nous sommes tous des êtres humains et, malgré nos différences, nous avons une ligne de conduite commune. Romain, comment aimerais-tu que les autres réagissent face à toi ? Et là, mon théorème s’écroule. A la place de Sarah, je prendrais la fuite pour exprimer ma peine en silence. Intérieurement, en quelque sorte. Ce qui, en vue de principes physiques et psychiques assez évidents, n’est pas une bonne idée. C’est un coup à se remplir et à la moindre différence de pression : exploser. J’en conviens. Toujours est-il que Sarah est triste et moi tout autant désemparé. 

Elle est partie dire au revoir aux jeunes des bidonvilles que nous accompagnons dans le cadre de notre mission de volontariat. Elle a découpé des photos – instants volés au temps qui passe – qu’elle leur donne. 

Ces jeunes, nous partageons leur quotidien depuis maintenant 8 mois. Quand ils apprennent la nouvelle, une vague froide leur mord le visage. Des départs, ils en ont connu : une petite soeur qui ne soufflera jamais sa première bougie, un frère qui travaille loin pour nourrir sa famille, des parents partis en les laissant un matin sur le perron d’une voisine… 

Dans cette situation, ce sont eux qui prennent soin de nous. Avec un anglais hésitant dont ils connaissaient à peine quelques mots il y a encore 2 mois, ils essaient de nous réconforter. Et c’est diablement efficace. Je m’assieds et les regarde faire, admiratif. Nous essayons de leur apprendre les compétences recherchées par les entreprises pour qu’ils trouvent un emploi stable et décent. Nos enseignements me semblent biens futiles à présent. Aujourd’hui, c’est moi qui prend la leçon. 

 

Sarah accompagnée de Ramdani Akbar et Taufan Alamsyah, des jeunes du programme LP4Y - © Romain Mailliu

Sarah accompagnée de Ramdani Akbar et Taufan Alamsyah, des jeunes du programme LP4Y –
© Romain Mailliu

La Cigale et la Fourmi. Le 22 mars 2020

 Sarah est partie. Le centre semble vide, et les pas dans le couloir qui mène à nos chambres sonnent creux. Le silence court le long des murs, s’adosse aux fenêtres. Il emplit l’espace et nous étouffe petit à petit. Entre volontaires, nous vivions en communauté. Nous sommes habituellement 4 : Sarah, Fanette, Lia et moi. Fanette est en déplacement. Je me retrouve donc seul avec Lia. Elle est Indonésienne et s’occupe dans notre ONG de faire le lien entre nous, volontaires français, et l’Indonésie. Son poste ? Community mobilizer. N’allez pas croire que nous ne sommes pas Corporate. LP4Y est une ONG avec une structuration digne des multinationales du CAC 40. Je pourrais vous développer le modèle, l’organisation des différents pôles, l’organigramme, la road map à 5 ans et les résultats du premier semestre. Mais nous ne sommes pas ici pour parler business. Rassurez-vous : LP4Y n’a pas encore prévu une IPO au Nasdaq avant la fin de l’année. 

 Je retrouve Lia dans la cuisine, les yeux perdus dans son bol de lait à la fraise. Nous sommes dimanche ; il est 9h. Le soleil est déjà haut dans un ciel bleu qui appelle à l’aventure. Romain, il est temps de te ressaisir ! Il est vrai, un chapitre se termine dans notre colocation mais l’on n’écrit pas de bons romans sans tourner des pages. N’oublions pas que pendant la campagne de Russie, Napoléon a perdu 200 000 hommes pour finir exilé sur l’île d’Elbe. Nous ne sommes pas à plaindre. L’Histoire est un ami toujours fidèle qui nous aide à relativiser. Debout soldat ! il est temps de se préparer à faire face à cet adversaire sans étendard qui répand sa fièvre partout dans le monde.

