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Voir, juger, agir.

Tag:

Culture

Voir, juger, agir. Aventures et mésaventures à travers le monde... 🌦
Capsule is coming

TOP 4 des Sous-Marins qui vont changer votre vie.

par Romain Mailliu 13 janvier 2021
écrit par Romain Mailliu

 

Le Sous-Marin BSFmagazine 

1 an que notre magazine existe. 1 an d’efforts patients et de tentatives passionnées ont abouti à plus d’une quarantaine de collaborations avec des écrivains, poètes, journalistes, aventuriers, photographes, reporters, amoureux de lettres et d’images, à retrouver sur notre site web et notre Instagram.

Cette joyeuse dynamique nous incite à évoluer. Nous voulons creuser de nouvelles idées, en termes d’édition et d’offres créatives.

BSFmagazine passe donc en mode sous-marin ! Qué significa ? Arrêt des publications pendant quelques semaines. Plus de nouvelles sur les réseaux. Nous allons nous immerger pour mieux travailler et ressurgir, bientôt, avec un nouveau format !

Envie de participer (identité graphique, conception, informatique…) ? Envoie-nous un message !

 

En attendant les retrouvailles, voici 3 autres Sous-Marins qui vont – très certainement – changer votre vie ⤵

 

Yellow Submarine – Musique  

Yellow Submarine est une chanson des Beatles parue le 5 août 1966. Ébauchée par Mc Cartney (le bassiste) pour Ringo Starr (le batteur), il s’agit d’une chanson pour enfants complétée par les autres membres du groupe, en studio. 

Pas besoin d’avoir une maîtrise d’anglais moderne à Yale pour comprendre les grandes lignes de cette conquête aquatique. Les Beatles, férus d’aventures en tout genre, décident de prendre la mer après avoir croisé la route d’un marin qui leur conta ses souvenirs d’antan. Que serait le monde si nous suivions toujours l’inspiration des histoires qu’on écoute au comptoir d’un bar ? Je n’en sais rien. Par contre, ce que je peux vous dire avec certitude, c’est que les Beatles, qui n’étaient pas les moins entreprenants de leur génération, partirent donc à bord d’un sous-marin jaune. Cap sur le soleil, qu’il semblait – à en croire la légende – possible de distinguer sous les vagues, McCartney et ses disciples plongèrent dans cette folle épopée aux frontière du réel direction “a sea of green” (une mer de vert). 

Chanson pour enfants ou trip psychédélique après une grande ligne avec un peu de kétamine, d’héroïne, de coke et d’ecstasy en poudre? A vous de trancher. Cela-dit, sachez que les Beatles décidèrent – de retour sur la terre ferme – d’en faire un film qui sort sur les écrans en 1968. 

Amis monoglottes, à toute fin utile, de nombreuses reprises ont été enregistrées, notamment en français sous le titre Le sous-marin vert. 

 

 

Submarine – Film 

Qu’importe son époque, avoir 15 ans est une tragédie. “I wish there was a film that followed my every move”. Qui n’y a pas déjà pensé en se regardant, l’œil veau, dans la fenêtre d’un lycée hostile ? Ce film retrace la banale histoire d’Oliver Tate, adolescent dans les années 60, partagé entre une lutte sensible pour se faire une place dans le marché de l’amour et une lutte obstinée pour préserver l’harmonie familiale de son enfance. Parfaitement filmé, rythmé et interprété, ce film est un 5/5. 

J’ai eu la chance de voir ce film dans les meilleures conditions, c’est-à-dire à tout juste 15 ans. Peu de films m’ont radicalement influencés. Comme Oliver, ne me suis-je pas mis à fumer la pipe en écoutant Gainsbourg ? Dans ma construction émotionnelle, il m’a donné une raison d’être mélancolique, ce qui n’est pas évident lorsqu’on ne connaît rien de la vie. L’adolescence n’est pas un âge, c’est une malédiction. Mais à chaque grande tragédie son air de musique : Alex Turner accompagne celle-ci avec la délicatesse d’un Jean Baptiste Lully. 

Découvrir le film en VOD => 

 

 

Le Sous-Marin nucléaire d’attaque Suffren – Actualité 

Sur un autre registre, après treize années de chantier, Naval Group a livré le Suffren à l’armée française le 6 novembre 2020. Hautement stratégique, ce nouveau sous-marin doit renforcer le dispositif français de dissuasion nucléaire. Oui, il s’agit là d’un vrai sous-marin ! 

Mise en contexte pour déchiffrer ce fait d’actualité : la mondialisation confère une importance stratégique croissante aux espaces échappant à la souveraineté des Etats. Lesquels ? La haute mer, l’espace exo-atmosphérique (au-delà de la couche d’ozone) et le cyberespace (l’interconnexion mondiale des ordinateurs via Internet). 

“Celui qui commande la mer commande le commerce, celui qui commande le commerce commande la richesse du monde, et par conséquent, le monde lui-même”, disait Sir Walter Raleigh. Réservoirs de richesses, mers et océans sont aussi le théâtre de démonstrations de puissance et permettent une présence internationale, avec des forces navales libres de naviguer sur quasiment toutes les eaux du globe. Pour la France, deuxième espace maritime et troisième réseau diplomatique au monde, l’enjeu est considérable. 

Et quelle meilleure démonstration de puissance que la capacité de lancer une attaque nucléaire n’importe où dans le monde, à partir d’un sous-marin pratiquement indétectable? Ainsi, les équilibres des Nations se jouent jusque dans les profondeurs marines où sont tapies les armes de la dissuasion nucléaire, dont fait maintenant partie, le Suffren, nouvel ajout à l’arsenal maritime français. 

En savoir plus => 

 

13 janvier 2021 5 commentaires
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Baudouin Duchange - Chroniques

Le questionnaire BSF : On vous écoute !

par Romain Mailliu 11 juin 2020
écrit par Romain Mailliu

Et si vous deveniez le rédacteur en chef de BSFmagazine ? 

Cela fait maintenant 7 mois que BSFmagazine grandit et évolue. Plus de 18 000 lecteurs sur ce site internet, 800 abonnés à notre Newsletter et près de 2000 membres nous suivent sur les réseaux ! 

Qui êtes-vous ? Comment adapter notre magazine à vos intérêts ? Que voulez-vous lire, voir, découvrir ? Ce questionnaire à pour objectif (suprême) d’affiner notre ligne éditoriale pour écrire les articles qui répondront à vos envies ! 

Bon on gardera toujours un peu de place pour l’imprévu, les surprises, car c’est aussi ça le plaisir de la littérature : découvre, se faire surprendre… mais on souhaite tout de même savoir ce qui vous branche ! 

Rassurez-vous, les réponses sont anonymes. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses : suivez votre instinct… Un grand merci pour votre aide !

C’est par ici : https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLScWDSmTi6YMfhghOeJw8h0iBjvCWz8C5mycOm5N1urXWVR-ZQ/viewform?fbclid=IwAR3szcGP7z36Q_nKIzGrm2q_0MMO_gyPOSnbeE7FOI_kUdieFgNIXCGmtYw

 

11 juin 2020 1 commentaire
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ArtTribune

Mot d’une peintre en dilettante

par un contributeur 3 juin 2020
écrit par un contributeur

 

L’homme est détenteur d’un moyen de communication très pointu : le langage. Exprimer ses pensées, ses émotions et ses désirs avec des mots, quoi de plus complet ? Pourtant, je vous invite ici à vous essayer à une technique d’expression tout aussi parlante. Une porte de l’âme qui vous aidera peut-être à mieux vous connaître ou vous aidera au moins à vous vider la tête ne serait-ce qu’un instant. 

 

Peindre avec les yeux

Si vous souhaitez vous mettre à la peinture, j’espère que ces quelques mots vous inspireront.

Peindre à partir d’un modèle est à la portée de tous. Prenez une toile ou une feuille et de la peinture ─la première marque d’acrylique trouvée au supermarché suffit─ et peignez ce que vous voyez.

Tracez sur la toile les contours au crayon à papier, ou de couleur pour que cela se voit moins. Pour que vos proportions correspondent à celles du modèle, utilisez des formes géométriques pour tracer le contour de la forme générale, puis prenez un premier repère et construisez votre croquis autour de celui-ci (Je commence par l’oreille et je regarde où sont placés les yeux par rapport à cette oreille, puis où est la bouche par rapport aux yeux, etc…). Il y a également une technique qui consiste à tracer un quadrillage sur le modèle, puis à reproduire cette grille sur votre toile et vous y retrouver à partir de ce repère. Pour éviter des erreurs de proportions, il est bon de peintre sur un chevalet plutôt que sur une surface à plat devant vous, car selon l’endroit où se situe vos yeux par rapport à votre toile, vos proportions peuvent s’avérer erronées une fois vues d’un autre angle. Le système D de la toile scotchée au mur est une bonne alternative au chevalet si vous n’avez pas peur de tâcher ledit mur.

Passez ensuite la première couche. Il faut commencer par les teintes les moins foncées. Si vous peignez un humain de peau claire, la couleur chair s’obtient à partir de rouge magenta, jaune primaire, blanc et un tout petit peu de bleu. Jouez avec ces couleurs jusqu’à atteindre la teinte voulue. Bien sûr, n’importe quelle autre couleur peut être appliquée aux différentes parties de la peinture, l’important sont les proportions, la forme dessinée et les contrastes entre clair et foncé. Remplissez les contours tracés au crayon avec cette couleur.

Ajoutez ensuite les ombres, une par une, des plus légères aux plus marquées. Lorsqu’on peint à l’acrylique, pour rendre une teinte plus claire, il faut y ajouter du blanc, pour la rendre plus foncée, il faut rajouter les couleurs primaires avec lesquelles vous avez obtenu cette teinte ou acheter une couleur primaire plus foncée. Attention, ne pas utiliser de noir. Ajoutez ensuite plus de détails toujours en fonction de ce que vous voyez. Prenez du recul à chaque étape pour vous assurer que les mailles de votre peinture sont à peu près au bon endroit.

