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Voir, juger, agir.

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Journalisme

Voir, juger, agir. Aventures et mésaventures à travers le monde... 🌦
Romain Mailliu - 13 mois de volontariat en Indonésie

4 solutions miracles pour motiver votre équipe

par Romain Mailliu 29 mai 2020
écrit par Romain Mailliu
LP4Y

 

Comment motiver votre équipe sur le terrain après le confinement ? A l’aide de ce cas d’étude tiré de mon expérience sur le terrain en Indonésie avec l’ONG LP4Y, je vais vous partager 4 solutions aussi miraculeuses qu’efficaces. 

Cet article est une fin alternative à mon précédent papier Another Sunny Day in Jakarta (le 29 avril 2020). 

 

4 solutions miracles pour motiver votre équipe en temps de crise. 27 mai  2020 

“Coach, can I have money to buy Gasoliiiiiiine ?”

 Les jeunes ont cette faculté – sagesse ? – de nous ramener à des problématiques pragmatiques. Ce matin, ils sont cinq à assurer la livraison d’eau potable. Cinq, car c’est le nombre maximum autorisé par le gouvernement. David Allen aurait certainement complété en expliquant qu’un homme efficace en vaut cinq.

 Je rajouterais que cinq hommes non efficaces n’en valent pas beaucoup plus. Si ce matin la motivation des jeunes était un rayon de soleil, le risque d’attraper une insolation serait dérisoire.

Il faut dire qu’à leur âge, dix-huit ans en moyenne, je n’avais pas besoin d’obtenir un travail décent pour nourrir ma famille. Si on ajoute à cela les écoles fermées et la dysphorie générale autour du coronavirus, je comprends pourquoi le lundi matin les chaussures des jeunes poncent le carrelage de la salle de production. Pourtant il n’est pas question de ralentir l’activité.

 Dans le monde professionnel qui les attend, ils ne feront pas office de cas à part :  les attentes seront les mêmes pour tous. Les diplômés de l’université issue des classes sociales aisées comme nos entrepreneurs des quartiers plus modestes. Ils ne seront pas pris en pitié car ils doivent faire deux heures de route dans les transports en commun pour venir travailler. Ni parce qu’ils n’ont qu’une paire de chaussures « professionnelles ». Seules la qualité du travail, la posture et la motivation feront la différence. La route du succès est semée d’embûches. Depuis toujours, nos jeunes entrepreneurs affrontent les difficultés avec un courage, un positivisme et une détermination qui à mes yeux est inexplicable. C’est leur plus grande force et c’est pour cela qu’ils y arriveront. Encore. Toujours. 

 

LP4Y

Setia et Wahab en livraison d’eau potable (28/11/19) – © Romain Mailliu

 

Bref, comment vais-je bien pouvoir motiver mon équipe ? A l’aide de mon expérience internationale en gestion d’équipes distributives agiles pluridisciplinaires en temps de crise, je vais vous partager 4 best practices qui ont fait le succès de ma méthode à travers le monde. 

 

1. Etre à l’écoute 

 

 “Celui qui sait écouter deviendra celui qu’on écoute.”

 Vizir Ptahhotep

 

 L’histoire d’un pays permet de comprendre sa culture. L’histoire d’un jeune nous aide à comprendre son attitude. Comment pouvons-nous résoudre les problématiques de nos équipes si nous n’échangeons pas avec elles ? Nos jeunes, il s’avère que très peu de monde s’intéresse à eux. C’est d’ailleurs ce qu’on appelle l’exclusion : ne pas exister aux yeux des autres. Ecouter nos jeunes c’est primordial. Il faut que l’écoute soit active. Pour cela, la volonté d’apprendre est indispensable. Les bonnes paroles sont celles qui se transforment en enseignement et les jeunes ont beaucoup à nous apprendre. 

 Lorsque nous devons faire face à une problématique, les informations sont rarement structurées. Un sujet est mis sur la table, quelqu’un n’est pas d’accord, il s’exprime sur un nouveau sujet, ce qui entraîne de nouvelles réactions, et quand on revient finalement au sujet d’origine, beaucoup de choses ont été dites. Quand on a récolté les informations qui sont les fruits de l’écoute, il faut ensuite les analyser. Analyser, c’est décomposer un tout en ses éléments constituants et en établir les relations. 

 Dans un défi complexe – comme motiver une équipe –  il y a rarement des évidences, il a quelquefois des incertitudes, il y a toujours des compromis. C’est en analysant et en écoutant qu’on se donne les chances de réaliser les bons compromis. Ecouter, c’est prendre le temps de préparer un cadre pour recentrer le débat.  On peut ensuite prendre la parole et être écouté.

Mais parfois, l’analyse logique, mathématique et scientifique ne suffisent pas. Bien que l’on dispose d’une multitude de données, aucune solution ou tendance ne semble vouloir se profiler. Il semble manquer en élément dans cette équation complexe qui nous permet de résoudre des problèmes, d’autant plus que ceux-ci concernent le management. Cet élément, c’est l’empathie.

 

2. faire preuve d’empathie et de bon sens

 

«Toute prédiction est un ressenti du futur, par empathie du présent de son passé.»

Serge Zeller

 

L’empathie est une simulation mentale de la subjectivité d’autrui. C’est la capacité de s’identifier à l’autre dans ce qu’il ressent. Celle-ci permet d’anticiper – plus ou moins –  les réactions humaines, et s’avère donc un outil utile quand il s’agit de motiver une équipe. 

 L’empathie permet aussi de faciliter les échanges. En management, les présentations sont omniprésentes. Training, ateliers, briefing : la façon d’annoncer les choses à une importance capitale. Faire preuve d’empathie permet d’adapter son discours à la situation et d’avoir « le mot juste ».

 Il m’est arrivé pendant ma mission de coach – qui n’est d’ailleurs pas terminée – de faire face à des retournements de situations inattendues. L’empathie a permis d’accompagner les jeunes, et de contrôler leurs réactions, qui aurait pu être négative si nous avions exposé les faits sans écoute et sans empathie.

 L’empathie permet l’offensive à travers un bon sens critique. En temps que coach – et également dans la vie – il faut toujours garder un bon sens critique. Il ne faut pas faire l’erreur d’accepter les évidences de premier abord. Le bon sens c’est prendre du recul et examiner un sujet dans sa globalité. L’empathie associée à l’analyse et à l’écoute permet en quelque sorte une EXTREME lucidité. 

 

3. Intégrer et responsabiliser chaque membre de l’équipe au projet

 

“Parce que c’est notre projet !”  

Emmanuel Macron

 

Catalyseurs, et tout particulièrement coaches, nous ne sommes pas des petits chefs d’entreprises tyranniques amoureux des résultats net exponentiels et du pouvoir jouissif d’une équipe qui nous obéit, des étoiles dans les yeux. Si vous voulez mon sentiment, un bon coach doit pouvoir disparaître sans que son équipe et l’activité qu’elle dirige ne subissent une quelconque perturbation. Nous sommes des oiseaux de passage. La motivation des jeunes ne doit surtout pas dépendre exclusivement de nous. Pour cela, il est de notre devoir de leur faire comprendre l’importance d’être l’acteur principal dans le film de leur propre vie. 

Pour prendre part à un projet et s’identifier à son objectif, il faut y être intégré dans l’idéal de sa conception à sa réalisation. Il faut pouvoir s’assimiler à lui. Alors sur le court terme cela prend plus de temps. Pour vous donner un exemple pragmatique – ce qui n’est pas ma spécialité vous l’aurez remarqué – nous devons acheter avec mon équipe en Indonésie une nouvelle moto avec un chariot à l’arrière pour effectuer nos livraisons. Je pourrai faire un rapide benchmark sur internet, présenter mes résultats au département finance de LP4Y et acheter cette moto avant la fin de la semaine. Les jeunes la verront un matin dans l’entrée, comme un cadeau de LP4Y. “Thank You Coach !” Cela serait rapide mais n’aurait aucune valeur ajoutée dans la formation de nos jeunes.  

Pour chaque projet, j’essaie de partir de la racine du problème afin de challenger les jeunes pour qu’ils trouvent ensemble des solutions. Dans mon histoire de moto, la partie financière fut particulièrement intéressante car notre atelier a permis de dégager des solutions que je n’avais pas imaginé. “Comment allons-nous faire pour acheter une nouvelle moto ? Nous allons vendre plus de gallons ! Comment ? En trouvant plus de clients ! Comment ? En travaillant avec des entreprises ! Comment ? En leurs vendant des grandes quantités de  gallons ! Comment ? Avec la nouvelle moto qui permet de livrer une dizaine de  gallons en même temps !” VICTOIRE ! La moto est devenue un vrai besoin qui s’intègre dans un projet défi par les jeunes. 

 

4. La rigueur

 

«La rigueur vient toujours à bout de l’obstacle.»

Léonard de Vinci

 

On peut vous reprocher de ne pas savoir quelque chose, on ne peut pas vous reprocher de manquer de rigueur. La rigueur est primordiale quand prend en main n’importe quel défi. Lorsque l’on doit motiver une équipe, et que l’on ne connaît pas encore tous les pourquoi-du-comment, la seule carte en main pour montrer sa crédibilité est la rigueur. Etre rigoureux, c’est être exact, logique et inflexible. C’est cette rigueur qui permettra ensuite de comprendre les problématiques des jeunes, leurs contraintes et pourquoi la motivation n’est pas au rendez-vous ce matin. 

La rigueur impacte la forme, le fond, s’applique à toutes choses . c’est la clé pour concilier efficacité, efficience et fiabilité !  

 

La journée se termine et 43 gallons d’eau potable ont été livré dans le bidonville. Les jeunes sont fiers : ils partagent le sentiment du devoir accompli. Ils me demandent de prendre une photo, petit rituel que nous avons établi pour élire la meilleure équipe du jour qui est toujours la même : Celle que forment tous les jeunes réunis ! 

 

LP4Y

La meilleure équipe du jour (Depol, Taufan, Bila, Jeremia) – © Romain Mailliu

 

Photo de couverture : Dani et Angel  on delivery (28/11/19)  – © Romain Mailliu

29 mai 2020 1 commentaire
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ActualitéCarnet de voyageRomain Mailliu - 13 mois de volontariat en Indonésie

Le jeûne éternel

par Romain Mailliu 13 mai 2020
écrit par Romain Mailliu
Enfant dans les rues de Kampung Sawah (mars 2020) - © Romain Mailliu

 

À Kampung Sawah, le danger numéro un n’a pas changé et il est partagé par bonne partie de l’humanité. Le coronavirus ? Non. La baisse de l’immobilier ? Non. Un tweet borderline d’Elon Musk qui ferait chuter l’indice Tesla ? Non plus. C’est de ne rien avoir pour remplir son assiette.

La crise sanitaire mondiale menace Kampung Sawah, le bidonville indonésien de Romain. Suivez avec son carnet de bord l’impact du Coronavirus dans les quartiers les plus pauvres. [Chapitre 4]

 

Le jeûne éternel. Le 4 mai 2020

 Des enfants rient dans les rues. Le soleil se couche sur Kampung Sawah, bidonville du nord de Jakarta, situé entre une zone de dépôt de conteneurs et une pseudo-autoroute. Un bidonville est un quartier qui n’existe pas. Aucun des vingt mille habitants n’y a un quelconque droit de propriété. Ils se sont attribués cette espace, car il faut bien habiter quelque part. C’est une zone inondable, alors il arrive parfois que les nuits soient tristes et courtes. Mais le soleil finit toujours par sécher les larmes. Avec le temps, maintenant quarante ans, Kampung Sawah s’est fait un nom, et on a tracé ses frontières sur les cartes.