 Il n’y a pas de bon soldat sans bon matériel. Et ça, la France, 3ème plus gros exportateur mondial de matériel militaire, l’a bien compris. Avec un chiffre d’affaires de 9,1 milliards d’euros en 2018 et un marché en hausse de 5%, il y a de quoi alimenter les théories les plus lugubres de nos amis complotistes. Bien qu’il soit certainement possible d’acheter des armes à Kampung Sawah, elles nous seront peu utiles pour lutter contre le COVID-19. J’ai toujours été très mauvais au tir à la carabine et ma seule expérience de ball-trap s’est soldée par une bière et une épaule d’agneau au club-house. Bref, nous partons donc acheter des masques, des gants et du paracétamol. Mais où donc trouver ces ressources tant convoitées ? Cela fait déjà plusieurs jours que nous investiguons autour de notre bidonville et il faut se rendre à l’évidence : on peut y trouver la joie, la compassion, la sagesse et un Magnum 357 mais pas de matériel médical. Seuls les malls, véritables palais du royaume de la consommation, semblent encore disposer d’un pareil trésor.

 

Les malls sont à l’Indonésie ce que sont les térasses et les jardins à la France : des lieux de rendez-vous incontournables pour les familles, les amis, les futurs couples, les anciens amants… L’endroit hype pour passer un weekend branché. Jakarta, on n’en compte pas moins de 144. Il y en a pour tous les goût. Ou plutôt pour tous les portefeuilles. Je les ai classés en 3 catégories : 

  1. Le mall “fourmilière”. Il est composée d’un agglomérat de petites galeries qui partent dans tous les sens. On y trouve de tout et on ne repart jamais avec ce que l’on était venu chercher. La circulation y est difficile et il faut savoir jouer des coudes pour rester à la surface. Les prix sont bas pour qui sait négocier : vous y rencontrerez des commerçants tenaces. 
  2. Le mall “Les 4 temps”. Je vous épargne les détails : c’est celui qui ressemble le plus à nos centres commerciaux. Vous y trouverez des chaînes de prêt à porter, de restauration ainsi qu’un espace détente avec son bassin artificiel. Pendant la période de Noël, un sapin est dressé en son centre et un stand de photo vous propose pour 10 euros un souvenir avec le vrai Père Noël. 
  3. Le mall “Hilton”. Le sol en marbre encore trop peu foulé est une véritable patinoire. Les couloirs sont immenses. Des voitures de sport vous regardent avec de grands yeux depuis leurs stands éphémères. Les chaînes qui ont fait leurs preuves se cachent à l’ombre des vitrines des boutiques de luxe. Yves Saint Laurent, Dior, Chanel, Givenchy, Gucci… Quelques discrets visiteurs admirent les vitrines avant de prendre la fuite quand le vendeur en costume trois pièces les approche. 

 

Nous en choisissons un à proximité de notre quartier, qui porte le délicat nom  de Aeon. C’est un mall que je place dans la catégorie numéro deux. Comme tout stratège formé sur le tas à la gestion de crise, nous avons décidé de faire des stocks : ni trop peux, ni pas assez. Autour de nous, la concurrence s’active en poussant des cadis remplis de sacs de riz et de nouilles chinoises. Le rayon de papier toilette n’a pas encore été dévalisé pour des raisons culturelles que je vous laisserai deviner. Le bilan n’est pas glorieux. Plus de masques, plus de gants. J’arrive à me procurer quelques sachets de paracétamol et un thermomètre. Impossible de respecter les gestes barrières et seul le personnel du supermarché porte des masques. Nous repartons avec un désagréable goût d’échec à la bouche.

 

A suivre…

Des appartements situés au dessus d’un mall dans le nord de Jakarta

Des appartements situés au dessus d’un mall dans le nord de Jakarta

 

Photo de couverture : Bidonville en bord de mer – Cilincing – © Romain Mailliu

10 avril 2020 6 commentaires
8 FacebookTwitterPinterestMail
Nouveaux Articles
Anciens Articles
Voir, juger, agir. Aventures et mésaventures à travers le monde... 🌦

DERNIERS ARTICLES

  • TOP 4 des Sous-Marins qui vont changer votre vie.