Gardez en tête que l’important n’est pas que le résultat final soit identique au modèle. Comme son nom l’indique, ce n’est qu’une inspiration. Maintenant, puisque c’est à présent votre œuvre, vous pouvez y ajouter ce que vous souhaitez. Une baleine flottant dans le ciel, des cheveux bleus, un bijou, un château… ou rien.

Je ne suis pas élève en art, je n’ai même jamais pris de cours, donc je ne saurais vraiment vous conseiller sur le matériel idéal. Mais d’expérience, il est bon d’avoir au moins quatre pinceaux : un large, rond ou carré pour le fond, un moyen pour les aplats de couleur, un un peu plus fin et un encore plus fin pour les détails précis. Le bout carré est agréable car il peut être utilisé pour des traits de deux tailles différentes. Des brosses bon marché se trouvent facilement, pas besoin de haute qualité, l’important c’est d’en prendre soin, c’est-à-dire les rincer après chaque utilisation et les faire sécher soit à plat, soit debout dans un pot, la tête en haut. Pareil pour la peinture, essayez-en plusieurs pour trouver votre texture préférée. Je recommande d’acheter d’abords les couleurs primaires : bleu, jaune, rouge, noir et beaucoup de blanc.

Pour ce qui est du type de peinture, j’utilise principalement l’acrylique car j’aime les couleurs vives, c’est une des plus simple à utiliser. L’aquarelle est un bon outil pour obtenir des dégradés plus élaborés et divers, la gouache couvre bien et peut être utilisée sur beaucoup de surfaces et la peinture à l’huile donne un côté 3D à votre oeuvre, pour autant que vous soyez patient, car elle sèche très lentement.

 

Peindre avec l’esprit

Peindre quelque chose de réaliste sans modèle visuel, en revanche, est bien plus compliqué et cela requiert de la technique et une certaine connaissance des proportions, un travail en fait très mathématique. Souvent, même les œuvres des plus grands peintres ne sont que des patchworks de références. Si vous souhaitez vous lancer dans le dessin sans modèle, je vous conseille soit de faire fi du réalisme, soit d’acheter un livre de dessin ou de trouver des cours sur internet qui expliquent la logique des proportions. Ou, si vous avez du temps et souhaitez imiter les grands maîtres, observez votre entourage et tentez de trouver ces règles du dessin par vous-même. 

 

L’âme d’artiste, un sixième sens

Je préciserai ici que  tout artiste a des références même non-visuelles, l’imagination ne naît que de l’expérience, de choses déjà vues, de concepts déjà imaginés, juste détachés de leur contexte d’origine et rattachés à un autre. Les activités artistiques font travailler l’imagination et en les pratiquant vous vous rendrez vite compte que personne ne peut faire le travail de Dieu, personne ne peut comme lui, créer à partir du néant. Que ce soit dans la peinture, la littérature ou la musique, les œuvres ne sont que des chimères de la réalité. Les sirènes ne sont qu’un des produits de ce que l’imagination construit à partir d’un humain et d’un poisson. Un pégase naît de cette obsession qu’ont les hommes à ajouter des ailes à tout ce qui bouge. Certains expérimentent et découvrent des couleurs, mais personne n’en invente. Tous les scénarios finissent inévitablement par se répéter dans d’autres oeuvres, tout comme les mélodies. L’imagination repousse les limites de la réalité, certes, mais ne les fait pas disparaître.

Sur cette note je vous pousse donc à explorer la réalité, ainsi, c’est les limites de votre imagination que vous repousserez. 

Marie, what about you?

En ce qui me concerne, je ne peins pour l’instant que des visages à partir de modèles photo. Des visages que je connais bien ou ceux d’inconnus. J’ai essayé, mais peindre autre chose m’ennuie. Si je dois passer une demi-heure ou même plusieurs heures sur une œuvre, je veux ressentir quelque chose en la voyant, je veux que ce qui en ressorte m’appartienne. Et lorsque je peins des visages, même à partir de photos, l’œuvre qui en résulte est toujours une toute autre personne de celle prise pour modèle. Alors que je ne fais que peindre ce que je vois, détail par détail, mes mains n’arrivent jamais à saisir ce qui fait la spécificité de ces visages. Même si elles sont —je suis fière de le dire— proches de leur modèle, mes peintures ne dégagent jamais le même sentiment que celui souhaité. Mais en fin de compte, j’aime ce pouvoir magique qui me réserve toujours de belles surprises.

Je ne vis pas de mes peintures, je ne m’impose donc pas de peindre régulièrement, ce qui ne veut pas dire que je ne prévoit pas mes séances. L’envie de peindre survient généralement sans prévenir ─le modèle n’est choisit qu’une fois devant mon canevas vierge─. Une petite peinture, inférieure aux dimensions d’une feuille A4 peut ne me prendre qu’un quart-d’heure, mais une A3 peut prendre jusqu’à deux heures voire trois. Connaissant mes habitudes, je dois alors me réserver au moins une demi-journée ou une soirée pour peindre, étant donné que je ne reviens jamais sur une toile commencée et que je dois donc finir ma peinture en une fois, ou elle ne sera jamais achevée. Cela implique donc que je ne peins pas sur plusieurs jours. Je ne vous conseille pas d’imiter cette façon de faire, il peut être bon d’étaler une séance de peinture dans le temps, car la vision qu’on a de sa toile peut alors évoluer et la peinture peut en ressortir encore meilleure et plus élaborée. 

Je peins généralement par terre ─ ce qui contredit les conseils donnés plus haut et fait plutôt mal au dos ─, c’est le plus rapide à installer et j’accède plus facilement à mes outils. La lumière naturelle est ma préférée, mais si la peinture s’éternise et que la luminosité diminue, je me contente d’une lampe, quitte à voir mes couleurs changer complètement une fois de retour à la lumière du jour. Peindre est un moment spécial pour moi. Je choisis généralement un fond sonore (musique ou film) et il n’y a plus alors que ma peinture et moi. Toujours les même étapes : le moment stressant face au vide du support vierge, la satisfaction des premiers coups de pinceaux, les contours du visage qui apparaissent, la concentration intense lors des derniers détails et enfin, les dernières ombres appliquées sans réfléchir sous l’oeil ou au bout du nez et la conclusion —si le résultat final me plaît ou pas—. Je vais ensuite fièrement la montrer à mon entourage et la fierté ainsi absorbée, je vais la ranger avec mes autres oeuvres dans un placard. Pour moi, plus que l’oeuvre, le sentiment découlant de ce petit exercice est tout ce qui compte. 

 

Marie-Elisa Biays 

3 juin 2020 0 commentaire
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Romain Mailliu - 13 mois de volontariat en Indonésie

4 solutions miracles pour motiver votre équipe

par Romain Mailliu 29 mai 2020
écrit par Romain Mailliu
LP4Y

 

Comment motiver votre équipe sur le terrain après le confinement ? A l’aide de ce cas d’étude tiré de mon expérience sur le terrain en Indonésie avec l’ONG LP4Y, je vais vous partager 4 solutions aussi miraculeuses qu’efficaces. 

Cet article est une fin alternative à mon précédent papier Another Sunny Day in Jakarta (le 29 avril 2020). 

 

4 solutions miracles pour motiver votre équipe en temps de crise. 27 mai  2020 

“Coach, can I have money to buy Gasoliiiiiiine ?”

 Les jeunes ont cette faculté – sagesse ? – de nous ramener à des problématiques pragmatiques. Ce matin, ils sont cinq à assurer la livraison d’eau potable. Cinq, car c’est le nombre maximum autorisé par le gouvernement. David Allen aurait certainement complété en expliquant qu’un homme efficace en vaut cinq.

 Je rajouterais que cinq hommes non efficaces n’en valent pas beaucoup plus. Si ce matin la motivation des jeunes était un rayon de soleil, le risque d’attraper une insolation serait dérisoire.

Il faut dire qu’à leur âge, dix-huit ans en moyenne, je n’avais pas besoin d’obtenir un travail décent pour nourrir ma famille. Si on ajoute à cela les écoles fermées et la dysphorie générale autour du coronavirus, je comprends pourquoi le lundi matin les chaussures des jeunes poncent le carrelage de la salle de production. Pourtant il n’est pas question de ralentir l’activité.

 Dans le monde professionnel qui les attend, ils ne feront pas office de cas à part :  les attentes seront les mêmes pour tous. Les diplômés de l’université issue des classes sociales aisées comme nos entrepreneurs des quartiers plus modestes. Ils ne seront pas pris en pitié car ils doivent faire deux heures de route dans les transports en commun pour venir travailler. Ni parce qu’ils n’ont qu’une paire de chaussures « professionnelles ». Seules la qualité du travail, la posture et la motivation feront la différence. La route du succès est semée d’embûches. Depuis toujours, nos jeunes entrepreneurs affrontent les difficultés avec un courage, un positivisme et une détermination qui à mes yeux est inexplicable. C’est leur plus grande force et c’est pour cela qu’ils y arriveront. Encore. Toujours. 

 

LP4Y

Setia et Wahab en livraison d’eau potable (28/11/19) – © Romain Mailliu

 

Bref, comment vais-je bien pouvoir motiver mon équipe ? A l’aide de mon expérience internationale en gestion d’équipes distributives agiles pluridisciplinaires en temps de crise, je vais vous partager 4 best practices qui ont fait le succès de ma méthode à travers le monde. 

 

1. Etre à l’écoute 

 

 “Celui qui sait écouter deviendra celui qu’on écoute.”

 Vizir Ptahhotep

 

 L’histoire d’un pays permet de comprendre sa culture. L’histoire d’un jeune nous aide à comprendre son attitude. Comment pouvons-nous résoudre les problématiques de nos équipes si nous n’échangeons pas avec elles ? Nos jeunes, il s’avère que très peu de monde s’intéresse à eux. C’est d’ailleurs ce qu’on appelle l’exclusion : ne pas exister aux yeux des autres. Ecouter nos jeunes c’est primordial. Il faut que l’écoute soit active. Pour cela, la volonté d’apprendre est indispensable. Les bonnes paroles sont celles qui se transforment en enseignement et les jeunes ont beaucoup à nous apprendre. 