 Le pak RW, une bâtisse en béton situé dans l’angle du carrefour principal, fait office de mairie. C’est l’œil du gouvernement qui observe et documente les évolutions de cette ville qu’il faudra déconstruire un jour. Il y a déjà trois ans, quelques habitants, prophètes de l’apocalypse, criaient à qui voulait l’entendre qu’une avenue viendrait remplacer ce quartier marginal. Aujourd’hui, les fondations d’un pont se dessinent à l’horizon. Il doit relier le dépôt à l’autoroute. Le temps donne toujours raison aux prophètes. 

 

Kampung Sawah

Les conteneurs qui bordent Kampung Sawah (Avril 2020)  – © Romain Mailliu

 

Dans ce lieu coupé du monde, le coronavirus n’existe pas. C’est une légende qu’on voit passer sur les réseaux sociaux, comme les footballeurs qui collectionnent les voitures de sport ou les actrices qui défilent avec de luxueuses robes sur des tapis rouges. Pourtant, l’Indonésie est touchée – moins que nos pays occidentaux ce que je n’explique pas – et au 4 mai 2020, 12 071 cas ont été confirmés pour 872 décès. La population indonésienne réunit 267,7 millions d’habitants. Alors dans une économie au ralentie qui licencie à tour de bras sans compensation, le risque de mourir de faim est supérieur à celui d’attraper un Covid-19 virulent. 

À Kampung Sawah, le danger numéro un n’a pas changé et il est partagé par bonne partie de l’humanité. Le coronavirus ? Non. La baisse de l’immobilier ? Non. Un tweet borderline d’Elon Musk qui ferait chuter l’indice Tesla ? Non plus. C’est de ne rien avoir pour remplir son assiette. La famine. Catastrophe fatidique quand on ne gagne ou qu’on ne produit pas assez pour se nourrir. La bonne fortune n’est pas contagieuse.

L’Indonésie a fait le choix de ne pas mettre en place de quarantaine et cela a sans aucun doute limité la famine dans les quartiers les plus pauvres. Il n’y a pas de bonne pensée manichéenne.

 Alors je constate que porter un masque, rester chez soi, respecter les distances barrières, sont des comportements dérisoires pour les habitants de notre village clandestin. Pourtant, les campagnes de sensibilisation font rage et sur tous les supports. A-t-on trouvé une fin utile à l’utilisation des réseaux sociaux ? Peut-être, si nous mettons de côté les fakes news, toujours plus nombreuses, qui viennent noircir un tableau déjà ténébreux. 

Dans les ruelles, des « Corona » raisonnent, prononcées rapidement, dans un souffle, comme on dirait une vulgarité. Puis ce mot international, synonyme de danger, qui a le pouvoir d’unir les nations comme de les cloisonner, est toujours suivi d’un éclat de rire.  

 

Petite fille résidante à Kampung Sawah (Avril 2020)  - © Romain Mailliu

Petite fille résidante à Kampung Sawah (Avril 2020)  – © Romain Mailliu

 

Et le pouvoir législatif dans tout cela ? Respecter les règles sanitaires, c’est se donner les chances de maîtriser le virus rapidement, pour relancer l’économie, pour relancer la politique, pour la SURVIE de la nation ! Il me semble qu’un amendement a été mis en place obligeant le port du masque dans les rues mais, à Kampung Sawah, il y a plus de fantômes que d’agents en képi pour faire respecter les lois. Peut-être que la police souhaite éviter la situation embarrassante de verbaliser une mère qui n’a déjà pas assez d’argent pour nourrir ses enfants…

À quoi bon parler de SURVIE à des familles qui, depuis toujours, n’ont d’autre combat que de trouver de la nourriture et un toit pour vivre un jour de plus.

 Des enfants rient dans les rues. Le soleil se couche sur Kampung Sawah, bidonville du nord de Jakarta, situé entre une zone de dépôt de conteneurs et une pseudo-autoroute. Le ramadan y a débuté depuis plus d’une semaine et les inondations ont laissé place à une chaleur ardente et sèche. L’appel à la prière se prolonge nuit et jour, solennellement, comme les loups hurlent à la lune, comme les baleines chantent aux abîmes. Depuis mon arrivée il y a huit mois dans cette communauté exclue du monde – ou plutôt exclue d’un monde – je n’ai jamais vu autant d’enfants jouer ensembles. Les mosquées sont pleines et les sourires, qu’aucun masque ne vient effacer, se dessinent sur tous les visages. Les festins nocturnes perdurent et bien que le riz prenne de plus en plus de place dans l’assiette, les familles se réunissent pour célébrer ensemble la fin du jeûne.

 

L’amour d’une famille, le centre autour duquel tout gravite et tout brille.

Victor Hugo  ; Les chants du crépuscule, A mademoiselle Louise B. (1834).

 

Enfants dans les rues de Kampung Sawah (mars 2020)  - © Romain Mailliu

Enfants dans les rues de Kampung Sawah (mars 2020) – © Romain Mailliu

 

Découvrir le chapitre précédent : Another Sunny Day in Jakarta →

Photo de couverture : Enfant dans les rues de Kampung Sawah (mars 2020)  – © Romain Mailliu

13 mai 2020 1 commentaire
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ActualitéTibovski - Dessin de la quinzaine

Palestine revêt sa robe d’allégresse

par Tibovski 6 mai 2020
écrit par Tibovski
Palestine

 

Dernier dessin de confinement. 

Comme je le mentionnais dans mon précédent billet, il y aurait beaucoup à dire sur la crise actuelle. Ce sera pour une prochaine fois. Aujourd’hui, je me contenterai de partager une information qui a de l’importance à mes yeux. 

Fatou Bensouda, la procureure de la Cour Pénale Internationale (CPI) a remis ce 30 avril un rapport soutenant l’ouverture d’une enquête concernant des “crimes de guerre” israéliens. La Palestine pourrait donc, après confirmation d’une chambre préliminaire, poursuivre Israël à la fois pour “crime de guerre” et pour “crime contre l’humanité”. La CPI avait été saisie en 2015 et c’est seulement en décembre que celle-ci avait annoncé son intention d’ouvrir une enquête. Cette enquête pourrait donc reconnaître la culpabilité de Tsahal (armée israélienne) durant la guerre de Gaza en 2014. Mais ce dossier a une portée plus large sur la question palestinienne. 

 

Disproportion

La complexité des rapports israélo-arabes a tendance à gommer la disproportion entre les forces israéliennes et palestiniennes. Comme si cette complexité rendait impossible de se positionner parmi les deux camps sans compromettre la paix. Il est évident que des tensions aussi anciennes et diverses sont ardues à résoudre. Il est également évident que c’est en direction de la paix que ces résolutions doivent être menées. Seulement tout cela doit être entendu sans pour autant présumer que les deux belligérants sont égaux dans cette affaire. Rappelons que la Palestine se bat encore pour être reconnue comme un État, que certains de ses territoires sont sous contrôle israélien et que les conditions d’existence y sont accablantes. On ne peut décemment pas promouvoir la résolution d’un conflit sans comprendre qu’elle n’a pas la même signification pour les deux États. Même s’il serait malvenu de le comparer à David contre Goliath, les intifadas se sont pourtant faites avec des lance-pierre. Les forces sont inégales. Parler de Paix dans ce conflit doit concerner, dans un premier temps, la subsistance d’un peuple palestinien qui étouffe. 

 

Négociations

L’intervention de la CPI dépasse donc la seule affaire de 2014 et offre à une Palestine désarmée un nouveau levier. Bien que seul, dans la région, Israël bénéficie d’importants soutiens diplomatiques. Ses excellentes relations avec les États-Unis lui assurent une position diplomatique et militaire puissante au Moyen-Orient et dans le Monde. Ce n’est évidemment pas le cas de la Palestine, qui, même en ayant le soutien de certains pays arabes, peine à accéder à un statut officiel auprès des différents organismes de gouvernances internationales. Le Conseil de sécurité de l’ONU lui avait refusé le statut d’État membre en 2011 et lui a finalement accordé en 2012 le statut d’État observateur non-membre. C’est seulement en 2015 que la Palestine a eu le droit de dresser son drapeau au siège de l’ONU malgré la désapprobation marquée des États-Unis. L’adhésion de la Palestine à la CPI lui octroie donc une reconnaissance officielle de l’organisme. Diplomatiquement, le travail de la CPI est donc majeur pour les négociations. Cela signerait également l’intervention d’une institution externe et neutre sur la question palestinienne. Cela va sans dire que cette interposition n’est pas du goût des autorités israéliennes qui y voient une ingérence malvenue. Israël n’est pas signataire du Statut de Rome à l’origine de la Cour Pénale Internationale. Mais comme je l’ai déjà précisé les rapports entre Israël et la Palestine ne sont pas équilibrés, il n’y a donc rien de malheureux à ce qu’un organisme indépendant s’y immisce. Il n’y a rien d’étrange non plus à ce qu’Israël y soit défavorable. 

 

Identité

Pour conclure, je dirais que le climat de la région a construit des positions politiques belliqueuses dans les deux camps. Or on pourrait entrevoir, dans cette affaire, l’espoir d’une évolution. Actuellement, le premier ministre conservateur Benjamin Netanyahou (a.k.a “Bibi”) peine à constituer un gouvernement israélien. Le pays a déjà connu trois élections depuis mars 2019 en raison de ces instabilités. Enfin, il y aussi le fait que Bibi soit dans l’attente d’un procès pour fraude et corruption. Si les élections législatives montrent que le conservatisme hégémoniste est encore fort en Israël, la crise politique actuelle pourrait marquer un tournant en mettant fin à plus de 10 ans de mandat pour Netanyahou. Ces décennies d’ultra-conservatisme israélien ont renforcé les courants nationalistes et militaristes en Palestine. C’est le cas du Hamas. Mais au risque de me répéter, ces courants politiques factieux ont évolué en Palestine pour des raisons différentes qu’en Israël. Elles sont une réponse à la crise humanitaire et à la menace constante. Le terrorisme et le nationalisme sont ici des voies politiques de survie. L’identité de ce peuple est une identité broyée définie au travers d’une longue et douloureuse oppression. Porter ses causes devant la Cour Pénale Internationale ouvre un nouveau canal pour mener les combats. Espérons que si cette voie prospère, les négociations se dérouleront sans feu ni sang. Mahmoud Darwich, un des plus grands poètes palestiniens, résumait l’identité de son peuple mieux que moi : 

 

Celui qui m’a changé en exilé m’a changé en bombe… Palestine est devenue mille corps mouvants sillonnant les rues du monde, chantant le chant de la mort, car le nouveau Christ, descendu de sa croix, porta bâton et sortit de Palestine”  

 

À la prochaine quinzaine !