    13 janvier 2021
  • [DEBAT] – Pourquoi jardiner à l’heure de la 5G ?

    13 novembre 2020
  • [Rencontre] – La communauté du bidonville de Kampung Sawah

    6 novembre 2020

Catégories

  • Actualité (21)
  • Art (8)
  • Baudouin Duchange – Chroniques (14)
  • Capsule is coming (1)
  • Carnet de voyage (25)
  • Marine (1)
  • Romain Mailliu – 13 mois de volontariat en Indonésie (18)
  • Tibovski – Dessin de la quinzaine (15)
  • Tribune (12)

Pour + de fun

Facebook Instagram Spotify

BSF, c’est quoi ?

BSF, c’est quoi ?

Une communauté de photographes, auteurs, rêveurs, explorateurs qui sortent des sentiers battus le temps d’un weekend, de quelques mois ou de plusieurs années, avides de rencontres, de solitude, de découvertes et de remises en question.

Catégories

  • Actualité (21)
  • Art (8)
  • Baudouin Duchange – Chroniques (14)
  • Capsule is coming (1)
  • Carnet de voyage (25)
  • Marine (1)
  • Romain Mailliu – 13 mois de volontariat en Indonésie (18)
  • Tibovski – Dessin de la quinzaine (15)
  • Tribune (12)

TOP Articles

  • 1

    [Playlist] – Le Rap Sentimental 🍑

    17 septembre 2020
  • 2

    # 14 Une mer calme n’a jamais fait un bon marin

    15 avril 2020
  • 3

    TOP 4 des Sous-Marins qui vont changer votre vie.

    13 janvier 2021

Instagram

bsfmagazine

Mode Sous-Marin activé ✅ . 1 an que notre magaz Mode Sous-Marin activé ✅
.
1 an que notre magazine existe. 1 an d’efforts patients et de tentatives passionnées ont abouti à plus d'une quarantaine de collaborations avec des écrivains, poètes, journalistes, aventuriers, photographes, reporters, amoureux de lettres et d'images, à retrouver sur notre site web et notre Instagram. ✍️ 📸
.
Cette joyeuse dynamique nous incite à évoluer. Nous voulons creuser de nouvelles idées, en termes d’édition et d’offres créatives. 💭
.
BSFmagazine passe donc en mode sous-marin ! Qué significa ? Arrêt des publications pendant quelques semaines. Plus de nouvelles sur les réseaux. Nous allons nous immerger pour mieux travailler et ressurgir, bientôt, avec un nouveau format ! ⚓
.
Envie de participer (identité graphique, la conception, informatique…) ? Envoie-nous un message ! 🤝
[DEBAT] - Jardiniers de tous les pays, unissez-vou [DEBAT] - Jardiniers de tous les pays, unissez-vous !
.
Quelques jours avant l’arrivée de la #5G en France, Baudøuin Duchange nous présente le nouveau visage de la révolution : le jardinage. ✊ 🌻
.
Retrouvez des citations de Simone Well, @boobaofficial, @dalida_officielle, Michel Foucault, Stefan Zweig, @juldetp, Bernanos, Antoine de Saint-Exupéry dans ce nouvel article  à découvrir (GRATUITEMENT) sur notre site internet. 