 Lorsque nous devons faire face à une problématique, les informations sont rarement structurées. Un sujet est mis sur la table, quelqu’un n’est pas d’accord, il s’exprime sur un nouveau sujet, ce qui entraîne de nouvelles réactions, et quand on revient finalement au sujet d’origine, beaucoup de choses ont été dites. Quand on a récolté les informations qui sont les fruits de l’écoute, il faut ensuite les analyser. Analyser, c’est décomposer un tout en ses éléments constituants et en établir les relations. 

 Dans un défi complexe – comme motiver une équipe –  il y a rarement des évidences, il a quelquefois des incertitudes, il y a toujours des compromis. C’est en analysant et en écoutant qu’on se donne les chances de réaliser les bons compromis. Ecouter, c’est prendre le temps de préparer un cadre pour recentrer le débat.  On peut ensuite prendre la parole et être écouté.

Mais parfois, l’analyse logique, mathématique et scientifique ne suffisent pas. Bien que l’on dispose d’une multitude de données, aucune solution ou tendance ne semble vouloir se profiler. Il semble manquer en élément dans cette équation complexe qui nous permet de résoudre des problèmes, d’autant plus que ceux-ci concernent le management. Cet élément, c’est l’empathie.

 

2. faire preuve d’empathie et de bon sens

 

«Toute prédiction est un ressenti du futur, par empathie du présent de son passé.»

Serge Zeller

 

L’empathie est une simulation mentale de la subjectivité d’autrui. C’est la capacité de s’identifier à l’autre dans ce qu’il ressent. Celle-ci permet d’anticiper – plus ou moins –  les réactions humaines, et s’avère donc un outil utile quand il s’agit de motiver une équipe. 

 L’empathie permet aussi de faciliter les échanges. En management, les présentations sont omniprésentes. Training, ateliers, briefing : la façon d’annoncer les choses à une importance capitale. Faire preuve d’empathie permet d’adapter son discours à la situation et d’avoir « le mot juste ».

 Il m’est arrivé pendant ma mission de coach – qui n’est d’ailleurs pas terminée – de faire face à des retournements de situations inattendues. L’empathie a permis d’accompagner les jeunes, et de contrôler leurs réactions, qui aurait pu être négative si nous avions exposé les faits sans écoute et sans empathie.

 L’empathie permet l’offensive à travers un bon sens critique. En temps que coach – et également dans la vie – il faut toujours garder un bon sens critique. Il ne faut pas faire l’erreur d’accepter les évidences de premier abord. Le bon sens c’est prendre du recul et examiner un sujet dans sa globalité. L’empathie associée à l’analyse et à l’écoute permet en quelque sorte une EXTREME lucidité. 

 

3. Intégrer et responsabiliser chaque membre de l’équipe au projet

 

“Parce que c’est notre projet !”  

Emmanuel Macron

 

Catalyseurs, et tout particulièrement coaches, nous ne sommes pas des petits chefs d’entreprises tyranniques amoureux des résultats net exponentiels et du pouvoir jouissif d’une équipe qui nous obéit, des étoiles dans les yeux. Si vous voulez mon sentiment, un bon coach doit pouvoir disparaître sans que son équipe et l’activité qu’elle dirige ne subissent une quelconque perturbation. Nous sommes des oiseaux de passage. La motivation des jeunes ne doit surtout pas dépendre exclusivement de nous. Pour cela, il est de notre devoir de leur faire comprendre l’importance d’être l’acteur principal dans le film de leur propre vie. 

Pour prendre part à un projet et s’identifier à son objectif, il faut y être intégré dans l’idéal de sa conception à sa réalisation. Il faut pouvoir s’assimiler à lui. Alors sur le court terme cela prend plus de temps. Pour vous donner un exemple pragmatique – ce qui n’est pas ma spécialité vous l’aurez remarqué – nous devons acheter avec mon équipe en Indonésie une nouvelle moto avec un chariot à l’arrière pour effectuer nos livraisons. Je pourrai faire un rapide benchmark sur internet, présenter mes résultats au département finance de LP4Y et acheter cette moto avant la fin de la semaine. Les jeunes la verront un matin dans l’entrée, comme un cadeau de LP4Y. “Thank You Coach !” Cela serait rapide mais n’aurait aucune valeur ajoutée dans la formation de nos jeunes.  

Pour chaque projet, j’essaie de partir de la racine du problème afin de challenger les jeunes pour qu’ils trouvent ensemble des solutions. Dans mon histoire de moto, la partie financière fut particulièrement intéressante car notre atelier a permis de dégager des solutions que je n’avais pas imaginé. “Comment allons-nous faire pour acheter une nouvelle moto ? Nous allons vendre plus de gallons ! Comment ? En trouvant plus de clients ! Comment ? En travaillant avec des entreprises ! Comment ? En leurs vendant des grandes quantités de  gallons ! Comment ? Avec la nouvelle moto qui permet de livrer une dizaine de  gallons en même temps !” VICTOIRE ! La moto est devenue un vrai besoin qui s’intègre dans un projet défi par les jeunes. 

 

4. La rigueur

 

«La rigueur vient toujours à bout de l’obstacle.»

Léonard de Vinci

 

On peut vous reprocher de ne pas savoir quelque chose, on ne peut pas vous reprocher de manquer de rigueur. La rigueur est primordiale quand prend en main n’importe quel défi. Lorsque l’on doit motiver une équipe, et que l’on ne connaît pas encore tous les pourquoi-du-comment, la seule carte en main pour montrer sa crédibilité est la rigueur. Etre rigoureux, c’est être exact, logique et inflexible. C’est cette rigueur qui permettra ensuite de comprendre les problématiques des jeunes, leurs contraintes et pourquoi la motivation n’est pas au rendez-vous ce matin. 

La rigueur impacte la forme, le fond, s’applique à toutes choses . c’est la clé pour concilier efficacité, efficience et fiabilité !  

 

La journée se termine et 43 gallons d’eau potable ont été livré dans le bidonville. Les jeunes sont fiers : ils partagent le sentiment du devoir accompli. Ils me demandent de prendre une photo, petit rituel que nous avons établi pour élire la meilleure équipe du jour qui est toujours la même : Celle que forment tous les jeunes réunis ! 

 

LP4Y

La meilleure équipe du jour (Depol, Taufan, Bila, Jeremia) – © Romain Mailliu

 

Photo de couverture : Dani et Angel  on delivery (28/11/19)  – © Romain Mailliu

29 mai 2020 1 commentaire
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ArtMarine

L’ABUS DE LECTURE PEUT-IL ÊTRE DANGEREUX POUR LA SANTÉ ?

par Marine 25 mai 2020
écrit par Marine

 

« En somme, le public est composé de groupes nombreux qui nous crient :

— Consolez-moi.

— Amusez-moi.

— Attristez-moi.

— Faites-moi rêver.

— Faites-moi rire.

— Faites-moi frémir.

— Faites-moi pleurer.

— Faites-moi penser.

Seuls, quelques esprits d’élite demandent à l’artiste :

Faites-moi quelque chose de beau, dans la forme qui conviendra le mieux, suivant votre tempérament. »

Guy de Maupassant, Préface de Pierre et Jean : « Le roman », 1887.

 

Quand ‘’lecture’’ rime avec ‘’culture’’

 La question peut paraître saugrenue. Qui imaginerait que la lecture puisse ne pas être source de bienfaits à l’heure où l’on clame sur les réseaux sociaux que « lire des livres délivre » et que la bibliothérapie fait son apparition sur le marché du bien-être ?

« Lire des livres délivre », je ne le conteste pas et même : je le revendique. Des centaines voire des milliers d’études et de témoignages viennent nous redire l’importance de la lecture quant à la construction de soi : développement de l’empathie et de l’imagination, stimulation du cortex neuronal, intensification de la plasticité cérébrale, entretien de la mémoire et, bien sûr, assimilation d’éléments culturels.

 

Pieter Steenwijck, Ars longa, vitta brevis (Vanité), entre 1633 et 1656, huile, 74.5x96.5 cm Crédit photo © Wikimedia Commons

Pieter Steenwijck, Ars longa, vitta brevis (Vanité), entre 1633 et 1656, huile, 74.5×96.5 cm
Crédit photo © Wikimedia Commons

 

Ah… la lecture — et donc : le savoir — comme moyen de briller en société ! Vieux mythe ? Pas tout à fait… Et même : vérifié et approuvé.  Que cet argument en faveur de la lecture soit ou non celui qui pousse à parcourir les reliures, il est évident que plus nous consultons de livres, plus le volume et la circonférence de notre ‘‘cercle de culture’’ s’accroissent, et plus la probabilité que nous avons de passer pour quelqu’un d’intelligent et d’intéressant augmente. Grâce à la culture — longtemps présentée comme l’une des plus puissantes armes civilisationnelle — et à la fréquentation régulière de personnages de romans nous initiant à d’autres vies qui peuvent faire écho à la nôtre, il est communément admis que le lecteur devrait avoir un certain nombre de clés en main pour avancer dans l’existence.

Le déclic est-il pour autant automatique ? Et si nos modes de lectures ou le rapport que l’on entretient avec les œuvres pouvait nous jouer des tours ?

 

« Prends garde à toi ! »

 Une fois encore, la question est curieuse. Je la pose — je nous la pose — au regard d’une conversation que j’eus avec un homme féru de littérature. Il avait mis à profit la génération d’avance qu’il avait sur moi pour lire nombre d’ouvrages. Nous prenions plaisir à échanger sur nos lectures respectives et il lui arrivait de me conseiller vivement tout aussi bien un classique qu’un auteur insoupçonné. Il discourait avec passion à leur sujet quand, quelques instants plus tard, son regard pouvait se perdre dans la brume de lointains inconnus.