 

Sources :

  • https://www.humanite.fr/historique-la-palestine-autorisee-poursuivre-israel-pour-crimes-de-guerre-et-crimes-contre-lhumanite?fbclid=IwAR3S7pnZnCFNgExkEWfCN0NQ6yxHrQaqoiOaccQO7ttxwOUaZ0idvwRWUFI 
  • https://www.lemonde.fr/international/article/2019/12/20/la-cpi-veut-enqueter-sur-d-eventuels-crimes-de-guerre-dans-les-territoires-palestiniens_6023652_3210.html
  • https://www.ouest-france.fr/monde/israel/israel-l-accord-de-gouvernement-entre-netanyahu-et-gantz-entre-les-mains-de-la-cour-supreme-6824969
  • https://www.haaretz.com/israel-news/elections/.premium-likud-and-kahol-lavan-shorten-freeze-on-appointments-after-high-court-hearing-1.8822047
  • https://edition.cnn.com/2015/09/30/world/united-nations-palestinian-flag/index.html
  • https://www.haaretz.com/israel-news/.premium-netanyahu-s-real-target-this-week-isn-t-the-high-court-but-it-is-a-judge-1.8822361

Photo de couverture par l’auteur Tibovski 

6 mai 2020 0 commentaire
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ActualitéCarnet de voyageRomain Mailliu - 13 mois de volontariat en Indonésie

Another Sunny Day in Jakarta

par Romain Mailliu 29 avril 2020
écrit par Romain Mailliu
Jeune LP4Y

Les jeunes ont cette faculté – sagesse ? – de nous ramener à des problématiques plus pragmatiques.

La crise sanitaire mondiale menace Kampung Sawah, le bidonville indonésien de Romain. Suivez avec son carnet de bord l’impact du Coronavirus dans les quartiers les plus pauvres. [Chapitre 3]

 

Another Sunny Day. Le 12 avril 2020

 Pas de réveil programmé ce dimanche matin. C’est peu habituel car les premières heures du jour sont pour moi les plus belles. Pas question de les manquer. Quand la ville se met en route, pas à pas. Que les visages endormis s’offrent aux premiers rayons de soleil. Seuls les oiseaux chantent, et c’est assez. La température est agréable : 22 C° et un courant d’air marin vient caresser ma peau qui frissonne de plaisir.  

Mes yeux s’ouvrent naturellement à 8h30. C’est suffisamment tôt pour décréter que la journée reste exploitable. Je casse deux œufs dans une poêle. Jean-Marc, ou plutôt John – les Asiatiques n’arrivent pas à articuler et retenir son prénom administratif – frictionne nerveusement la pâte à pain faite aux premières lueurs du jour. 

« Ce matin, j’ai reçu une photo d’une jeune des Philippines. Une cuillère remplie d’une eau blanchâtre. C’est l’eau salée dans laquelle elle fait cuire le riz. Il ne lui reste plus que ça pour nourrir son bébé. Elle a vingt-deux ans et trois enfants. Son aîné a sept ans… Avec le confinement, elle n’arrive pas à quitter son bidonville pour rejoindre notre centre. L’équipe de Manille est sur le coup, nous allons trouver une solution. »

La misère ne prend pas de week-ends. Des réveils comme celui-ci, John doit en connaître plusieurs fois par an. Depuis 10 ans, son ONG LP4Y a accompagné 2 662 jeunes vers le monde professionnel décent. Pourtant, aujourd’hui la situation est exceptionnelle. Les Jeunes et leur famille sont les plus affectés par les conséquences de cette crise sanitaire et économique mondiale. Et derrière ces chiffres il y a des visages, des noms, et des messages qui exhument le poids de nos responsabilités.

 

LP4Y

L’équipe de Source Of Life, notre programme de vente d’eau potable (Janvier 2020) –
© Romain Mailliu

 

« Être adulte, c’est être seul », disait Jean Rostand. Au contraire, je pense qu’être adulte c’est prendre conscience de l’importance des autres. L’idée n’est pas toujours séduisante. Elle a même terrifié Jean-Paul Sartre avec sa célèbre phrase : « L’enfer, c’est les autres ». Il ajoute dans son essai l’Être et le Néant : « S’il y a un Autre, quel qu’il soit, où qu’il soit, quels que soient ses rapports avec moi… J’ai un dehors, j’ai une nature ; ma chute originelle c’est l’existence de l’autre ». Conclusion : Nous prenons conscience de la triste existence qui sera la nôtre quand nous découvrons que nous ne sommes pas seuls sur terre. C’est ça, l’âge adulte. Il va falloir apprendre à vivre ensemble : quel enfer ! Quand on observe les inégalités qui sont les mêmes partout dans le monde, on devine que nous n’avons pas tous adopté les mêmes règles de jeu. 

L’étudiant assidu que vous étiez en terminale – second rang : place idéale pour suivre la prestation de votre professeur de philosophie dépressif tout en évitant les postillons propulsés par l’effluve de son haleine caféine Marlboro – ajouterait que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres #Rousseau.  Décidément, pas facile de vivre ensemble.

 Pourtant, soyons honnêtes, les meilleurs moments que nous vivons sont ceux que nous partageons avec les autres. N’allez pas me dire que vous avez vécu l’extase un mercredi soir devant une série B avec votre Heineken dans la main droite et votre ordinateur portable Lenovo – PowerPoint ouvert sur la dernière slide de votre Comex du lendemain – dans la main gauche.

On peut connaître certains moments d’émerveillement seul : lors d’une balade matinale un dimanche matin à travers le marché Boulevard Vincent Auriol, en découvrant un nouveau clip de PLN le vendredi soir… Mais la joie ?  

je fixe mon ordinateur, le regard vide, mon reflet apparaît à l’écran. La matinée est déjà bien avancée. Excepté l’écriture de mes états d’âme et l’écoute léonine du nouvel album des Strokes, je n’ai pas fait grand-chose. À ma gauche Fanette somnole sur la terrasse, à ma droite la panthère des neiges de Tesson bronze au soleil. La brise gonfle notre hamac qui prend l’allure d’un spi et je me surprends à rêver de croisières en voilier dans le Golfe du Morbihan. Fin de l’album des Strokes, Spotify déclenche la lecture aléatoire : Belle & Sebastien – Another Sunny Day. 

 

LP4Y

Vue de notre terrasse au lever du soleil – © Romain Mailliu

 

La route du succès est semée d’embûches. 15 avril 2020 

« Je vais rentrer en France. C’est terminé : j’arrête ma mission »

 Mardi, 10h23. J’ai l’impression que mon cerveau me rejoue une mauvaise scène. Pourtant, la semaine commençait bien. Un nouveau planning pour les jeunes, des mesures sanitaires plus crédibles du gouverneur de Jakarta, deux nouveaux commentaires sur mon précédent article et un demi-fruit de la passion dans le réfrigérateur. Seulement, le frisson dans mon dos déclenché par cette réplique sortie de nulle part me rappelle une baignade sous la pluie grasse d’Écosse – le long du West Highland Way après 35 kilomètres dilués aux singles malt – il y a de cela trois ans déjà.

Je n’ai jamais réussi à retenir plus de trente mots d’indonésien (bahasa) et pourtant ma cervelle me rappelle, avec une précision mesquine, mes barbotages dans les rivières caillouteuses quand Inès nous remet sa démission.

 

West Highland Way (Août 2016) - © Romain Mailliu

West Highland Way (Août 2016) – © Romain Mailliu

 

Grand silence. Inès. La plus solide des guerrières. Depuis qu’elle nous a rejoints avec John, elle n’a jamais décroché de son ordinateur. Vidéo Call avec les USA, tableau Excel pour évaluer les besoins des jeunes pendant la crise, WhatsApp pour répondre aux équipes d’Asie : une productivité à faire pâlir David Allen. Et pourtant, la voilà qui quitte le navire. Bordel. Depuis deux ans chez LP4Y, elle venait de commencer sa nouvelle mission. Coup dur pour LP4Y, coup dur pour notre nouvelle colocation, coup dur pour John. La vie n’est-elle donc qu’une mauvaise blague ? Je vais acheter des bières. Tous les discours du monde ne valent pas une pinte de houblon fraîche vers 19h, quand les obligations professionnelles laissent place au chant du muezzin. Inès. Je n’en reviens pas. Certes, elle avait montré quelques signes de fatigue mais j’étais loin de m’imaginer le dilemme qui devait se jouer dans sa tête. Entre deux lignes, il faut se rendre à l’évidence : ne perdons pas notre temps à imaginer ce qui se passe dans la tête des autres. C’est peine perdue. Concentrons-nous sur les méandres de nos âmes respectives, cela devrait suffire pour une vie ou deux.

Pourtant, après le départ de Sarah et l’arrivée de Inès et John, notre collocation avait pris un sens esthétique et culinaire plaisant. Avec l’aide d’un bocal de champignons caché dans le double fond de sa valise, John nous a cuisiné pour Pâques un poulet aux morilles. Bricoleur appliqué, il a construit avec quatres planches de bois et tout autant de clous deux étagères Philippe Starck. Il a également installé des guirlandes lumineuses sur la terrasse et bien qu’étant végétarien à mi-temps, m’a chargé d’acheter trois kilogrammes de rumsteck. Certains personnages dégagent une énergie similaire à deux noyaux atomiques qui s’assemblent. John en fait partie. Inès. Merde. Nous avions même commencé à discuter de rap français.

 

Photo de campagne pour notre levée de fond pour les jeunes  que nous accompagnons via un challenge de 24H de méditation (Avril 2020) - © Romain Mailliu

Photo de campagne pour notre levée de fond pour les jeunes  que nous accompagnons via un challenge de 24H de méditation (Avril 2020) – © Romain Mailliu

 

“Coach, can I have money to buy Gasoliiiiiiine ?”

Les jeunes ont cette faculté – sagesse ? – de nous ramener à des problématiques plus pragmatiques. Ce matin, ils sont cinq à assurer la livraison d’eau potable. Cinq, car c’est le nombre maximum autorisé par le gouvernement. David Allen aurait certainement complété en expliquant qu’un homme efficace en vaut cinq. Je rajouterais que cinq hommes non efficaces n’en valent pas beaucoup plus. Si ce matin la motivation des jeunes était un rayon de soleil, le risque d’attraper une insolation serait dérisoire.

Il faut dire qu’à leur âge, dix-huit ans en moyenne, j’étais plus appliqué dans l’étude subtile du mécanisme diablement ingénieux des épingles de soutien-gorges plutôt que par l’idée d’obtenir un travail décent pour nourrir ma famille. Si on ajoute à cela les écoles fermées et la dysphorie générale autour du coronavirus, je comprends pourquoi le lundi matin les chaussures des jeunes poncent le carrelage de la salle de production. Pourtant – et Inès aurait été d’accord – il n’est pas question de ralentir l’activité.

Dans le monde professionnel qui les attend, ils ne feront pas office de cas à part :  les attentes seront les mêmes pour tous. Les diplômés de l’université issue des classes sociales aisées comme nos entrepreneurs des quartiers plus modestes. Ils ne seront pas pris en pitié car ils doivent faire deux heures de route dans les transports en commun pour venir travailler. Ni parce qu’ils n’ont qu’une paire de chaussures « professionnelles ». Seules la qualité du travail, la posture et la motivation feront la différence. La route du succès est semée d’embûches. Depuis toujours, nos jeunes entrepreneurs affrontent les difficultés avec un courage, un positivisme et une détermination qui à mes yeux est inexplicable. C’est leur plus grande force et c’est pour cela qu’ils y arriveront. Encore. Toujours. 

 

Dani et Angel en livraison (28/11/19)  - © Romain Mailliu

Dani et Angel en livraison (28/11/19)  – © Romain Mailliu

 

Découvrir le chapitre précédent : Une mer calme n’a jamais fait un bon marin →

 

Photo de couverture : Kusniawaty, jeune femme du programme en management step (Avril  2020) – © Romain Mailliu

29 avril 2020 8 commentaires
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Tends l’autre joue…

par Tibovski 22 avril 2020
écrit par Tibovski
Tends l'autre joue...