#5G #jardin #bandeorganisée #jardinage #jardins #jardindesplantes #5g #digital #technologies #humour #debat #magazine #ecrire #lirecestlavie #rose #roses🌹 #defunes #cultiver #jardinagepassion #passionjardin #garden
🥁 Gagne le dernier succès de Ibrahima Ba intit 🥁 Gagne le dernier succès de Ibrahima Ba intitulé Diam Welly. (Découvrez le résumé ci-dessous) 
.
😮  Comment jouer ? Facile !
1. Like la page insta de BSFmagazine
2. Identifie 2 de tes amis en commentaire de cette publication
3. Partage ce post dans ta story 🚀
.
Diam Welly est un village où régnaient la paix et l'harmonie. La communauté des Peulhs vivait avec celle des Mandingues sans distinction. La joie de vivre y avait élu domicile ; les hommes et femmes étant en communion. Karamokho, un homme de valeur et bien respecté au village, y vivait avec son épouse Coumba, une femme vertueuse que tous les hommes auraient aimé avoir dans leur concession. La tradition avait réussi à construire une société juste, faite de solidarité, d'amour et d'entraide.
Cependant, la modernité — ou selon les mots de l'auteur, le Nouveau Monde — ne laissera pas Diam Welly indemne puisqu'elle le fera résolument s'engager dans une nouvelle ère de mutations affectant les moeurs, la moralité, les codes et conduites favorisant, ipso facto, l'émergence d'individus — comme Sellou, faisant la cour à l'épouse de Karamokho alors absent — gouvernés par la satisfaction de leur plaisir et de leurs intérêts personnels.
- Beautés plurielles - [HISTOIRE A LIRE👇] . La - Beautés plurielles - [HISTOIRE A LIRE👇]
.
La Carte Blanche de la photographe @gwenvael_engel 📸 de l'agence @studiohanslucas 
.
Avec 🚩Carte Blanche 🚩, BSFmagazine vous fait découvrir, le temps d'une semaine, le travail d'un photographe talentueux
.
Montréal, Canada, 2020. 
Selon la perception de leur corps, ces femmes abordent des comportements distincts influençant leur utilisation de l'espace, leur posture, mais également leur toucher. Durant les séances photos, elles se surprennent de la tendresse qu’elles s’accordent. Ce travail ne rend pas nécessairement compte “d’imperfections physiques”, il tend surtout à questionner le rapport qu’elles entretiennent avec elles-mêmes dans un espace qui leur est donné
.
#women #proud #woman #body #canada #work #artphoto #humanphotography #human #humanphoto #humanphotography📷 #portrait #intime #portraitinspiration #portraitphotography #portraitmood #portraitphotographer #portraits #bsfattitude
- Visage d'une jeunesse iranienne - [HISTOIRE À L - Visage d'une jeunesse iranienne - [HISTOIRE À LIRE👇]
.
La Carte Blanche de la photographe @gwenvael_engel 📸
.
Avec 🚩Carte Blanche 🚩, BSFmagazine vous fait découvrir, le temps d'une semaine, le travail d'un photographe talentueux
.
Persepolis • Iran • 2016
Meisam livre ses inquiétudes concernant son service militaire qui commence dans quelques jours. Il ne sait pas comment apporter de l'argent au foyer, ni qui s'occupera de sa femme malade, alors âgée de 18 ans à cette époque
.
#iran #sun #sunshine #toit #immeuble #man #homme #assis #ciel #findejournée #debutdejournee #matinee #soleil #soleilcouchant #soleillevant #sunlight #artphoto #journalisteindépendant #independant #bsfmagazine
[Rencontre] - Partagez un quart d’heure de compl [Rencontre] - Partagez un quart d’heure de complicité avec les joyeux habitants du principal bidonville du nord de la capital indonésienne, Jakarta 🌏
.
Que serait le travail collectif et l’entraide sans ce moteur essentiel : le sourire ? Réponse concrète avec @romain_mailliu , volontaire chez @lp4yglobal 💥