Un jour que nous étions seuls, il m’avoua en substance ceci : « Tu sais, la lecture, ça peut devenir une véritable addiction ». Je le regardais, incertaine. Il reprit en me disant que, parfois, à défaut de vider cannettes ou bouteilles, on pouvait se saouler de mots. Manifestement, lorsqu’il ouvrait un livre, il semblait être tantôt dans une dynamique de recherche, espérant trouver une réponse à ses maux, tantôt tenté par la fuite du réel — nous reviendrons plus tard sur ce point.

Je le redis : je ne saurais m’opposer à l’aspect salvifique que peut revêtir la lecture. Y aurait-il cependant des conditions de lecture plus fructueuses que d’autres ?

 

L’algorithme de la tarte Tatin

La confidence de cet homme nous amène à nous pencher sur nos propres présupposés de lecteurs. Au fond, pourquoi lit-on ? D’où vient ce besoin ? Cherchons-nous nous aussi des réponses à des questionnements peu ou prou enfouis ? La solution pourrait-elle finalement consister en un retournement de perspectives ?

 

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Crédit photo © Pixabay

 

Loïc Corbery, comédien sociétaire de la Comédie Française, intervenait le 3 avril dans le cadre des programmations éphémères ‘’spécial confinement’’ proposés sur la chaîne YouTube de la troupe. Alors qu’il achevait de commenter un passage d’On ne badine pas avec l’amour, il conseillait tout spontanément aux spectateurs de lire moins pour chercher des réponses que pour se nourrir des questions que les œuvres nous font nous poser. Le questionnement, clé de lecture ?

 

« Quoiqu’il [Govinda] eût vécu toute sa vie dans l’observation de la règle et, en raison de son âge avancé et de sa modestie, qu’il jouît auprès des moines plus jeunes que lui d’une haute considération, l’inquiétude et le besoin de chercher hantaient toujours son âme. (…) “Que pourrais-je te dire, ô Vénérable ; … que peut-être tu cherches trop ? Que c’est à force de chercher que tu ne trouves pas ?

(…)

Quand on cherche, reprit Siddhartha, il arrive facilement que nous yeux ne voient que l’objet de nos recherches; on ne trouve rien parce qu’ils sont inaccessibles à autre chose, parce qu’on ne songe toujours qu’à cet objet, parce qu’on s’est fixé un but à atteindre et qu’on est entièrement possédé par ce but. Qui dit chercher dit avoir un but. Mais trouver, c’est être libre, c’est être ouvert à tout, c’est n’avoir aucun but déterminé. Toi, Vénérable, tu es peut-être en effet un chercheur; mais le but que tu as devant les yeux et que tu essayes d’atteindre, t’empêche justement de voir ce qui est tout proche de toi.’’ »

Hermann Hesse, Siddhartha, Grasset, coll. « Le livre de poche », Paris, 1995, p. 201-203.

 

À bien y regarder, les plus grands chercheurs — et donc : les meilleurs trouveurs aussi appelés ‘’inventeurs’’ — de tous horizons ne sont pas ceux qui s’évertuent à élaborer les réponses les plus sophistiquées mais ceux qui concentrent en premier lieu leur énergie à poser les bonnes questions.

 

 « Einstein nous explique ce qui a fait le génie de ses recherches. C’est la mise en question plus que la mise en réponse. »

Frédéric Falisse « La questiologie ou l’art de poser les bonnes questions: Frederic Falisse at TEDxPantheonSorbonne », TEDx Talks, 4’27’’

 

« Si vous posez une bonne problématique nous votre développement, recommande-on à l’université, soyez assuré d’avoir d’emblée la faveur de votre correcteur. »

 

La tête dans les nuages… et les pieds sur Terre

 « Pour autant, poursuivent les professeurs, tâchez de faire en sorte que votre développement soit à la hauteur de votre problématique. » Si l’on file la métaphore de la composition universitaire, nous avons : un texte donné (le livre) ; une problématique à établir (les questions qui viennent au fil de la lecture) ; un développement à apporter à la suite de cette problématique. Nous pourrions faire le parallèle suivant. Cette exhortation à fournir un développement d’une qualité au moins aussi élevée que celle du questionnement sonne comme une invitation au réel. Ne pas s’en tenir seulement l’ouvrage — celui que l’on doit commenter pour son professeur ou celui que l’on butine sur un transat au mois de juillet — et aux questionnements qu’il fait germer et tourner dans notre tête. Au contraire d’une fuite à travers d’autres vies et possibles rêvées : en investir le réel.

Comme si nous étions, en toile de fond de ces flâneries, sans cesse invités à rejoindre le casting d’un film de capes et d’épées dans lequel notre regard escrimerait contre les mots. Nous lancerions au texte que l’on tiendrait entre nos mains un martial « Réponds, te dis-je ! ». Suite à un nombre de passes au moins aussi abondantes que la pagination du volume, ce dernier finirait par nous désarmer et nous renvoyer la sommation : « Réponds, te dis-je ! ». Dans Quand dire, c’est faire, le philosophe John Austin expose sa théorie du langage performatif : l’énonciation, pourvu qu’elle soit prononcée « dans les circonstances appropriées », devient acte. « Parle ! » Notre réponse est bien plus qu’une suite de lettres : elle est un abracadabra (1) indispensable à la confection de la clé délivrant « tous les dragons de notre vie » qui « sont peut-être des princesses qui attendent de nous voir beaux et courageux » (2).

 

Crédit photo © Pixabay

 

Qu’est-ce qui pousse les auteurs à écrire — à nous faire parler — en dehors de la nécessité de gagner leur vie ? Il me plait à penser qu’il ne s’agit pas pour la plupart d’un simple exercice de style mais que cette volonté procède du désir de nous donner du grain à moudre pour que nous puissions pétrir notre vie. Pétrir — de la façon la plus fondamentale et physique qui soit. Ainsi, parvenir à inscrire pleinement notre existence dans le monde.

 

« Efforcez-vous d’aimer vos questions elles-mêmes (…). Peut-être, simplement en les vivant, finirez-vous par entrer insensiblement, un jour, dans les réponses. »

Rainer-Maria Rilke, Lettres à un jeune poète, Grasset, coll. “Les Cahiers Rouges”, 2018, p. 43

 

Marine

 

(1) Formule magique ancienne qui pourrait faire référence à la création par la parole. Voir l’article “Abracadabra” sur Wikipedia.

(2) Rainer-Maria Rilke, Lettres à un jeune poète, Grasset, coll. “Les Cahiers Rouges”, 2018, p. 80

25 mai 2020 1 commentaire
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ArtBaudouin Duchange - Chroniques

L’aventure de la boustifaille #1 – Culture Vs Purée

par Baudouin Duchange 16 mai 2020
écrit par Baudouin Duchange
Description : Se perdre dans la purée.



Je vous arrête dès maintenant : oui, la purée de pommes de terre est un sujet dont on peut discuter. Ce n’est pas une question de société taboue. Ni être indélicat que de débattre sur sa qualité. Certains me diront avec raison “C’est politiquement tendu, tu auras des comptes à rendre”. Mais BSFmagazine, c’est l’aventure ! La digression ! La digestion des idées mise en couvert par une réflexion intraitable ! Je traiterai donc de la purée de pommes de terre, n’en déplaise aux plus bornés. 

D’autant plus que c’est ce féculent que j’ai choisi pour m’occuper, en perspective, du sujet de la culture. Pour vous la faire simple : purée maison ou purée Mousline ? Culture élitiste ou kulture Kardashian ? Éternel débat qui trouve probablement sa réponse dans un juste dosage.

 

Description : La meilleure amie des français vient à l’origine du Pérou. Ses anciens habitants, les Incas, l’appelaient “papa” <3 

Description : La meilleure amie des français vient à l’origine du Pérou. Ses anciens habitants, les Incas, l’appelaient “papa” <3

 

Patate trop cuite (ou pourquoi il ne faut pas rendre la culture trop élitiste)

“La bourgeoisie a transformé l’art en culture” critique Pascal Jardin dans La bête à bon Dieu. Cette idée d’une culture institutionnalisée est souvent déglacée dans les discussions mondaines. En la rendant intouchable, en la laissant reposer quelques années dans la poussière intellectuelle, en la plaçant sur un piédestal qu’elle ne mérite pas toujours, le “bourgeois” rend la culture insaisissable. Laurence w. Levine ajouterait probablement : insaisissable pour la “culture d’en bas”. Pour ces deux auteurs, la culture “d’en haut” représente, inconsciemment ou non, un complot créé par l’élite pour conserver la mainmise sur les centres de pouvoir.

Je comprends ces analyses, mais ne les aime pas. Pour mon palais simple d’amateur de purée de pommes de terre, je les trouve trop politisées, trop sociologiques, trop souvent répétées. Comme une sauce industrielle aux arômes chimiques prononcés, ces réflexions masquent l’essentiel : la culture a rendu l’art chiant. Ni plus, ni moins. 

Le danger de momifier l’art via la culture, c’est d’arrêter de le remettre en question, et donc de cesser “d’insérer dans le monde d’aujourd’hui ce qui sera le monde demain” pour reprendre les mots d’Ormesson issus d’ Au revoir et merci. C’est d’ailleurs ce qui inquiète certains spécialistes de l’histoire de l’art qui observent, depuis les année 2010, la fin d’une ère de “transgression permanente” entamée dans les années 70. Symboliquement, celle-ci s’arrête brutalement avec les attentats de Charlie Hebdo. De manière plus diffuse, on remarque que la censure vient désormais des milieux progressistes via des opérations d’intimidation (à lire ici : entretien avec Thomas Schlesser ; le 1 hebdo du 4 mars 2020). La censure se cache toujours derrière un masque d’intérêt général ou pour une cause juste. Un masque est fait pour être enlevé, et pour être brûlé. J’ai beaucoup cité Huysmans dans mon article sur la mort de la peinture. Je me permets de nouveau d’emprunter ses mots : “Ah ! C’est que Dieu merci, nous commençons à désapprendre le respect des gloires convenues”. Continuons à désapprendre en permanence ! 