Rien de bien précis aujourd’hui. Vous n’aurez pas le droit à mon indignation habituelle.Seulement une pensée, un brin poétique, je l’espère.

Pour ne pas vous décevoir, dès la publication de mon dernier dessin, je me suis mis en quête d’un nouveau sujet. Ma première frustration a été de constater que de trop nombreux candidats s’offraient à moi : Le tragicomique du procès de Trump contre l’OMS, le traitement des africains en Chine, l’incendie à Tchernobyl, les restrictions en Pologne sur les droits à l’avortement et l’éducation sexuelle, la recrudescence des violences policières dans les quartiers populaires. Tous des bons sujets auxquels, au demeurant, je n’aurais pu apporter la moindre touche personnelle. Ma seconde frustration n’a d’autre origine que le Covid-19. Toutes ces actualités  sont liées au coronavirus, alors que j’avais promis de ne pas en parler. L’échec de mes précédentes tentatives m’avait déjà fait déchanter. Comment se résigner à éviter un sujet omniprésent ? 

Ce long et pénible travail d’investigation m’a inspiré la réflexion suivante. La pandémie que nous vivons imprime de si profonds changements dans les affaires humaines que celle-ci se trouve mêlée à presque tous les évènements. Même ceux accidentels comme l’incendie de Tchernobyl. Prenons donc de la hauteur sur ces diverses thématiques, pour nous plonger dans le coeur de la question. Si je ne suis pas parvenu à éviter le sujet du coronavirus autant en parler franchement. 

La pandémie perturbe le fonctionnement usuel de nos sociétés. Ce qui profite à certains décideurs, et ce qui aggrave certaines situations. Souvenez-vous, par exemple, de l’invasion de criquets dont nous avions parlé dans un  précédent billet. Comment aurions-nous pu éviter le sujet de l’épidémie ? Une catastrophe comme celle-ci prend une tournure plus dramatique dans un contexte de crise sanitaire. Cette période marque une vulnérabilité profonde nous rendant à la merci de tous les vents. Tout événement se trouve inévitablement lié au coronavirus, puisque c’est celui-ci qui dictera son dénouement. Il n’y a rien à faire, c’est notre trame de fond d’aujourd’hui. Et demain, les historiens ne pourront échapper au contexte de pandémie pour lire ce qui a pu se dérouler pendant ces quelques mois. Reste que notre monde est fébrile et que le moindre malheur supplémentaire passerait pour un coup du sort, pour une seconde gifle… 

A la prochaine quinzaine !

Tends la joue

 

Dessins réalisés par l’auteur Tibovski. 

22 avril 2020 0 commentaire
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Viktor Orban : régner sur un champ de cadavres…

par Tibovski 8 avril 2020
écrit par Tibovski
Viktor Orban

Ce que je m’apprête à exposer ici pourrait alimenter une lecture mystique de l’Histoire. La montée du populisme xénophobe en Europe est une réminiscence d’un passé sombre mais pourtant pas si lointain. Comme si l’Histoire se répétait sans mémoire, ou qu’elle répondait à un ordre supérieur. Cela n’est évidemment pas ma vision. Je crois pourtant que l’Histoire est une mémoire à partir de laquelle l’humanité peut apprendre. Certes parfois imbécilement en dérapant sur les mêmes erreurs. Ainsi se pose une énigme trop vaste pour mon billet de la quinzaine : que peut nous enseigner le passé de notre espèce ?

Là où je veux en venir ;  le 31 mars, Viktor Orbán, premier ministre hongrois s’est arrogé les pleins pouvoirs. Le gouvernement, par cette loi censée répondre à la crise du coronavirus, suspend à la fois toute élection ainsi que l’activité du parlement. Comble de l’infamie, cette mesure ne prévoit aucune échéance précise. 

La question est donc : que nous enseigne notre passé pour interpréter cet événement ?  

 

De quoi Viktor Orban est-il le nom ? 

Anti-européen, protectionniste, xénophobe, son parti Fidesz constitue l’une des principales forces d’extrême droite en Europe. Cette vague récente, que l’on condamne souvent de “populiste”, est comparée à celle ayant frappé l’Europe dans les années 30. Mais est-ce vraiment comparable aux régimes du  l’entre-deux guerre  ? Oui et non. 

Oui parce qu’il y a dans le discours et les positions de l’extrême droite actuelle des thématiques et des cibles qui restent inchangées. Les régimes autoritaires européens ont profité d’une crise économique pour pointer la défaite des démocraties libérales. Le populisme se caractérise, en ce sens, par le rejet d’une élite distante des réalités, tout en puisant dans des symboliques fortes de nation et de moralité.

Le nationalisme d’hier et d’aujourd’hui s’attaquent identiquement à l’élite cosmopolite. Elite aujourd’hui caractérisée par les technocrates de l’UE. La nation constitue un principe unifiant mais aussi uniformisant qui ne peut supporter les minorités. La nuance toutefois, c’est que le contexte a changé. Le protectionnisme économique est une option beaucoup plus difficile à mettre en place avec les accords européens, les marchés communs et l’euro. Aussi déterminés soient-ils de claquer la porte à l’UE, cela n’est pas si simple. L’exemple britannique le rappelle-bien. L’Europe n’est plus la poudrière qu’elle était ; où le moindre prétexte était motif de guerre. Les Etats sont bien plus dépendants les uns des autres. C’est d’ailleurs cette dépendance parfois confondue avec de l’aliénation qui fait grimper les opinions anti-européennes. 

La seconde différence, c’est le contexte d’immigration. Certes, ces régimes  d’avant-guerre étaient profondément xénophobes. Toutefois, les flux migratoires n’étaient pas les mêmes et la xénophobie se manifestait majoritairement à l’encontre de populations européennes. Dans les années 30, les populismes ciblaient principalement les nations ennemies ou encore certaines minorités ethniques comme les juifs et les tziganes. Aujourd’hui le danger viendrait de l’extérieur de l’Europe, donnant aux migrations une connotation civilisationnelle.

Les migrants contres lesquels se dressent les partis d’extrême-droite contemporains constituent l’un des thèmes majeurs de leur politique. Il est possible que là où l’autre, l’étranger, était alors représenté par le voisin – encourageant d’ailleurs des ambitions hégémoniques – c’est aujourd’hui le lointain étranger qui incarne cet ennemi fictif qu’on agite devant les foules. La rhétorique n’a pas fondamentalement changé, en somme. Elle ne fait que s’adapter. 

 

Le spectre de la dictature nous est-il si éloigné ? 

Rappelons que l’article 16 de la Constitution française prévoit également des “pouvoirs étendus” au chef de l’Etat en temps de crise. Bien que se refusant à en faire usage, le gouvernement français a prévu une loi d’urgence pour réagir au Covid-19. Ces mesures, que certains pourront juger “nécessaires”, reviennent cependant sur des acquis sociaux. Une ordonnance permet par exemple des semaines de 60h de travail. Je ne juge pas ici de l’intérêt ou non de telles mesures mais rappelle que les crises donnent la possibilité, même en France, d’affermir le pouvoir exécutif.

Le choix du contrôle policier soutenu sur les déplacements de la population ainsi que ses dérives illustrent parfaitement les stratégies autoritaires souvent adoptées pour répondre à des situations d’urgence. Là où aujourd’hui nous voyons le moyen d’endiguer l’épidémie, rien ne nous assure que ce type de lois d’urgence soit en principe toujours bénéfique pour la population. Premièrement, cela dépend des détenteurs du pouvoir politique. Et le défaut principal des systèmes représentatifs, c’est la possibilité pour un groupe politique potentiellement néfaste d’accéder démocratiquement au pouvoir. Rien ne garantit que le peuple choisisse des représentants qui leur soient favorables. La définition d’une “crise” et des moyens de sa résolution dépend uniquement du pouvoir politique en place. Cet argument pose une interrogation encore plus fondamentale. 

 

Pourquoi l’autoritarisme comme réponse à une crise ?

Je ne formule pas ici une opposition franche, je me permets juste de questionner ce qui semble être du domaine de l’évidence. Pourquoi conçoit-on qu’un moment d’urgence nécessite de centraliser les forces ? La réponse la plus évidente serait de dire que l’urgence appelle à une réponse rapide et efficace. Simplifier le processus décisionnel permet à la fois d’épargner la gestion de débats inféconds mais aussi d’avoir plus de leviers et de flexibilité sur l’ensemble de la situation. Unifier la gestion de la situation consiste en ce sens à permettre la planification et le développement d’une stratégie cohérente. 

Plus rapide ? Oui.  Plus efficace ? Peut-être. Adéquat ? Tout dépend de ceux en charge de la gestion de crise. L’urgence n’exige pas de faire n’importe quoi pourvu que ce soit fait vite. Si je souffre d’affreuses crampes d’estomac, je ne me rendrai pas chez le premier marabout ou chaman du coin sous prétexte qu’il est disponible plus tôt que mon médecin traitant. Je rajouterai également que le jeu politique ne s’arrête pas en pleine crise. Le management de crise chez les professionnels de la politique, c’est aussi la capacité à l’exploiter à son avantage. C’est précisément le moment où il faut redoubler d’attention et d’esprit critique.

Que Macron et Philippe s’indignent des procès qui sont en train d’être menés contre l’exécutif en pleine crise me paraît plus que dérangeant, voire douteux. C’est précisément parce que la moindre décision peut avoir de graves conséquences qu’il est essentiel de juger en temps réel les réactions des décideurs. Ce doute s’impose d’autant plus quand on sait que certaines des personnalités aujourd’hui en action sont en partie responsables de l’exsanguination du système de santé français. 

L’accident industriel de Lubrizol avait également permis de mettre en lumière le problème profond de gestion de crise sanitaire en France. Les autorités publiques ont sciemment menti à la population et à certains responsables locaux afin d’éviter toute panique. Le présupposé ici est que l’information dans ces situations peut être dangereuse pour la population. Seulement on sait aujourd’hui que le risque de la panique est une fausse idée reçue (Une excellente vidéo explique cela en détails). Malheureusement la rétention d’information risque de compromettre les opérations de gestion de crise. Et nous pouvons également nous demander si l’autorité représente  la meilleure stratégie pour répondre à cette crise.  En effet, il y a peut-être là aussi un présupposé erroné ou fallacieux. Car c’est bien en urgence que l’on fait davantage de concessions. Des concessions qui peuvent parfois être dangereuses. 

A la prochaine quinzaine !

 

Dessin de couverture : Victor Orban par © Tibovski 

8 avril 2020 0 commentaire
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Le dessin de la quarantaine !

par Tibovski 25 mars 2020
écrit par Tibovski
criquets

La situation que nous vivons est plus que particulière. Il y aurait beaucoup à dire. Sur le confinement, sur les lourdes conséquences d’un système hospitalier exsangue, sur l’hypocrisie de la classe dirigeante et ses mesures contradictoires. À la fois je pense qu’il est important de traiter certains de ces sujets, car notre quotidien est rythmé par cette seule affaire de pandémie et que beaucoup est en jeu. De l’autre, c’est justement parce que nous en sommes submergé qu’il importe de dépasser cela, d’évoquer d’autres sujets. 