ARTICLE DISPONIBLE GRATUITEMENT SUR LE SITE DE BSFMAGAZINE - LIEN EN BIO
.
.
.
#children #benevole #smile #bidonville #street #child #smilechild #young #youngisblessed #jeune #enfant #enfance #futur #couleurs #colors #indonesiachildren #helpchildren #bsfattitude
- Visage d'une jeunesse iranienne - . La Carte Bla - Visage d'une jeunesse iranienne -
.
La Carte Blanche de la photographe @gwenvael_engel 📸
.
Avec 🚩Carte Blanche 🚩, BSFmagazine vous fait découvrir, le temps d'une semaine, le travail d'un photographe talentueux
.
Persepolis • Iran • 2016
.
#iran #iranian #iran🇮🇷 #perspolis #montagne #ruine #femme #teenage #selfie #lieuculturel #montagnes #mountains #roc #roche #geologie #ciel #vestige #pierre #contraste #artphoto #travelphotographie #bsfattitude
- Visage d'une jeunesse iranienne - . La Carte Bla - Visage d'une jeunesse iranienne -
.
La Carte Blanche de la photographe @gwenvael_engel 📸
.
Avec 🚩Carte Blanche 🚩, BSFmagazine vous fait découvrir, le temps d'une semaine, le travail d'un photographe talentueux
.
Persepolis • Iran • 2016
.
#iran #iranian #iran🇮🇷 #perspolis #married #couplegoals #couple #lunch #food #rest #cantine #tableau #accroche #photocouple #photocouples #marriedlife💍 #frite #diner #dejeuner #breackfast
- Visage d'une jeunesse iranienne - . La Carte Bla - Visage d'une jeunesse iranienne -
.
La Carte Blanche de la photographe @gwenvael_engel 📸
.
Avec 🚩Carte Blanche 🚩, BSFmagazine vous fait découvrir, le temps d'une semaine, le travail d'un photographe talentueux
.
Persepolis • Iran • 2016
.
#iran #iranian #iran🇮🇷 #perspolis #marjanesatrapi #ruine #femme #woman #selfie #lieuculturel #monumentshistoriques #vestige #pierre #contraste #artphoto #travelphotographie #bsfattitude
- Vie de nomades - [HISTOIRE À LIRE 👇] . La Ca - Vie de nomades - [HISTOIRE À LIRE 👇]
.
La Carte Blanche de la photographe @gwenvael_engel 📸
.
Avec 🚩Carte Blanche 🚩, BSFmagazine vous fait découvrir, le temps d'une semaine, le travail d'un photographe talentueux
.
Kol Ukok, Kirghizistan, 2015.
Traditionnellement, la yourte est ouverte vers le sud par une entrée unique. A l'intérieure, l’espace est quadrillé selon un usage précis. Le sud et l’est de la yourte sont l’espace de la femme où se trouvent le foyer et la place de travail. L’espace de l’ouest est réservé à l’homme et aux invités. Cette photo est révélatrice : dirigée vers le sud, c’est la femme qui se dévoile, à sa place comme l’admet la tradition
.
#kirghizistan #kirghizistan🇰🇬 #yourte #tente #woman #dog #chien #phototravel #photojournalisme #photojournalism #porte #door #encadrement #montagne #nature #montagnes #asie #travel #bsfattitude
[ARTICLE] - Es-tu prêt pour le grand saut ? 🍭 [ARTICLE] - Es-tu prêt pour le grand saut ? 🍭
.
Le comédien ET metteur en scène Michaël Benoit Delfini
 t’aide à te lancer avec ce texte burlesque digne d'un @borisvian_officiel !
.
ARTICLE À DÉCOUVRIR SUR NOTRE SITE (LIEN EN BIO)
.
.
.
#trounoir #blackhole #soleil #coucherdesoleil #espace #univers #etoile #maptothestars #photoart #artphoto #photouniverse
[CULTURE] - Déjà entendu parler des Bullshit j [CULTURE] - Déjà entendu parler des Bullshit jobs ? On doit l’expression à feu David Graeber 🔥
.
Anthropologue ayant réhabilité l’anarchie ♾ Figure du mouvement Occupy Wall Street ♾ Ecrivain multi-récidiviste ♾ Les Sex Pistols n’ont qu’à bien se tenir ! 
.
Dessin + article par l’audacieux @tibovski ✏️
.
ARTICLE A RETROUVER (GRATUITEMENT) SUR NOTRE SITE (lien en bio)
.
#davidgraeber #bullshitjobs #anarchie #dessin #art #inktober #inktober2020 #draw #drawyourday #man #smoke #cigarette #yellow #jaune #sourire #regard #look #bsfattitude
Afficher plus... Suivez-nous sur Instagram
  • Facebook
  • Instagram
  • Spotify

@2017 - PenciDesign. All Right Reserved. Designed and Developed by PenciDesign