Désapprendre c’est essayer de nouvelles choses. Par exemple, préparer une purée Mousline par habitude, et puis, un jour, tenter la purée maison.

 

 

Description : Se perdre dans la purée.

Description : Se perdre dans la purée.

 

Patate pas assez cuite  (ou pourquoi la culture ne doit pas s’abaisser au niveau d’une purée Mousline)

Le passage du kitch dans L’Insoutenable Légèreté de l’être de Kundera m’a coupé la faim. Vraiment incroyable. Je vous le dis car c’est l’auteur que nous allons savourer pour accepter que la culture ne peut pas ressembler à Konbini, et qu’une Mousline ne peut pas être considérée comme une purée.

Définition du concept du kitsch par Kundera lui même lors d’une remise de prix : “le mot kitsch désigne l’attitude de celui qui veut plaire à tout prix et au plus grand nombre. Pour plaire, il faut confirmer ce que tout le monde veut entendre, être au service des idées reçues. Le kitsch, c’est la traduction de la bêtise des idées reçues dans le langage de la beauté et de l’émotion… Vu la nécessité impérative de plaire et de gagner ainsi l’attention du plus grand nombre, l’esthétique des mass media est inévitablement celle du kitsch, et au fur et à mesure que les mass media embrassent et infiltrent toute notre vie, le kitsch devient notre esthétique et notre morale quotidienne.”

Pour nous, kitsch = purée Mousline. 

Le kitsch, c’est exactement ce qu’utilise comme modèle économique une entreprise comme Konbini, et maintenant tous les autres médias sur les réseaux. Comment ? En partageant des contenus qui créent, chez les “clients”, un sentiment d’intégration à une communauté grâce à des références communes. Vegan ou carniste ? Ville ou campagne ? Tout le monde est au moins un des deux. En obligeant à se positionner autours d’un sujet “culturel” simple, Konbini crée en plus une forme de morale nauséabonde fondée sur une émotion (“il faut être un monstre pour tuer un bébé mouton” / “les vegans sont des hippies dégénérés”). La conséquence : la création d’une dictature de l’émotion qui impose un point de vue, une morale. Mais ne vous trompez pas, il n’y a pas de complot pour imposer une vision du monde. Il y a seulement l’argent. Car c’est en appliquant le kitsch que Konbini se crée de la visibilité = meilleure monétisation de la pub = plus d’argent. Eh merce la culture !

Jusqu’à un certain point, c’est aussi la manière dont fonctionnaient, par exemple, la propagande des régimes nazis et communistes. Etape 1 : vendre du bonheur en conserve en imposant des références communes et en rassurant grâce à des valeurs fortes. Etape 2 : La morale d’Etat devient la norme, elle est imposée par une propagande. Etape 3 : Tous ceux ne respectant pas cette morale sont des parias. L’objectif, cette fois, n’est pas de gagner de l’argent mais d’imposer une idéologie pour soumettre un peuple. Eh merce la culture !! 

“La fraternité de tous les Hommes ne pourra être fondée sur le kitsch” ajoute Kundera, toujours dans son roman le plus célèbre. Elle ne pourra pas non plus être fondée sur une purée Mousline. 

 

 Une honnête travailleuse soviétique qui promet une récolte de 18 à 20 tonnes de patates par hectare

Une honnête travailleuse soviétique qui promet une récolte de 18 à 20 tonnes de patates par hectare


Conclusion  

J’ai conscience que mes propos peuvent choquer. On ne s’attaque pas impunément à la purée Mousline qui est, pour beaucoup d’entre nous, un souvenir d’enfance joyeux et facétieux.

Purée ou culture, impossible de rester impartial face à ces questions. D’autant plus que, comme le rappel la Reine Elizabeth dans The Crown, “être impartial n’est pas naturel, n’est pas humain”. Elle en sait bien plus que nous, donc restons-en là sur ce sujet ! 

En revanche, je peux vous donner ma recette de purée de pommes de terre maison. Je la trouve parfaite et je la cuisine souvent. L’essentiel est d’avoir un bon fouet, par exemple un électrique, c’est le plus pratique pour atteindre une texture onctueuse.

  • 1 kilo de pommes de terre spéciales purée à cuire dans 400 grammes de lait (poivre et sel à convenance, je n’en mets pas personnellement). 
  • Après 25 minutes de cuisson, mettre une dose généreuse de beurre (au moins 50 grammes pour ma part) et 30 grammes de parmesan. Battre le tout avec un fouet. Ne pas mettre à réchauffer au four, la purée risque de perdre sa texture onctueuse.
  • Une fois la purée ayant une bonne consistance, la manger ! Par exemple, avec du boudin noir cuit au four, ou encore des bonnes côtelettes d’agneaux cuisinés à l’ail.

Et toi ami lecteur, as-tu une recette de purée maison à partager ? Ou bien un avis différent sur la culture ? N’hésites pas à mettre un message en commentaire ou sur les réseaux sociaux ! C’est toujours un plaisir d’échanger !

 

16 mai 2020 0 commentaire
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ActualitéCarnet de voyageRomain Mailliu - 13 mois de volontariat en Indonésie

Le jeûne éternel

par Romain Mailliu 13 mai 2020
écrit par Romain Mailliu
Enfant dans les rues de Kampung Sawah (mars 2020) - © Romain Mailliu

 

À Kampung Sawah, le danger numéro un n’a pas changé et il est partagé par bonne partie de l’humanité. Le coronavirus ? Non. La baisse de l’immobilier ? Non. Un tweet borderline d’Elon Musk qui ferait chuter l’indice Tesla ? Non plus. C’est de ne rien avoir pour remplir son assiette.

La crise sanitaire mondiale menace Kampung Sawah, le bidonville indonésien de Romain. Suivez avec son carnet de bord l’impact du Coronavirus dans les quartiers les plus pauvres. [Chapitre 4]

 

Le jeûne éternel. Le 4 mai 2020

 Des enfants rient dans les rues. Le soleil se couche sur Kampung Sawah, bidonville du nord de Jakarta, situé entre une zone de dépôt de conteneurs et une pseudo-autoroute. Un bidonville est un quartier qui n’existe pas. Aucun des vingt mille habitants n’y a un quelconque droit de propriété. Ils se sont attribués cette espace, car il faut bien habiter quelque part. C’est une zone inondable, alors il arrive parfois que les nuits soient tristes et courtes. Mais le soleil finit toujours par sécher les larmes. Avec le temps, maintenant quarante ans, Kampung Sawah s’est fait un nom, et on a tracé ses frontières sur les cartes.

 Le pak RW, une bâtisse en béton situé dans l’angle du carrefour principal, fait office de mairie. C’est l’œil du gouvernement qui observe et documente les évolutions de cette ville qu’il faudra déconstruire un jour. Il y a déjà trois ans, quelques habitants, prophètes de l’apocalypse, criaient à qui voulait l’entendre qu’une avenue viendrait remplacer ce quartier marginal. Aujourd’hui, les fondations d’un pont se dessinent à l’horizon. Il doit relier le dépôt à l’autoroute. Le temps donne toujours raison aux prophètes. 

 

Kampung Sawah

Les conteneurs qui bordent Kampung Sawah (Avril 2020)  – © Romain Mailliu

 

Dans ce lieu coupé du monde, le coronavirus n’existe pas. C’est une légende qu’on voit passer sur les réseaux sociaux, comme les footballeurs qui collectionnent les voitures de sport ou les actrices qui défilent avec de luxueuses robes sur des tapis rouges. Pourtant, l’Indonésie est touchée – moins que nos pays occidentaux ce que je n’explique pas – et au 4 mai 2020, 12 071 cas ont été confirmés pour 872 décès. La population indonésienne réunit 267,7 millions d’habitants. Alors dans une économie au ralentie qui licencie à tour de bras sans compensation, le risque de mourir de faim est supérieur à celui d’attraper un Covid-19 virulent. 

À Kampung Sawah, le danger numéro un n’a pas changé et il est partagé par bonne partie de l’humanité. Le coronavirus ? Non. La baisse de l’immobilier ? Non. Un tweet borderline d’Elon Musk qui ferait chuter l’indice Tesla ? Non plus. C’est de ne rien avoir pour remplir son assiette. La famine. Catastrophe fatidique quand on ne gagne ou qu’on ne produit pas assez pour se nourrir. La bonne fortune n’est pas contagieuse.

L’Indonésie a fait le choix de ne pas mettre en place de quarantaine et cela a sans aucun doute limité la famine dans les quartiers les plus pauvres. Il n’y a pas de bonne pensée manichéenne.

 Alors je constate que porter un masque, rester chez soi, respecter les distances barrières, sont des comportements dérisoires pour les habitants de notre village clandestin. Pourtant, les campagnes de sensibilisation font rage et sur tous les supports. A-t-on trouvé une fin utile à l’utilisation des réseaux sociaux ? Peut-être, si nous mettons de côté les fakes news, toujours plus nombreuses, qui viennent noircir un tableau déjà ténébreux. 

Dans les ruelles, des « Corona » raisonnent, prononcées rapidement, dans un souffle, comme on dirait une vulgarité. Puis ce mot international, synonyme de danger, qui a le pouvoir d’unir les nations comme de les cloisonner, est toujours suivi d’un éclat de rire.  

 

Petite fille résidante à Kampung Sawah (Avril 2020)  - © Romain Mailliu

Petite fille résidante à Kampung Sawah (Avril 2020)  – © Romain Mailliu

 

Et le pouvoir législatif dans tout cela ? Respecter les règles sanitaires, c’est se donner les chances de maîtriser le virus rapidement, pour relancer l’économie, pour relancer la politique, pour la SURVIE de la nation ! Il me semble qu’un amendement a été mis en place obligeant le port du masque dans les rues mais, à Kampung Sawah, il y a plus de fantômes que d’agents en képi pour faire respecter les lois. Peut-être que la police souhaite éviter la situation embarrassante de verbaliser une mère qui n’a déjà pas assez d’argent pour nourrir ses enfants…

À quoi bon parler de SURVIE à des familles qui, depuis toujours, n’ont d’autre combat que de trouver de la nourriture et un toit pour vivre un jour de plus.