Pourquoi ? Pour des raisons psychologiques : éviter l’obsession, l’angoisse. Pour des raisons intellectuelles : avoir un tableau plus large de la situation, comprendre que d’autres choses animent le monde en ce moment. Pour des raisons morales : se soucier d’autres crises qui frappent ailleurs. Je pense aussi que BSF s’est depuis le début proposé d’explorer l’Ailleurs, au travers du voyage, des questions humanitaires et sociétales. N’est-ce donc pas cohérent dans un cas d’enfermement partiel, de porter le regard sur autre chose. Je n’ai pourtant pas de solution, ni d’idée brillante pour répondre à cette intuition. 

criquets

Ce que je vous propose, brièvement, c’est de nous intéresser quelques instants au problème que subit l’Afrique de l’Est, une partie de la péninsule arabique et de l’Asie du Sud depuis plusieurs mois. Certes, cela n’apporte ni joie ni espoir, mais c’est grave. Des milliards de criquets envahissent et prolifèrent dans ses régions dans des proportions inédites depuis un quart de siècle. Les essaims dévorent les cultures. La quantité d’insectes est problématique pour les récoltes et annonce une grave crise alimentaire dans des régions déjà fortement touchées par la pauvreté, la guerre et les catastrophes naturelles.

criquets

 Le petit dessin pseudo-humoristique que je vous livre laisse penser qu’il y a un monde touché par le coronavirus et un autre touché par les criquets. Mais en réalité, l’Afrique subsaharienne commence à être touché par l’épidémie, et inquiète l’OMS. Car la plupart de ces pays n’ont pas les moyens techniques et humains pour répondre à cette crise sanitaire. La pandémie risque de se surajouter à la famine et d’accroître les pertes. 

Maintenant, je souhaiterais poursuivre cet élan, en proposant plus fréquemment des illustrations, des réflexions à la fois sur la pandémie, mais aussi et surtout sur d’autres thématiques. Rien de certain. C’est encore en maturation. Cela pourrait être des formats plus brefs, plus spontanés. Quelque chose comme “Le dessin de la quarantaine” à la place du “dessin de la quinzaine”. 

25 mars 2020 3 commentaires
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Assange : Faites-donc taire ce sifflet !

par Tibovski 27 février 2020
écrit par Tibovski
Assange

 

Dernière porte à enfoncer pour museler le chien, le traître. Pour un monde qui se décrépit et s’agite de révoltes, la parole et l’information se montrent dangereuses. Seul le vacarme de la machine est autorisé, toute voix doit se confondre avec ou se taire. Le “public” de la “parole publique” ne se retrouve plus que dans “publicité”. Le vieux monde peine à cacher ses rides aux yeux avertis, et pourtant, il ne veut rien laisser transparaître. Honte pour notre espèce, honte pour notre époque, honte pour nos idéaux. Car ce sont tous les crieurs publics qui risquent d’être étouffés. 

Julian Assange le fondateur de WikiLeaks est actuellement jugé en Angleterre pour décider de son extradition vers les Etats-Unis. Voilà bientôt 10 ans que les Etats-Unis cherchent à mettre la main sur Assange, pour lui faire payer la divulgation de documents classifiés concernant les interventions militaires au Moyen-Orient. Dans ces documents on pouvait y trouver notamment des vidéos montrant des soldats américains tirant sur des civils irakiens. 

 

Un cyber-robin des bois

Récapitulons. Assange est un informaticien australien, un ancien hacker, un vieil ennemi de l’Etat, militant de la liberté privée. Alors que les individus mènent un combat perdu d’avance pour protéger leurs informations privées, les secrets d’Etats sont les mieux protégés au monde. L’asymétrie entre une autorité qui collecte et catalogue tous les détails sur ses populations mais refuse d’être transparente sur ses activités est une injustice.

La légitimité d’un secret d’intérêt public ne convainc pas notre activiste. Si ces puissances sont, comme elles l’affirment, démocratiques et républicaines (res-publica= chose publique), alors elles se doivent de rendre public, de rendre au public, son fonctionnement. Comme on le dit souvent pour justifier toute mesure de surveillance : “Si vous n’avez rien à cacher, alors il n’y a rien à craindre”. Mais c’est cette asymétrie qui instaure l’ascendance. Plus un pouvoir est obscur, mieux il contrôle ses effets. Ainsi l’information devient une arme contre les puissants. C’est le but même de WikiLeaks : réarmer le peuple. Ce site qu’il a créé en 2006 fonctionne comme une plateforme divulguant des fuites d’informations d’intérêt public. 

 

La fureur du Pentagone

En 2010, le site divulgue un ensemble de document sur les différents conflits menés par les Etats-Unis au Moyen-Orient. Voulant le juger, les Etats-Unis profitent d’une mise en accusation de l’activiste en Suède pour avoir retiré son préservatif durant un rapport sexuel (fait puni par le droit suédois) en demandant son extradition. Assange refuse de se rendre en Suède de peur d’être extradié. La Suède émet un mandat international. Il est alors arrêté à Londres, et la Cour Suprême refuse sa demande de non-extradition vers la Suède. Julian Assange se réfugie alors dans l’ambassade de l’Equateur à Londres. Le pays d’Amérique latine lui accorde l’asile.

Assange y reste 7 ans, confiné dans un appartement de l’ambassade et surveillé par les services britanniques et américains. Le gouvernement équatorien autorise finalement les autorités anglaises à venir l’arrêter dans l’ambassade, bien qu’ayant obtenu la nationalité équatorienne un an auparavant, bien que la Suède ait abandonné les charges. 

 

Journalisme ou espionnage ? My name is Assange… Julian Assange

Le cas d’Assange va être enfin décidé. Et cela ne s’annonce pas très bien : premièrement le précédent jugement avait tranché en faveur d’une extradition. Secondement le Royaume-Uni a montré beaucoup de zèle en faisant pression sur la Suède pour qu’elle conserve les accusations et en maintenant le mandat d’arrêt même après l’abandon de la Suède. Et enfin parce que les Etats-Unis ayant récemment modifié les charges d’accusation, il risque une peine de 175 ans de prison.

Initialement, Assange n’était poursuivi que pour avoir aidé la lanceuse d’alerte Chelsea Manning à pirater les systèmes informatiques de la Défense américaine. Avec les griefs d’espionnage, non seulement la peine est beaucoup plus lourde, mais surtout les journaux ayant collaborés à diffuser les informations pourraient également être mis en accusation pour complicité.

La liberté d’information est donc sérieusement mise en péril, en dissuadant les journalistes et lanceurs d’alertes, mais aussi en créant un précédent juridique sur la scène internationale. 

 

Deux poids, deux mesures. 

La relation entre information, liberté et pouvoir est plus que complexe pour être traitée correctement et exhaustivement ici. Seulement je constate qu’il y a effectivement une asymétrie dérangeante entre la population et les gouvernements. Cet article se rédige à l’heure où les premiers essais de reconnaissance faciale se généralisent, et où la surveillance généralisée s’endurcit en Chine sous prétexte de l’épidémie COVID-19. À l’heure où l’on s’indigne pour la vie privée uniquement quand elle touche un politicien et où l’on réclame la fin de l’anonymat sur Internet.

Je me souviens très bien qu’à l’époque où Assange se voyait menacé d’une condamnation aux Etats-Unis, le Time faisait de Mark Zuckerberg la personnalité de l’année 2010. Le contraste m’avait déjà frappé à l’époque, alors qu’on ne connaissait pas encore l’étendue de l’affaire sur l’exploitation des données personnelles mise en oeuvre par Facebook. De l’autre côté, Wikileaks fait l’exact inverse en diffusant des informations d’intérêt public. Vous voyez donc la double vitesse avec laquelle on traite les problématiques sur les secrets et la vie privée en fonction de la place dans l’échiquier. 

Pourtant, je n’aime pas Assange, humainement. Je ne souhaite ni en faire un héros ni un martyr. Sa suffisance, son culte de la personnalité, son rapport aux femmes ; tout cela m’irrite au plus haut point. Mais c’est précisément parce que cette histoire ne concerne pas une personnalité, mais la libre parole et le droit à la transparence, qu’elle est de la plus grande importance. 

À tous les lanceurs d’alerte et leur sifflet qui prennent des risques pour notre droit à savoir !

J’ai fait bref pour une fois : à la prochaine quinzaine !

27 février 2020 0 commentaire
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La fabrique d’une pandémie : L’exemple du Coronavirus

par Tibovski 12 février 2020
écrit par Tibovski
Coronavirus

Nos deux spécialistes en épistémologie, Albi et Tibovski, nous livrent leur réflexion sur le fonctionnement de la science en cas de crise, avec l’exemple du Coronavirus. 

Réflexions sur l’expertise scientifique en temps de crise. 

La dernière fois, je vous ai promis un descriptif court, et j’en avais l’intention, vous pouvez me croire. Mais, mais, mais… j’ai eu le plaisir de discuter avec l’une de nos rédactrices occasionnelles, à savoir Albi (qui avait écrit ce brillant article sur BSFmagazine). L’évolution du coronavirus nous a inspiré une réflexion à propos de l’expertise scientifique dans les cas d’épidémies à échelle planétaire. Albi avait déjà eu l’occasion d’étudier la gestion de crise de la grippe A. Nous avons donc eu l’idée d’écrire à ce propos dans l’espoir d’apporter une lumière intéressante à la situation actuelle. 

Entre blagues, méfiance et parfois racisme, le coronavirus est un sujet de conversation qui se répand plus vite que le virus lui-même. En témoignent, la pénurie de masque à Paris ou encore une de mes dernières soirées où régnait une certaine gêne oscillant entre sarcasme et crainte.

Et même si, pour le moment, il ne semble pas avoir lieu de s’alarmer plus que de raison, cette crise sanitaire soulève un certain nombre de problématiques intéressantes. On pourrait y voir par exemple la responsabilité des médias dans le traitement alarmiste de la question, mais c’est une thématique que j’ai déjà traitée la semaine dernière. Un autre sujet qui est aussi, voire plus intéressant, est celui de la gestion de crise dans les cas d’épidémie et le rôle des instances gouvernantes dans ceux-ci.

En effet, si l’on s’en tient à la définition la plus basique de pandémie, cela correspond à une épidémie qui touche un large groupe de personnes à l’échelle de plusieurs pays voire du globe. La gestion de la crise est une question de politique de santé transnationale, et dépend fondamentalement des stratégies et des modes de collaboration adoptés par les autorités. La complexité des cas de pandémie, c’est qu’elles ne sont pas uniquement des problèmes de santé, elles constituent également des problèmes socio-économiques. Les interventions font donc partie du phénomène de crise.

 

Quelques précisions 

Les coronavirus représentent en réalité une famille assez répandue de virus, responsable en grande partie des rhumes. Ces symptômes sont d’ordre respiratoire. Son nom lui vient de la couronne extérieure du virion que l’on peut observer au microscope à balayage. Certains virus peuvent être plus dangereux comme les souches du SARS-CoV et du MERS-CoV qui ont causé des épidémies semblables respectivement en 2003 et en 2012. Celui dont on entend parler est une nouvelle souche du virus appelée 2019-nCoV ayant touché brutalement la population de Wuhan à partir de début décembre 2019. L’évolution de la contamination a vite inquiété les autorités chinoises et l’OMS a déclaré jeudi 30 janvier l’urgence de santé publique. 

 

Coronavirus

Quelle belle saleté. Une saleté, mais belle quand même… avec ces aguicheuses glycoprotéines.

 

Quels risques d’une pandémie ?