 Des enfants rient dans les rues. Le soleil se couche sur Kampung Sawah, bidonville du nord de Jakarta, situé entre une zone de dépôt de conteneurs et une pseudo-autoroute. Le ramadan y a débuté depuis plus d’une semaine et les inondations ont laissé place à une chaleur ardente et sèche. L’appel à la prière se prolonge nuit et jour, solennellement, comme les loups hurlent à la lune, comme les baleines chantent aux abîmes. Depuis mon arrivée il y a huit mois dans cette communauté exclue du monde – ou plutôt exclue d’un monde – je n’ai jamais vu autant d’enfants jouer ensembles. Les mosquées sont pleines et les sourires, qu’aucun masque ne vient effacer, se dessinent sur tous les visages. Les festins nocturnes perdurent et bien que le riz prenne de plus en plus de place dans l’assiette, les familles se réunissent pour célébrer ensemble la fin du jeûne.

 

L’amour d’une famille, le centre autour duquel tout gravite et tout brille.

Victor Hugo  ; Les chants du crépuscule, A mademoiselle Louise B. (1834).

 

Enfants dans les rues de Kampung Sawah (mars 2020)  - © Romain Mailliu

Enfants dans les rues de Kampung Sawah (mars 2020) – © Romain Mailliu

 

Découvrir le chapitre précédent : Another Sunny Day in Jakarta →

Photo de couverture : Enfant dans les rues de Kampung Sawah (mars 2020)  – © Romain Mailliu

13 mai 2020 1 commentaire
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ActualitéTibovski - Dessin de la quinzaine

Palestine revêt sa robe d’allégresse

par Tibovski 6 mai 2020
écrit par Tibovski
Palestine

 

Dernier dessin de confinement. 

Comme je le mentionnais dans mon précédent billet, il y aurait beaucoup à dire sur la crise actuelle. Ce sera pour une prochaine fois. Aujourd’hui, je me contenterai de partager une information qui a de l’importance à mes yeux. 

Fatou Bensouda, la procureure de la Cour Pénale Internationale (CPI) a remis ce 30 avril un rapport soutenant l’ouverture d’une enquête concernant des “crimes de guerre” israéliens. La Palestine pourrait donc, après confirmation d’une chambre préliminaire, poursuivre Israël à la fois pour “crime de guerre” et pour “crime contre l’humanité”. La CPI avait été saisie en 2015 et c’est seulement en décembre que celle-ci avait annoncé son intention d’ouvrir une enquête. Cette enquête pourrait donc reconnaître la culpabilité de Tsahal (armée israélienne) durant la guerre de Gaza en 2014. Mais ce dossier a une portée plus large sur la question palestinienne. 

 

Disproportion

La complexité des rapports israélo-arabes a tendance à gommer la disproportion entre les forces israéliennes et palestiniennes. Comme si cette complexité rendait impossible de se positionner parmi les deux camps sans compromettre la paix. Il est évident que des tensions aussi anciennes et diverses sont ardues à résoudre. Il est également évident que c’est en direction de la paix que ces résolutions doivent être menées. Seulement tout cela doit être entendu sans pour autant présumer que les deux belligérants sont égaux dans cette affaire. Rappelons que la Palestine se bat encore pour être reconnue comme un État, que certains de ses territoires sont sous contrôle israélien et que les conditions d’existence y sont accablantes. On ne peut décemment pas promouvoir la résolution d’un conflit sans comprendre qu’elle n’a pas la même signification pour les deux États. Même s’il serait malvenu de le comparer à David contre Goliath, les intifadas se sont pourtant faites avec des lance-pierre. Les forces sont inégales. Parler de Paix dans ce conflit doit concerner, dans un premier temps, la subsistance d’un peuple palestinien qui étouffe. 

 

Négociations

L’intervention de la CPI dépasse donc la seule affaire de 2014 et offre à une Palestine désarmée un nouveau levier. Bien que seul, dans la région, Israël bénéficie d’importants soutiens diplomatiques. Ses excellentes relations avec les États-Unis lui assurent une position diplomatique et militaire puissante au Moyen-Orient et dans le Monde. Ce n’est évidemment pas le cas de la Palestine, qui, même en ayant le soutien de certains pays arabes, peine à accéder à un statut officiel auprès des différents organismes de gouvernances internationales. Le Conseil de sécurité de l’ONU lui avait refusé le statut d’État membre en 2011 et lui a finalement accordé en 2012 le statut d’État observateur non-membre. C’est seulement en 2015 que la Palestine a eu le droit de dresser son drapeau au siège de l’ONU malgré la désapprobation marquée des États-Unis. L’adhésion de la Palestine à la CPI lui octroie donc une reconnaissance officielle de l’organisme. Diplomatiquement, le travail de la CPI est donc majeur pour les négociations. Cela signerait également l’intervention d’une institution externe et neutre sur la question palestinienne. Cela va sans dire que cette interposition n’est pas du goût des autorités israéliennes qui y voient une ingérence malvenue. Israël n’est pas signataire du Statut de Rome à l’origine de la Cour Pénale Internationale. Mais comme je l’ai déjà précisé les rapports entre Israël et la Palestine ne sont pas équilibrés, il n’y a donc rien de malheureux à ce qu’un organisme indépendant s’y immisce. Il n’y a rien d’étrange non plus à ce qu’Israël y soit défavorable. 

 

Identité

Pour conclure, je dirais que le climat de la région a construit des positions politiques belliqueuses dans les deux camps. Or on pourrait entrevoir, dans cette affaire, l’espoir d’une évolution. Actuellement, le premier ministre conservateur Benjamin Netanyahou (a.k.a “Bibi”) peine à constituer un gouvernement israélien. Le pays a déjà connu trois élections depuis mars 2019 en raison de ces instabilités. Enfin, il y aussi le fait que Bibi soit dans l’attente d’un procès pour fraude et corruption. Si les élections législatives montrent que le conservatisme hégémoniste est encore fort en Israël, la crise politique actuelle pourrait marquer un tournant en mettant fin à plus de 10 ans de mandat pour Netanyahou. Ces décennies d’ultra-conservatisme israélien ont renforcé les courants nationalistes et militaristes en Palestine. C’est le cas du Hamas. Mais au risque de me répéter, ces courants politiques factieux ont évolué en Palestine pour des raisons différentes qu’en Israël. Elles sont une réponse à la crise humanitaire et à la menace constante. Le terrorisme et le nationalisme sont ici des voies politiques de survie. L’identité de ce peuple est une identité broyée définie au travers d’une longue et douloureuse oppression. Porter ses causes devant la Cour Pénale Internationale ouvre un nouveau canal pour mener les combats. Espérons que si cette voie prospère, les négociations se dérouleront sans feu ni sang. Mahmoud Darwich, un des plus grands poètes palestiniens, résumait l’identité de son peuple mieux que moi : 

 

Celui qui m’a changé en exilé m’a changé en bombe… Palestine est devenue mille corps mouvants sillonnant les rues du monde, chantant le chant de la mort, car le nouveau Christ, descendu de sa croix, porta bâton et sortit de Palestine”  

 

À la prochaine quinzaine !

 

Sources :

  • https://www.humanite.fr/historique-la-palestine-autorisee-poursuivre-israel-pour-crimes-de-guerre-et-crimes-contre-lhumanite?fbclid=IwAR3S7pnZnCFNgExkEWfCN0NQ6yxHrQaqoiOaccQO7ttxwOUaZ0idvwRWUFI 
  • https://www.lemonde.fr/international/article/2019/12/20/la-cpi-veut-enqueter-sur-d-eventuels-crimes-de-guerre-dans-les-territoires-palestiniens_6023652_3210.html
  • https://www.ouest-france.fr/monde/israel/israel-l-accord-de-gouvernement-entre-netanyahu-et-gantz-entre-les-mains-de-la-cour-supreme-6824969
  • https://www.haaretz.com/israel-news/elections/.premium-likud-and-kahol-lavan-shorten-freeze-on-appointments-after-high-court-hearing-1.8822047
  • https://edition.cnn.com/2015/09/30/world/united-nations-palestinian-flag/index.html
  • https://www.haaretz.com/israel-news/.premium-netanyahu-s-real-target-this-week-isn-t-the-high-court-but-it-is-a-judge-1.8822361

Photo de couverture par l’auteur Tibovski 

6 mai 2020 0 commentaire
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ActualitéCarnet de voyageRomain Mailliu - 13 mois de volontariat en Indonésie

Another Sunny Day in Jakarta

par Romain Mailliu 29 avril 2020
écrit par Romain Mailliu
Jeune LP4Y

Les jeunes ont cette faculté – sagesse ? – de nous ramener à des problématiques plus pragmatiques.

La crise sanitaire mondiale menace Kampung Sawah, le bidonville indonésien de Romain. Suivez avec son carnet de bord l’impact du Coronavirus dans les quartiers les plus pauvres. [Chapitre 3]

 

Another Sunny Day. Le 12 avril 2020

 Pas de réveil programmé ce dimanche matin. C’est peu habituel car les premières heures du jour sont pour moi les plus belles. Pas question de les manquer. Quand la ville se met en route, pas à pas. Que les visages endormis s’offrent aux premiers rayons de soleil. Seuls les oiseaux chantent, et c’est assez. La température est agréable : 22 C° et un courant d’air marin vient caresser ma peau qui frissonne de plaisir.  

Mes yeux s’ouvrent naturellement à 8h30. C’est suffisamment tôt pour décréter que la journée reste exploitable. Je casse deux œufs dans une poêle. Jean-Marc, ou plutôt John – les Asiatiques n’arrivent pas à articuler et retenir son prénom administratif – frictionne nerveusement la pâte à pain faite aux premières lueurs du jour. 