La mondialisation, en particulier le trafic aérien et la densification des aires urbaines a pour effet d’accroître la propagation d’une maladie à l’échelle du globe. La prolifération d’une maladie infectieuse peut donc rapidement évoluer de façon globale en fonction de nombreux facteurs que les chercheurs doivent identifier. Les principaux modèles d’épidémiologie sont soit (i) très généraux avec des équations différentielles ordinaires comme les modèles compartimentaux  (cf. modèle SEIR utilisé pour les premières prédictions de l’épidémie du 2019-nCoV) ou des modèles en graphe (Keeling & Eames 2005), (ii) soit plus sophistiqués, mais difficiles d’interprétation et nécessitant beaucoup de données (Pellis et al. 2015). Or le principal problème dans un cas comme celui-ci, c’est que le déploiement du virus complexifie la modélisation de l’épidémie. Car à cette échelle l’hétérogénéité des individus, des dynamiques spatio-temporelles et structurelles devient déterminante (Getz et al. 2019).

De plus, l’urgence et la rapide évolution de la situation requièrent à la fois de prendre des mesures, c’est-à-dire de pouvoir comprendre et prédire la situation. Et c’est également ce qui rend ardue l’obtention de données complètes pour paramétrer les modèles (Bulletin of the World Health Organization 2012.). Ni la simplicité, ni la complexité ne conviennent idéalement à ce type de situation. Par conséquent les modèles épidémiologiques sont imparfaits pour répondre correctement à l’urgence.

Pour le moment, on se raccroche à certaines estimations de variables comme le taux de propagation (R0), le temps d’incubation, le taux de morbidité ou encore le taux de mortalité. Au demeurant, ces chiffres ne veulent pas dire grand chose avec des échelles de temps et de populations si faibles. Les estimations s’appuient uniquement sur les cas existants connus. Or la singularité des individus et le faible nombre de cas pour le moment recensés montrent une variabilité statistique trop grande pour que l’on parle de chiffres fiables. D’autant plus qu’il faut se fier aux chiffres communiqués par le régime chinois, et que ces chiffres ne peuvent être exploités sans considérer d’autres paramètres. 

 

Comment réagissent-ils face à l’incertitude scientifique ? 

Coronavirus

[suivre ici l’évolution de la situation]

 

Le rôle des institutions

L’OMS intervient dans le cadre de situations de crise afin de rassembler les connaissances scientifiques sur une épidémie et de pouvoir conseiller les politiques dans leur gestion des crises sanitaires. Le principe fondateur au cœur de ce système est une neutralité de la relation entre les experts scientifiques d’une part et les hommes politiques d’autres part. Dans le contexte actuel du coronavirus, un climat anxiogène et catastrophiste est diffusé par les médias et appuyé par les politiques. L’OMS, quant à elle vient d’annoncer que le virus représentait une menace considérée comme “élevée” et a décrété l’urgence internationale face au virus. Dans un même temps, elle reconnaît l’absence d’une compréhension complète concernant la source et l’ampleur de la propagation de la maladie : 

 

“Les connaissances actuelles sur cette maladie restent limitées (…). Il est urgent d’en savoir plus sur la transmissibilité du virus et la gravité de l’infection pour orienter les autres pays quant aux mesures de riposte à prendre.” 

 

Cette situation semble paradoxale et pose la question du positionnement de l’OMS lors des crises sanitaires ainsi que celle de la préservation de la neutralité entre hommes politiques et experts scientifiques.

Pour comprendre le cas du coronavirus, il est bon de regarder ce qui a déjà pu survenir par le passé. Un des exemples particulièrement marquant dans la mémoire collective est le cas de la grippe H1N1, souvent présenté comme un fiasco en matière de santé publique. Le premier élément clef de la plupart des crises sanitaires (si ce n’est toutes) est le manque de connaissances scientifiques. 

Bien que cela puisse sembler évident, cet élément pose des difficultés très concrètes, comme par exemple la difficulté à établir un vocabulaire commun entre les différents acteurs de la gestion de crise sanitaire. Lors de la crise du H1N1, cette difficulté est devenue particulièrement frappante avec la définition de la notion de pandémie. Jusqu’en 2009, une pandémie “survient lorsqu’apparaît un virus nouveau contre lequel le système immunitaire humain est sans défense, donnant lieu à une épidémie mondiale provoquant un nombre considérable de décès. Le nouveau virus grippal est d’autant susceptible de se propager rapidement dans le monde que les transports internationaux ainsi que l’urbanisation et les conditions de surpeuplement s’intensifient.” Or, le 4 mai, 2009, les experts de l’OMS s’accordent pour modifier cette définition et en proposer une nouvelle: 

 

“Une maladie épidémique survient lorsque la prévalence de cette maladie est supérieure à la normale. Une pandémie est une épidémie mondiale. Une pandémie de grippe peut survenir lorsqu’apparaît un nouveau virus de grippe contre lequel la population humaine n’est pas immunisée. L’intensité d’une pandémie peut être modérée ou forte en terme de cas de décès provoqués et peut varier au cours de l’évolution de la pandémie.”

 

 Ce  changement définitionnel a généré un clivage entre les experts de l’OMS et les experts nationaux français qui soulignent qu’une maladie pas ou peu meurtrière, mais qui se propage vite, ne devrait pas être considérée comme une pandémie, mais comme une épidémie mondiale. En effet, avec la mondialisation, la facilité des individus à se déplacer augmente considérablement les cas de contamination à échelle planétaire. Par conséquent, si le critère de contamination demeure le critère principal pour caractériser la pandémie (et non plus la dimension létale de la maladie), il y a là un risque réel de déclencher une alerte de pandémie de manière systématique.

Ce problème devient d’autant plus important lorsque, dans la gestion de crise sanitaire, les connaissances scientifiques doivent s’intégrer dans un contexte socio-économique afin d’élaborer un plan de réponse adapté. Dans le contexte de la grippe H1N1, ce versant de la gestion de la crise a fait l’objet de nombreuses controverses et deux éléments vont notamment mettre à mal la neutralité de l’OMS. 

  1. Premièrement, le risque de conflits d’intérêts pour des experts en lien avec des laboratoires. En effet, le changement de définition du terme de pandémie a été perçu par plusieurs experts comme une manière de déclencher des stades d’alerte plus élevés plus facilement et ainsi, en jouant sur la peur des responsables politiques, de vendre des stocks de vaccins mis à disposition par les différentes firmes pharmaceutiques. Ces soupçons ont notamment été renforcé par le fait que 6 des experts mobilisés par l’OMS pour évaluer la situation de la grippe H1N1 étaient mis en cause dans des cas de conflits d’intérêts.
  2. Deuxièmement, la conclusion précoce d’accords contractuels pour des vaccins entre différents États et des firmes pharmaceutiques laissent penser à un cas d’abus d’influence et de pression de la part des groupes pharmaceutiques. En effet, ces accords étaient considérés comme dormant jusqu’à la déclaration d’un état pandémique, laissant entrevoir les bénéfices pour l’industrie pharmaceutique d’un changement de définition aussi rapide.

 

Ainsi, les relations entre hommes politiques et experts scientifiques sont parasitées par des enjeux socio-économiques qui mettent à mal la neutralité des différents acteurs dans les processus de prise de décisions (notamment celle de l’OMS) et qui peuvent mener à une politique inadéquate dans la tentative de résolution d’une crise sanitaire.

Le fiasco des vaccins contre la grippe A à 500 millions d’euros en 2009 n’a pas fait perdre son sourire à l’ex-Ministre de la santé Roselyne Bachelot. 

 

Coronavirus

Le fiasco des vaccins contre la grippe A à 500 millions d’euros en 2009 n’a pas fait perdre son sourire à l’ex-Ministre de la santé Roselyne Bachelot.

 

La place des scientifiques 

Le consensus et la certitude scientifiques sont construits au travers de processus lents qui contrastent avec l’urgence des organes décisionnels. Les différences de temporalité sont d’autant plus marquantes en cas de crises. La science fonctionne de doutes, de critiques, de réplication d’expériences et même de changement de perspectives. C’est une réalité qui est indispensable au bon fonctionnement des sciences. De l’autre côté, le processus de décision ou d’action est presque toujours une dynamique où le contexte impose rythme et conditions, et appelle donc à trancher face aux risques de l’incertitude. On pourrait alors imaginer que c’est pour cette simple raison que les scientifiques et politiques sont deux catégories distinctes, et que le rêve platonicien d’un philosophe roi est une vanité. 

Oui mais voilà, une bonne décision doit s’appuyer sur une bonne compréhension. Ainsi naît l’expert scientifique ; chimère entre politique et scientifique. La science dans toute son incertitude peut et doit épauler les choix politiques. L’expertise scientifique consiste donc à aiguiller les choix politiques face à l’incertitude faisant usage de l’état de l’art et de la méthodologie scientifique. Bien que la communauté scientifique est continuellement confrontée à l’incertitude dans son travail, la méthode scientifique, elle, n’est pas conçue pour résoudre ce genre de problématiques. Le scientifique devient un acteur puisqu’il doit lui-même prendre position pour synthétiser et tirer des recommandations des travaux scientifiques. La tâche n’est plus seulement épistémique (relatif aux connaissances) elle est également éthique (relatif à l’action).

A l’incertitude scientifique s’ajoute le relativisme moral. L’exploitation des recherches scientifiques dépend donc autant des informations scientifiques existantes que des valeurs éthiques. Certains philosophes iront même jusqu’à généraliser le concept en expliquant qu’il n’existe pas de science exempte de valeurs morales et politiques : la recherche est toujours épistémiquement incertaine, mais se confronte continuellement dans son fonctionnement à des choix (thématique de recherche, interprétation, communication…) qui ne se justifient pas seulement par des raisons épistémiques (Longino 1990, Douglas 2009, Reiss & Sprenger 2017 chap. 3.3). Il est cependant important que dans sa responsabilité morale, l’expert ne servent pas ces intérêts particuliers comme dans les cas de conflits d’intérêts que nous vous avons présentés. C’est pourquoi il est inscrit dans le code de santé que l’expert doit rester neutre. 

 

« L’expertise sanitaire répond aux principes d’impartialité, de transparence, de pluralité et du contradictoire » 

 

Alors, est-ce qu’un expert peut être impartial ? C’est véritablement discutable. Un expert n’est pas un robot, il vit dans la société, a un ancrage culturel, et même à une vision personnelle de sa discipline scientifique. Il n’est pas vraiment réaliste d’attendre d’un expert une entière neutralité. En revanche c’est au niveau de la communauté d’expert que l’on doit garantir la neutralité. Et pour se faire, il y a différentes caractéristiques à respecter. 

  1. Premièrement, il faut à tout prix éviter l’influence de forces économiques, idéologiques et politiques qui peuvent truquer le bon fonctionnement de la délibération. 
  2. Et secondement, comme indiqué dans le code de santé, “la transparence, la pluralité et le contradictoire” sont des propriétés essentielles pour assurer une prise de décision mesurée. 

 

Ces deux conditions sont en réalité les deux faces d’une même pièce, puisque éviter l’influence de groupes de pouvoir permet la diversité des parties prenantes, et de l’autre la pluralité d’un groupe d’expert diminue l’influence des intérêts particuliers ou de groupes d’influence. 