« Ce matin, j’ai reçu une photo d’une jeune des Philippines. Une cuillère remplie d’une eau blanchâtre. C’est l’eau salée dans laquelle elle fait cuire le riz. Il ne lui reste plus que ça pour nourrir son bébé. Elle a vingt-deux ans et trois enfants. Son aîné a sept ans… Avec le confinement, elle n’arrive pas à quitter son bidonville pour rejoindre notre centre. L’équipe de Manille est sur le coup, nous allons trouver une solution. »

La misère ne prend pas de week-ends. Des réveils comme celui-ci, John doit en connaître plusieurs fois par an. Depuis 10 ans, son ONG LP4Y a accompagné 2 662 jeunes vers le monde professionnel décent. Pourtant, aujourd’hui la situation est exceptionnelle. Les Jeunes et leur famille sont les plus affectés par les conséquences de cette crise sanitaire et économique mondiale. Et derrière ces chiffres il y a des visages, des noms, et des messages qui exhument le poids de nos responsabilités.

 

LP4Y

L’équipe de Source Of Life, notre programme de vente d’eau potable (Janvier 2020) –
© Romain Mailliu

 

« Être adulte, c’est être seul », disait Jean Rostand. Au contraire, je pense qu’être adulte c’est prendre conscience de l’importance des autres. L’idée n’est pas toujours séduisante. Elle a même terrifié Jean-Paul Sartre avec sa célèbre phrase : « L’enfer, c’est les autres ». Il ajoute dans son essai l’Être et le Néant : « S’il y a un Autre, quel qu’il soit, où qu’il soit, quels que soient ses rapports avec moi… J’ai un dehors, j’ai une nature ; ma chute originelle c’est l’existence de l’autre ». Conclusion : Nous prenons conscience de la triste existence qui sera la nôtre quand nous découvrons que nous ne sommes pas seuls sur terre. C’est ça, l’âge adulte. Il va falloir apprendre à vivre ensemble : quel enfer ! Quand on observe les inégalités qui sont les mêmes partout dans le monde, on devine que nous n’avons pas tous adopté les mêmes règles de jeu. 

L’étudiant assidu que vous étiez en terminale – second rang : place idéale pour suivre la prestation de votre professeur de philosophie dépressif tout en évitant les postillons propulsés par l’effluve de son haleine caféine Marlboro – ajouterait que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres #Rousseau.  Décidément, pas facile de vivre ensemble.

 Pourtant, soyons honnêtes, les meilleurs moments que nous vivons sont ceux que nous partageons avec les autres. N’allez pas me dire que vous avez vécu l’extase un mercredi soir devant une série B avec votre Heineken dans la main droite et votre ordinateur portable Lenovo – PowerPoint ouvert sur la dernière slide de votre Comex du lendemain – dans la main gauche.

On peut connaître certains moments d’émerveillement seul : lors d’une balade matinale un dimanche matin à travers le marché Boulevard Vincent Auriol, en découvrant un nouveau clip de PLN le vendredi soir… Mais la joie ?  

je fixe mon ordinateur, le regard vide, mon reflet apparaît à l’écran. La matinée est déjà bien avancée. Excepté l’écriture de mes états d’âme et l’écoute léonine du nouvel album des Strokes, je n’ai pas fait grand-chose. À ma gauche Fanette somnole sur la terrasse, à ma droite la panthère des neiges de Tesson bronze au soleil. La brise gonfle notre hamac qui prend l’allure d’un spi et je me surprends à rêver de croisières en voilier dans le Golfe du Morbihan. Fin de l’album des Strokes, Spotify déclenche la lecture aléatoire : Belle & Sebastien – Another Sunny Day. 

 

LP4Y

Vue de notre terrasse au lever du soleil – © Romain Mailliu

 

La route du succès est semée d’embûches. 15 avril 2020 

« Je vais rentrer en France. C’est terminé : j’arrête ma mission »

 Mardi, 10h23. J’ai l’impression que mon cerveau me rejoue une mauvaise scène. Pourtant, la semaine commençait bien. Un nouveau planning pour les jeunes, des mesures sanitaires plus crédibles du gouverneur de Jakarta, deux nouveaux commentaires sur mon précédent article et un demi-fruit de la passion dans le réfrigérateur. Seulement, le frisson dans mon dos déclenché par cette réplique sortie de nulle part me rappelle une baignade sous la pluie grasse d’Écosse – le long du West Highland Way après 35 kilomètres dilués aux singles malt – il y a de cela trois ans déjà.

Je n’ai jamais réussi à retenir plus de trente mots d’indonésien (bahasa) et pourtant ma cervelle me rappelle, avec une précision mesquine, mes barbotages dans les rivières caillouteuses quand Inès nous remet sa démission.

 

West Highland Way (Août 2016) - © Romain Mailliu

West Highland Way (Août 2016) – © Romain Mailliu

 

Grand silence. Inès. La plus solide des guerrières. Depuis qu’elle nous a rejoints avec John, elle n’a jamais décroché de son ordinateur. Vidéo Call avec les USA, tableau Excel pour évaluer les besoins des jeunes pendant la crise, WhatsApp pour répondre aux équipes d’Asie : une productivité à faire pâlir David Allen. Et pourtant, la voilà qui quitte le navire. Bordel. Depuis deux ans chez LP4Y, elle venait de commencer sa nouvelle mission. Coup dur pour LP4Y, coup dur pour notre nouvelle colocation, coup dur pour John. La vie n’est-elle donc qu’une mauvaise blague ? Je vais acheter des bières. Tous les discours du monde ne valent pas une pinte de houblon fraîche vers 19h, quand les obligations professionnelles laissent place au chant du muezzin. Inès. Je n’en reviens pas. Certes, elle avait montré quelques signes de fatigue mais j’étais loin de m’imaginer le dilemme qui devait se jouer dans sa tête. Entre deux lignes, il faut se rendre à l’évidence : ne perdons pas notre temps à imaginer ce qui se passe dans la tête des autres. C’est peine perdue. Concentrons-nous sur les méandres de nos âmes respectives, cela devrait suffire pour une vie ou deux.

Pourtant, après le départ de Sarah et l’arrivée de Inès et John, notre collocation avait pris un sens esthétique et culinaire plaisant. Avec l’aide d’un bocal de champignons caché dans le double fond de sa valise, John nous a cuisiné pour Pâques un poulet aux morilles. Bricoleur appliqué, il a construit avec quatres planches de bois et tout autant de clous deux étagères Philippe Starck. Il a également installé des guirlandes lumineuses sur la terrasse et bien qu’étant végétarien à mi-temps, m’a chargé d’acheter trois kilogrammes de rumsteck. Certains personnages dégagent une énergie similaire à deux noyaux atomiques qui s’assemblent. John en fait partie. Inès. Merde. Nous avions même commencé à discuter de rap français.

 

Photo de campagne pour notre levée de fond pour les jeunes  que nous accompagnons via un challenge de 24H de méditation (Avril 2020) - © Romain Mailliu

Photo de campagne pour notre levée de fond pour les jeunes  que nous accompagnons via un challenge de 24H de méditation (Avril 2020) – © Romain Mailliu

 

“Coach, can I have money to buy Gasoliiiiiiine ?”

Les jeunes ont cette faculté – sagesse ? – de nous ramener à des problématiques plus pragmatiques. Ce matin, ils sont cinq à assurer la livraison d’eau potable. Cinq, car c’est le nombre maximum autorisé par le gouvernement. David Allen aurait certainement complété en expliquant qu’un homme efficace en vaut cinq. Je rajouterais que cinq hommes non efficaces n’en valent pas beaucoup plus. Si ce matin la motivation des jeunes était un rayon de soleil, le risque d’attraper une insolation serait dérisoire.

Il faut dire qu’à leur âge, dix-huit ans en moyenne, j’étais plus appliqué dans l’étude subtile du mécanisme diablement ingénieux des épingles de soutien-gorges plutôt que par l’idée d’obtenir un travail décent pour nourrir ma famille. Si on ajoute à cela les écoles fermées et la dysphorie générale autour du coronavirus, je comprends pourquoi le lundi matin les chaussures des jeunes poncent le carrelage de la salle de production. Pourtant – et Inès aurait été d’accord – il n’est pas question de ralentir l’activité.

Dans le monde professionnel qui les attend, ils ne feront pas office de cas à part :  les attentes seront les mêmes pour tous. Les diplômés de l’université issue des classes sociales aisées comme nos entrepreneurs des quartiers plus modestes. Ils ne seront pas pris en pitié car ils doivent faire deux heures de route dans les transports en commun pour venir travailler. Ni parce qu’ils n’ont qu’une paire de chaussures « professionnelles ». Seules la qualité du travail, la posture et la motivation feront la différence. La route du succès est semée d’embûches. Depuis toujours, nos jeunes entrepreneurs affrontent les difficultés avec un courage, un positivisme et une détermination qui à mes yeux est inexplicable. C’est leur plus grande force et c’est pour cela qu’ils y arriveront. Encore. Toujours. 

 

Dani et Angel en livraison (28/11/19)  - © Romain Mailliu

Dani et Angel en livraison (28/11/19)  – © Romain Mailliu

 

Découvrir le chapitre précédent : Une mer calme n’a jamais fait un bon marin →

 

Photo de couverture : Kusniawaty, jeune femme du programme en management step (Avril  2020) – © Romain Mailliu

29 avril 2020 8 commentaires
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ActualitéCarnet de voyageTribune

Azerbaïdjan : à l’assaut du Caucase !

par Guillaume Godest 24 avril 2020
écrit par Guillaume Godest
Les champs de pétrole de Neft Daşları : première exploitation offshore de l’histoire (photo Wikimedia)

 

Il y a fort à parier que vous n’avez pas la moindre idée de ce que c’est que l’Azerbaïdjan, que de toute façon vous n’y mettrez jamais les pieds, et que personne ne vous en parlera. Pourtant le Caucase, composé d’une mosaïque d’ethnies qui se sont entre-égorgées pendant des millénaires, et ancien Eldorado du pétrole, a tout pour nourrir vos rêveries.