Le cas de l’OMS en 2009 montre qu’il y a une violation de ces deux règles. L’OMS présente une autorité d’expertise trop importante face à d’autres instances, déséquilibrant alors la règle de la contradiction. Cela explique alors que des conflits d’intérêt aussi proéminents aient été constatés. L’OMS est un exemple particulier de la façon dont l’expertise scientifique peut être instrumentalisée. Il y a une irrégularité de la position d’expert. En temps ordinaire, l’expert a peu de poids dans le processus décisionnel, mais en temps de crise celui-ci a une grande autorité dans la gestion de crise. Et seule une poignée d’experts est entendue en période de crise. Cela signifie que l’expertise scientifique n’intervient véritablement que dans une minorité de cas et par l’intermédiaire d’une minorité de représentants. C’est un paradoxe intéressant quand on sait que la science fonctionne normalement dans des temporalités longues et par une communauté large et diverse. La science ne prend part aux décisions que dans des modalités où  elle a probablement le moins de pertinence. Les deux hypothèses pour expliquer cette absurdité sont les suivantes : 

  1. Les temps de crises sont caractérisés par des risques importants dans des durées très courtes. C’est ainsi le moment où il y a peu de temps pour des délibérations, mais où les issues des stratégies sont déterminantes. Ainsi c’est dans ces moments où un petit groupe d’expert peut avoir un impact capital sur les mesures. 
  2. Les situations d’urgence sont aussi celles dans lesquelles les informations et connaissances scientifiques sont les plus rares. L’indétermination scientifique expliquerait une plus grande variété d’opinions chez les scientifiques et donc une plus grande probabilité d’avoir un expert allant dans le sens de nos intérêts. 

À notre sens, l’expertise scientifique se développe parfois dans de très mauvaises conditions qui renforcent les positions et le pouvoir de forces politiques et économiques. Ces conditions sont assez communes et consistent à mener des politiques qui exploitent la peur des populations. 

 

Coronavirus

Une bonne science serait entre autres une science transparente… d’où l’image d’une vitre griffonnée de formules topologiques et laissant transparaître une manipulation expérimentale. Astucieux n’est-ce pas ?

 

Diagnostic et prescription 

 

  • Faciliter la coordination des temporalités 

Cela signifie que les instances gouvernantes doivent développer des gestions de crises plus mesurées permettant aux scientifiques de mieux connaître le problème et à la communauté de débattre. La coordination des temporalités signifie par ailleurs le besoin de pérenniser le travail des scientifiques dans la prévision des risques et la compréhension des problèmes. Le travail en amont des chercheurs ne permettra probablement pas de prévoir la prochaine crise, mais plutôt d’en être moins dérouté et de mieux préparer les protocoles.

Le groupe de chercheurs chinois qui a permis de caractériser le virus (et lui donner son nom par la même occasion) avait par exemple étudié la sérologie des chauves-souris et des habitants de Wuhan (Li et al. 2005, Hu et al. 2017). Ils avaient pu mettre en évidence de nombreuses souches de coronavirus dont une susceptible de contaminer l’humain. Cette souche présente d’ailleurs un génome proche à 96 % de celui du coronavirus. L’évolution des chauves-souris et leur rapport avec les humains étaient relativement bien étudiés. 3 % de la population de Wuhan présente des anticorps réagissant à la souche SARS du virus indiquant un saut régulier du virus entre homme et chauve-souris dans cette région.

Peter Daszak ; l’un des auteurs de ces études déclare au New York Times  “Nous alertons sur ces virus depuis maintenant 15 ans”. Plus globalement, les scientifiques montrent aussi que certaines dynamiques (Uche 2014) industrielles et démographiques favorisent la prolifération d’épidémie et l’apparition de crises de santé globales. La destruction des habitats naturels renforce les contacts inter-espèces et donc les cas de zoonoses, c’est-à-dire de transmissions de maladie de l’animal à l’homme (Keusch et al. 2009, Moorse et al. 2012). Dans beaucoup de cas, nous avons les moyens de prévenir partiellement ces dangers. Mais il faut pour cela investir dans la recherche et lui donner une place plus claire. 

 

  • Donner des moyens suffisants à la recherche

Le court-termisme vers lequel afflue la recherche pose un véritable problème (cf. la loi de programmation pluriannuelle de la recherche). Les milieux académiques connaissent depuis quelques décennies des transformations profondes vers une programmation de la recherche aux conséquences désastreuses pour l’indépendance de la recherche (Hubert & Louvel 2012, Hubert et al. 2012) . La recherche coûte très cher, or depuis le tournant néo-libéral des années 80 les grandes puissances économiques ne peuvent miser sur des croissances importantes et doivent de ce fait limiter les dépenses et l’endettement.

Une solution est donc de rentabiliser la recherche, soit en la rendant économiquement viable, soit en la greffant sur les besoins gouvernementaux. Programmer la recherche, c’est donc tenter d’optimiser les efforts vers des connaissances utiles pour les applications technologiques et commerciales ou pour la société en général. Les Etats-Unis sont un modèle de programmation de la recherche, les grands laboratoires sont financés par des partenariats industriels ou des grands programmes nationaux. Une recherche curiosity-driven est presque devenue inexistante dans ce pays. On attend de la science une efficacité. Du reste, la recherche est imprévisible, sinon nous n’appellerions pas cela de la “recherche”. Programmer la recherche est donc insensé et présente des inconvénients évidents : 

 

      • Une précarisation de la recherche

La rentabilité a pour effet de rendre la recherche dépendante de financements. Les demandes de financements sont très chronophages, réduisant par ce simple fait le temps consacré à la recherche. D’autant que les financements sont souvent courts et ne permettent pas à certaines études de prendre le temps nécessaire pour arriver à des conclusions satisfaisantes. Cela altère considérablement la qualité des travaux. Cette précarité a également pour effet de renforcer une concurrence dans le domaine scientifique altérant ainsi le fonctionnement des principaux mécanismes de la communauté scientifique comme la transparence, la communication, la collaboration et la contradiction. La fraude scientifique, les biais de publication le marketing scientifique et les guerres politiques au sein des institutions n’ont de cesse de se renforcer dans ce climat. 

 

    • Une recherche dirigée

le problème principal dans ce climat de précarité, c’est que cela à un impact direct sur les thématiques et objets d’études. Contraints de trouver des financements, les chercheurs sont obligés de s’adapter aux domaines porteurs où l’argent est investi. Cette situation donne donc un pouvoir important aux investisseurs. Non seulement ces investisseurs (publics ou privés) peuvent donc déterminer la science à répondre à leurs agendas politiques et économiques, mais cela joue sur la neutralité de la recherche et donc de l’expertise scientifique. Les connaissances, les représentations, mais aussi les intérêts économiques des experts sont en ce sens influencés par la partialité des financements.

 

    • Une recherche biaisée 

l’imprévisibilité de la recherche fait que la stratégie la plus efficace pour l’avancée des connaissances et de la technologie, reste la diversité des recherches. Le court-termisme n’est pas capable d’anticiper l’évolution de la science et de comprendre l’investissement nécessaire dans une science libre et plurielle. Les champs de recherche importants ou qui le deviendront n’ont aucune raison de correspondre avec les domaines provisoirement rentables. On voit d’ailleurs que les investissements privés ont tendance à créer des effets de hype correspondant souvent à des bulles financières. Par exemple avec le machine learning, les nanotechnologies, biotechnologies et technologies quantiques. Ces bulles influencent d’ailleurs les financements publics qui veulent, pour des raisons économiques et diplomatiques, également s’imposer dans des domaines attractifs. Mais qui sait d’où proviendra la prochaine crise, ou les connaissances qui pourront être utiles faces à elle ? 

Plutôt que d’adapter la prise de décision à des processus de délibérations démocratiques et scientifiques, il semblerait que la tendance soit au contraire d’exiger de la recherche qu’elle calque son rythme et son fonctionnement sur les besoins industriels et commerciaux. On parle souvent de “commodification of research” (Radder 2010) dans lequel les organisations gouvernementales et académiques s’adaptent aux dynamiques industrielles. 

 

  • Renforcer la démocratisation des débats

 Ce que veut montrer notre développement c’est que de gros problèmes persistent autour de la question de l’expertise scientifique. Comme nous l’avons montré un scientifique n’est pas externe à la société, il est situé socio-économiquement. Le rôle des scientifiques n’est jamais pur de ces composants, et ont un rôle politique à ce sens. L’autorité scientifique est à distinguer de l’autorité des scientifiques ; distinction subtile si l’en est mais essentielle. Les experts peuvent être instrumentalisés au profit d’agendas politiques spécifiques.

C’est notamment pourquoi, l’autorité des experts ne doit pas permettre d’asseoir l’autorité des acteurs politiques et industriels. La diversité des approches est fondamentale tant pour le fonctionnement des sciences que pour les décisions démocratiques. Attention lorsqu’on parle ici de pratiques démocratiques c’est au sens faible d’ouvrir la prise de décision à un débat public et délibératif, même si un usage plus strict de cette notion reste bon à penser.

En effet, plus que d’ouvrir la question à l’ensemble des scientifiques, certains philosophes (par exemple https://www.democrasci.com/, ou les travaux de Philip Kitcher) s’intéressent à la possibilité d’une science citoyenne, dans laquelle les citoyens profanes prendraient aussi part à la gouvernance des sciences. Si l’on accepte la non-indépendance des sciences par rapport à la réalité humaine, on comprend que l’organisation des science est conditionnée et conditionne à son tour, la société. Dans un idéal démocratique, le citoyen pourrait donc participer à la construction d’une science plus conforme à ces attentes et convictions.

 

En conclusion, les problématiques exposées dans ce billet dépassent bien évidemment le cas du coronavirus. La politique de l’urgence ne fait qu’exposer et même accroître les pouvoirs d’influence d’une minorité d’acteurs publics et privés. Alors que nos sociétés donnent l’illusion de progresser vers plus de rationalité scientifique, ce n’est là qu’un voile qui cache la détérioration d’une autorité scientifique saine et ouverte au profit d’un système de lobbying et de gestion unilatérale des problématiques. Ces modestes réflexions, peuvent être mises en perspective avec l’évolution des problèmes écologiques. Un consensus scientifique d’une rare ampleur existe aujourd’hui sur l’avenir incertain de notre monde humain s’il venait à persister dans son fonctionnement actuel. Le temps nous permet pour le moment de préparer prudemment une réponse adaptée à ces probables crises. N’attendons donc pas que ce problème devienne une urgence dans laquelle les scientifiques auront les mains liées et où s’affirmera l’hégémonie de ceux-là mêmes qui en sont la cause.

 

A la prochaine quinzaine les ami.es. 

 

12 février 2020 3 commentaires
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ActualitéTibovski - Dessin de la quinzaine

D’une écologie affective : 1 like = 1 koala sauvé

par Tibovski 24 janvier 2020
écrit par Tibovski
Animaux porte drapeau

Aujourd’hui je vais tenter de faire bref. Vous le savez, l’Australie connaît d’importants incendies. Si vous le savez, ce n’est pas uniquement parce que j’ai pu l’évoquer dans ma dernière quinzaine, c’est aussi et surtout parce que ces catastrophes sont particulièrement médiatisées. Le monde entier s’exalte sur cette histoire, des journaux, aux célébrités et surtout les réseaux sociaux. Et ces événements constituent le fond de commerce de certains, aussi bien du côté de quelques écologistes que des climatoseptiques. Mais ce n’est pas cela que je veux traiter précisément. 

Il est vrai que ces incendies font d’effrayants dégâts. Mais ce n’est pas spécifiquement cela qui rend ces évènements si uniques. Les incendies de 1974 avaient, par exemple, touchés une surface six fois plus grandes du territoire. Et certains grands incendies ont même été plus mortels. Ce qui fait la spécificité de ces incendies c’est probablement une couverture médiatique inédite. Avec ma sensibilité aux catastrophes écologique je devrais me réjouir d’une telle évolution des mentalités. Je ne suis pas convaincu que plus de bruit soit cependant la solution.

Quel impact le traitement médiatique a sur les problèmes écologiques ? 

 

Pourquoi tu nous parles de ça ? 

En temps normal je n’aurais pas traité ce sujet, justement parce que nous en sommes inondés. Quand quelque chose fait l’émoi général, ça ne m’inspire pas confiance, j’ai trop peur des mouvements de foules et du manque de contrôle que cela entraîne. Souvent je préfère regarder la vague passer. S’émouvoir c’est important, j’en conviens, c’est parfois magnifique. Mais l’émotion, c’est seulement du mouvement, c’est le sens même d’émotion. Bouger c’est bien mais où. C’est pourquoi il n’est jamais mauvais de se poser et d’y réfléchir. Il est donc étrange de rajouter ma voix au cafouillage général, puisque j’’en ai déjà parlé, et puis que je n’ai aucune informations particulières à enchérir à la clameur publique. 

 

Seulement voilà, j’ai entendu parler d’une pétition  à plus de 12 000 signataires sur Change.org exigeant le déplacement des koalas en Nouvelle Zélande. Et là… et là. J’ai supporté photos, posts, articles insistant sur le sort des “adorables koalas”. J’ai également supporté toute cette mise en scène des célébrités donnant des sous à l’Australie. Seulement là, c’est beaucoup plus gênant. Nous parlons d’une intervention de grande envergure ne s’appuyant sur aucune analyse scientifique. Pour la seule raison que la Nouvelle Zélande possède également de l’eucalyptus, organiser le déplacement des koalas devrait être une bonne idée ? Mais ça ne marche pas comme ça. Soyons sérieux un instant. Le peu d’écologie que j’ai pu étudier me suffit pour évaluer la monumentale erreur qu’il y a là.   

 

Koala 

Reprenons, et faisons bref, comme je vous l’ai promis plus tôt. J’accuse cette pétition de ne s’appuyer sur aucunes conceptions, aussi éloignées soient-elles, des mécanismes écologiques. L’écologie est une discipline tardive qui étudie les rapports entre des espèces et leur environnement. L’évolution de cette branche de la biologie met très vite en lumière le complexe tissu d’interdépendance à l’oeuvre dans les environnements naturels. Se développe alors à partir de Tansley, le concept d’écosystème pour désigner l’unité systémique qui régit à différentes échelles les interactions des espèces et de leur environnement. En termes de modélisation et de prédiction, c’est un véritable défi.

Les meilleurs modèles sont au mieux capables de répondre à des questions restreintes localement, ou à des phénomènes très généraux. Les systèmes écologiques ont parfois des comportements chaotiques (Berryman & Millstein, 1989). Une faible variation locale peut avoir des conséquences globales. L’apparition ou la disparition d’une espèce peut perturber l’ensemble. Et c’est d’ailleurs l’Australie qui fournit l’un des exemples les plus flagrants avec l’introduction de faunes européennes invasives sur le sol australien. L’apparition du lapin européen, par exemple, n’ayant pas de prédateur direct, mais profitant de ressources communes à d’autres animaux. Ce fût une catastrophe écologique responsable de la disparition de nombreuses populations.

C’est justement parce qu’on parle d’écosystème avec des équilibres et des phénomènes de régulation, qu’on ne peut introduire de nouvelles espèces sans considérer les effets que cela peut avoir sur l’ensemble de l’écosystème, les effets sur la prédation et les configurations des réseaux trophiques. C’est le sens même de l’écologie et des recherche en éco-ingénierie qui visent à réellement comprendre le rôle et les fonctions des espèces et des relations sur l’ensemble de l’écosystème. Le principe même d’écosystème, rend difficile d’isoler un groupe spécifique de l’ensemble du système. 

 

Médias et animaux porte-drapeaux

Les évènements en Australie, donnent lieu à une grande attention à la situation animale. En supplément du chiffre écrasant du nombre de vies animales (University of Sydney) on a le droit à des dossiers entiers sur le péril des koalas et kangourous. La pétition, à mes yeux, n’est d’ailleurs rien d’autre qu’une réponse bien intentionnée à cette exclusivité médiatique autour de ces deux mammifères. Rien d’étonnant qu’on se préoccupe surtout du sort de ces deux bêtes puisque ce sont les deux emblèmes nationaux, me direz-vous. Et c’est exactement ce sur quoi je souhaite insister. Il est question de symboles. Le combat contre les extinctions de masse connaît bien l’usage de symbole ; on parle alors d’espèce porte-drapeau. Comme pour porter la flamme olympique, certaines espèces sont choisies pour leur charisme afin de représenter un combat. A l’exception qu’il n’est pas question de 100m haie, mais de l’annihilation de la nature. Qu’en est-il des autres ? 

On se heurte donc ici à ce qui me dérange profondément. L’usage d’espèce porte-drapeau est débattu depuis longtemps. Cette pratique exploite justement la sensibilité du public et les mécanismes des médias. Je remarque qu’avec la recrudescence du green washing et des sensibilités écologiques, ces pratiques ont bon trains. Mais à qui profite le crime, maintenant que le vert is the new black ? Certainement pas aux luttes écologiques. Premièrement parce-que des marchés économiquement juteux font rarement la paire avec les idéaux environnementalistes. Mais surtout parce que cette machinerie, aux airs hollywoodiens, occulte souvent le fond du message.

Si l’idée de choisir des “stars” pour faire la publicité sur la préservation de l’environnement n’est pas idiote, le problème c’est qu’il n’est plus l’heure de la pub. Je pense que suffisamment de personnes sont touchées par ces sujets pour qu’il soit temps de saisir les raisons des crises écologiques. Cessons de pleurer, tentons de comprendre. Et la surreprésentation de certaines espèces ne va pas dans cette direction. Voici, à mon sens les principaux effets pervers que cela a : 

 

1- L’effet projecteur

Mettre trop de lumière sur une espèce c’est automatiquement placer la majorité dans l’ombre. Pourquoi ne parle-t-on pas de ce qui constitue l’ensemble de la richesse des écosystèmes australiens ? Cet effet est d’autant plus fort lorsque l’espèce est peu visible ou charismatiques, comme la végétation ou les insectes. N’oublions pas que la végétation est la principale victime de ces incendies, n’a-t- elle pourtant pas un rôle essentiel dans un écosystème ? 

 

2 – L’effet adoption

On cherche souvent à agir directement sur les symptômes visibles d’un problème. Cela est directement lié à l’effet précédent, on agit sur ce qui est visible. De la même façon qu’il y a une inclinaison de l’homme à prendre soin des (et adopter idéalement) animaux qui souffrent sous nos yeux. Toutefois c’est voir le problème dans sa particularité et non dans sa globalité. C’est ici se préoccuper isolément des espèces alors que c’est le système dans son entièreté qui est touché. Sont alors ignorées des caractéristiques importantes des écosystèmes comme les fonctions écologiques ou encore les chaînes de régulation du système. Des éléments, où je le répète des composants insignifiants peuvent tenir une place essentielle, comme les insectes, les plantes, les champignons et les bactéries. Comme pour une maladie, traiter le symptôme c’est se garder de prévenir des maux futurs. Les bouleversements en cascade qu’entraineraient l’effondrement d’un écosystème sont nettement supérieures à ceux que l’on pouvait chercher à  éluder en premier.

 

3 – L’effet Disney

Les recherches de Franck Courchamp (CNRS) ont montré que les espèces charismatiques n’étaient pas pour autant les espèces les mieux portantes. En effet, Courchamp a répertorié les espèces les plus appréciées auprès de la population. Il a posé la question sur des sites internet, dans des écoles primaires, épluché les affiches de films d’animation, les pages principales des websites de zoo, etc.. Sa conclusion ? La majorité de ces espèces étaient en voie d’extinction malgré la publicité dont elles bénéficient. Selon lui, l’omniprésence de ces animaux-totems donneraient une mauvaise appréciation du danger de leur disparition. Plus on voit un animal, moins on le pense rare :

 

“En utilisant librement l’image d’espèces rares et menacées dans la commercialisation de leurs produits, de nombreuses entreprises peuvent participer à la création de cette perception biaisée, avec des effets néfastes involontaires sur les efforts de conservation, qui devraient être compensés en canalisant une partie des bénéfices associés vers la conservation. Selon notre hypothèse, cette perception biaisée serait susceptible de durer aussi longtemps que la présence culturelle et commerciale massive d’espèces charismatiques ne s’accompagne pas de campagnes d’information adéquates sur les menaces imminentes auxquelles elles sont confrontées” – (Courchamp et al. 2018)

 

Comme Courchamp le pointe, c’est un problème d’information. Dans le cas de notre koala la situation est légèrement différente puisqu’au contraire on s’indigne de sa disparition. Mais je préciserais que la transformation d’espèce en icône a l’effet pervers de la rendre intéressante, pour l’image, le tourisme, voire le braconnage (cf. image ci dessous), mettant encore plus en péril sa survie.

 

 

La progéniture de Trump dans toute sa splendeur !

La progéniture de Trump dans toute sa splendeur !

 

J’accuse donc cette pétition de représenter ce que je considère être de la “mauvaise écologie”. Pourquoi ? Parce que c’est une forme de sensiblerie qui ignore tout des principes scientifiques de l’écologie. Or un des problèmes majeurs pointé par l’écologisme c‘est l’ignorance du fonctionnement de la nature et l’inconséquence qui s’ensuit. Faire de l’écologie sans écologie est une bêtise coûteuse. L’empathie ne peut suffire si l’environnement reste compromis. Pas si différent que d’être climatosceptique en somme, les pleurs en plus. J’exagère évidemment. C’est néanmoins une mise en garde contre la mise en image de causes importantes. 

La biodiversité ne brûle-t-elle pas en dehors de l’Australie sous l’effet d’une humanité toujours plus vorace ? Faut-il attendre de réels flamboiement pour s’en soucier ? Ou bien faut-il attendre des victimes aussi charmantes que le koalas pour s’en émouvoir? 

Moi qui avais promis de faire bref, c’est raté. La prochaine fois ce le sera, je vous l’assure.

24 janvier 2020 3 commentaires
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Persepolis • Iran • 2016
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Que serait le travail collectif et l’entraide sans ce moteur essentiel : le sourire ? Réponse concrète avec @romain_mailliu , volontaire chez @lp4yglobal 💥

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Persepolis • Iran • 2016
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Persepolis • Iran • 2016
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Persepolis • Iran • 2016
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Kol Ukok, Kirghizistan, 2015.
Traditionnellement, la yourte est ouverte vers le sud par une entrée unique. A l'intérieure, l’espace est quadrillé selon un usage précis. Le sud et l’est de la yourte sont l’espace de la femme où se trouvent le foyer et la place de travail. L’espace de l’ouest est réservé à l’homme et aux invités. Cette photo est révélatrice : dirigée vers le sud, c’est la femme qui se dévoile, à sa place comme l’admet la tradition
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[ARTICLE] - Es-tu prêt pour le grand saut ? 🍭 [ARTICLE] - Es-tu prêt pour le grand saut ? 🍭
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Le comédien ET metteur en scène Michaël Benoit Delfini
 t’aide à te lancer avec ce texte burlesque digne d'un @borisvian_officiel !
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[CULTURE] - Déjà entendu parler des Bullshit j [CULTURE] - Déjà entendu parler des Bullshit jobs ? On doit l’expression à feu David Graeber 🔥
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Anthropologue ayant réhabilité l’anarchie ♾ Figure du mouvement Occupy Wall Street ♾ Ecrivain multi-récidiviste ♾ Les Sex Pistols n’ont qu’à bien se tenir ! 
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Dessin + article par l’audacieux @tibovski ✏️
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