Logé aux confins des Empires perse, romain, byzantin, ottoman et russe, envahi par les Scythes, les Cimmériens, les Arabes et les Mongols, l’Azerbaïdjan s’est toujours retrouvé pris en étaux entre les puissants, tantôt conquis, puis dégorgé, soumis, révolutionnaire, nationaliste enfin. Aujourd’hui, ce sont les États-Unis, la Russie et la Chine qui se disputent l’Asie centrale, et font du Caucase et de la Caspienne “l’échiquier sur lequel se joue un jeu pour l’hégémonie mondiale“ (Lord Curzon). 

Je voulais poser le pied sur cette terre de toutes les convoitises, humer les odeurs de naphte, sentir qu’ici l’histoire continuait de s’écrire, fuir Paris, ses Lime, sa post-Histoire. Je me suis installé à Bakou pour six mois.

 

Vue de Baku

Vue de Baku

 

Une ville sur le trottoir

 J’en avais assez d’être enfermé, alors je suis sorti de chez moi pour aller voir la mer. Dix minutes à peine et je suis sur le « Boulevard », sorte de promenade des Anglais où le petit peuple de Bakou vient parader les fins de semaine. Je passe plusieurs heures par jour à éplucher la presse nationale, docilement tenue sous la férule du gouvernement. C’est quotidiennement la même rengaine : culte rendu au président Aliyev, démonstration que l’Arménien est fait avec la pire fange de l’humanité, cours du Brent. L’Azerbaïdjan d’aujourd’hui se trouve tout entier dans ce triptyque. L’essence de la capitale, elle, sur le Boulevard.

 Un échiquier en plastique géant, et vingt vieillards autour qui s’écharpent sur le coup à jouer pour faire mat. Bras dessus, bras dessous, à la turque, les hommes discutent de vétilles. Les femmes surmaquillées viennent éprouver le fond de teint bon marché qui leur coule sur les joues. Assis sur les bancs, les adolescents timides regardent les filles passer, et des fossettes aux cheveux, celles-ci rougissent, terriblement gênées, quand elles s’aperçoivent que je les observe. Un chien errant hésite à s’aventurer sur les pavés. À quelques mètres, une bande de bimbos adossées à la balustrade montrent leurs jambes au soleil et aux passants. Vous auriez tort de leur prêter des pensées impures : le pays fut le premier État laïque du monde musulman et les cheveux des femmes volent libres dans les bises de la « cité des vents », mais les vieilles traditions archaïques et paternalistes n’en règlent pas moins la vie de la jeunesse : une fille qui ne se marie pas vierge est un déshonneur pour sa famille.

 Les voiles et les qamis signalent les touristes arabes ou iraniens. On parle russe, aussi. Longtemps république soviétique, l’Azerbaïdjan l’utilise encore suffisamment pour que le doute s’installe : Russe ou Bakinois ?

 Toute la ville vient transpirer son insouciance sur quatre kilomètres à peine. Le cuir noir de leurs chaussures est impeccablement ciré, et sous leurs casquettes de fourrure, s’assurant que l’air de liberté qui circule ne donne pas de mauvaises idées à la foule, les officiers de police semblent des bergers dont les bâtons sont des matraques. J’en croise par groupe de trois ou quatre ; d’autres veillent en voiturette. On les oublie, leur présence ne pèse pas, pourtant je sais qu’ils sont rôdés à l’art d’écraser leur arme sur les têtes un peu trop insoumises : Ilham Aliyev, fils d’Heydar Aliyev, son prédécesseur qui fit ses classes au KGB et qui lui a légué la présidence du pays, dirige un État policier aux prisons pleines d’opposants politiques.

 

Ilham Aliyev fête sa “réélection” en 2018 avec 86% des voix  (photo Wikimedia)

Ilham Aliyev fête sa “réélection” en 2018 avec 86% des voix  (photo Wikimedia)

 

De l’or au fond de la mer

 L’air du large est chargé d’effluves de pétrole. Là-bas, les plateformes offshore tirent des profondeurs de la Caspienne la précieuse huile noire qui alimente l’Europe et la Turquie. À la surface de l’eau, un reflet m’attire l’œil ; une longue écharpe visqueuse et foncée chatoie : ce sera quelque fuite d’une exploitation. Au milieu des mégots, les bouteilles en plastique que le calme flot balance à peine achèvent de me décourager de me baigner dans cette mer qu’on semble avoir pris pour une déchetterie. La tête ailleurs, je fixe les eaux en pensant aux temps romantiques où le cosaque Stenka Razine pillait les côtes des environs. Fini aussi la pêche à l’esturgeon ! les pollutions de l’ère soviétique puis le braconnage ont eu raison du poisson et de ses œufs qui faisaient la richesse de la région. Un autre or noir a pris la place du caviar : plus de pêcheurs, ici les seuls navires que l’on distingue sur la ligne d’horizon sont des tankers géants. Cette mer a l’allure d’un lac immobile ; on la croirait déprimée, sans doute d’avoir bu trop de sang et de mazout.

 Son abattement me gagne. J’arrive sur Azneft Meydani, place Socar, du nom du groupe pétrolier national. Les hydrocarbures sont l’alpha et l’oméga du pays et tout vous le rappelle. Je fais souvent ce cauchemar : seul au milieu d’un champ de derricks qui s’étend à l’infini, je patauge dans un épais liquide visqueux, quand se lève devant moi un immense monstre noir qui grandit en buvant tout ce qui l’entoure, et m’aspire à lui. Pour respirer, je décide d’aller me perdre dans les ruelles de la Vieille ville, enfermée dans son enceinte crénelée construite avant l’ère du pétrole.

 

Les champs de pétrole de Neft Daşları : première exploitation offshore de l’histoire (photo Wikimedia)

Les champs de pétrole de Neft Daşları : première exploitation offshore de l’histoire (photo Wikimedia)

 

Peut-on fuir le pétrole ?

 Impossible d’y couper, car d’autres monstres gardent la ville. Les Flame Towers, ces trois tours de verre figurant des flammes de 200 mètres, sont recouvertes de milliers de LED qui enflamment leurs façades ou les animent aux couleurs du drapeau national. Peu après l’indépendance succédant à l’effondrement de l’Union soviétique, Heydar Aliyev accorda l’exploitation des champs pétroliers azéris à onze compagnies internationales ; le pays se réserva 80% des bénéfices : c’est le « contrat du siècle ». Dans les années 2000, l’euphorie est totale : le pays croule sous des dollars qu’il n’arrive plus à dépenser. Ces tours, comme tous les gratte-ciel qui sortirent alors de terre, sont les témoins de cette époque où Bakou redevenait l’Eldorado pétrolier qu’elle était un siècle plus tôt.

 M’abrutir dans un bar est la dernière option qu’il me reste. Dans celui où j’échoue, une poignée de gros Anglais discutent avec des Azerbaïdjanaises dont les yeux brillent quand elles songent aux portefeuilles des ingénieurs de BP. Celles qui parlent anglais peuvent se faire quelques manats. L’ambiance est coloniale. Je me terre dans un coin et fait mine de griffonner dans mon carnet pour qu’on m’oublie. Une jeune Azérie passe sans cesse devant moi, ondoyant des hanches avec la lascivité d’une petite prostituée rompue à l’exercice. Lentement, muette, sans même me regarder, elle vient par deux fois remplir mon verre en glissant son bras au-dessus de mon épaule, me frôlant presque avec le mouvement coulé d’une couleuvre. De guerre lasse, elle finit par tenter une manœuvre de front : « Do you want to play billiard ? » Je décline. Elle s’en retourne au comptoir sans cacher son agacement : bredouille.

 

 Statue du poète Mirza Alakbar Sabir devant les remparts de la Vieille ville

Statue du poète Mirza Alakbar Sabir devant les remparts de la Vieille ville

 

« C’est ça l’Azerbaïdjan ! »

Je rentre par le quartier Kubinka, dont les taudis devraient être rasés pour faire la place à un complexe résidentiel flambant neuf. J’aime ces minuscules maisons à un ou deux étages qui tiennent encore debout grâce aux prodiges d’ingéniosité des habitants. Devant, de vieilles Lada Jigouli de la période soviétique, de petits vieillards décrépits qui jouent inlassablement aux dés en sirotant du thé noir. Le linge sèche sur des fils tendus au-dessus de la tête. Dans certaines ruelles, des dizaines de jeunes hommes nettoient les voitures des beaux quartiers pour une poignée de manats. Un peu plus loin, une grosse Mercedes se gare à côté d’une Chevrolet dernier cri. Sanglé dans son costume cintré, l’homme qui en sort s’engouffre dans une bicoque qui n’a même plus de fenêtre. Bien qu’ils se soient enrichis, certains habitants demeurent encore ici : ils espèrent que les autorités les délogeront bientôt pour leur offrir un bel appartement dans les futurs immeubles. Ils ont la patience du pays.

 Pour ouvrir la porte de mon studio je suis forcé de me faufiler entre le mur et la machine à laver que le plombier doit m’installer. Il vient plusieurs fois par semaine ; il se frotte le menton et réfléchit longuement en considérant le gros carton. « Je reviendrai plutôt demain… ou après-demain ». Cela fait près de deux mois que ça dure, et je lave toujours mes caleçons dans l’évier. Comme dit un expatrié français que je fréquente, il ne faut pas chercher à comprendre, car « c’est ça l’Azerbaïdjan ! »

 

Rue de Kubinka, vidée par le coronavirus

Rue de Kubinka, vidée par le coronavirus

 

Guillaume Godest 

 

Photo de couverture : Les champs de pétrole de Neft Daşları : première exploitation offshore de l’histoire (photo Wikimedia)

24 avril 2020 2 commentaires
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Traditionnellement, la yourte est ouverte vers le sud par une entrée unique. A l'intérieure, l’espace est quadrillé selon un usage précis. Le sud et l’est de la yourte sont l’espace de la femme où se trouvent le foyer et la place de travail. L’espace de l’ouest est réservé à l’homme et aux invités. Cette photo est révélatrice : dirigée vers le sud, c’est la femme qui se dévoile, à sa place comme l’admet la tradition
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