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Voir, juger, agir.

Tag:

Liberté

Voir, juger, agir. Aventures et mésaventures à travers le monde... 🌦
Tribune

Voyage en Questionnie

par un contributeur 28 juin 2020
écrit par un contributeur

 

A l’occasion du confinement lié au Covid 19, j’ai pu me rendre en Questionnie, le pays des Questions qui ne se posent pas.

Je n’avais jamais eu l’opportunité de visiter ce pays. Il est réservé aux esprits confinés qui veulent s’évader.

Je suis plutôt le genre de mec à poser les questions qu’on pose, par exemple « comment vas-tu ? » ou juste « ça va ? ». Tous les jours, je pose les mêmes questions : celles qu’on m’a apprises à l’école. J’ai bien appris et je les pose très bien. I can even ask them in english : « how are you ? ».

Un jour que je me baladais dans ma ville confinée, attestation remplie dans ma poche, je me suis arrêté devant la vitrine d’un voyagiste. Parmis les livres qu’il proposait, une destination nouvelle attira mon attention : « Vivre sans… » de Frédéric Lordon publié par La Fabrique. Le billet valait une blinde, mais le départ était immédiat.

Le billet acheté, une belle hôtesse brune masquée de papier, me précisa : « .ien..enue à .ord .e  .et. a.ion ». Voyant que je n’avais rien compris, elle me répéta son propos démasquée : « Bienvenue à bord de cet avion de la Lordon Airways. Veuillez-vous installer, nous allons décoller ». Elle me prévint que : « le premier tiers du voyage est turbulent, on y croise de grands mots savants, organisés d’une manière étrange. Ne vous inquiétez, ils sont là pour dissuader certains esprits, n’hésitez pas à utiliser l’avance rapide. Les mots que vous rencontrerez pendant le reste du voyage sont plus facile d’accès.»

 

30 Prairial an -1

La première question que je ne m’étais jamais posé m’est tombée dessus comme ça :

Va-t-il rester quelque chose de l’État français à la fin du repas financier ?

Je ne connais pas de financier. Mais si j’avais été éduqué en financier, dressé à dénicher le moindre profit, je n’aurais pas arrêté mon travail avant d’avoir retourné le dernier bout d’État pour me saisir de chaque miette de bénéfice. Si j’étais un financier, j’aurais mangé l’État en entier.

Heureusement, je ne suis qu’un fabricant de produits de papier et de mots.

L’État français dévoré par la Finance, que deviendrait la Nation française ? Serait-il possible de la considérer comme une Nation libérée de son État ? Une Nation Libre d’État?

Je me suis souvenu d’un voyage lexical que j’avais fait il y a quelques années. J’avais rencontré un petit bonhomme amérindien du nom de Ishi. Il était un membre de la tribu Yana, en Amérique du Nord. C’est dans ce livre que j’avais la première fois découvert l’idée de Nation libre. La perspective de voir la Nation française s’éteindre de la même manière que la Yana Nation n’était pas assez plaisante pour faire partie de mes possibles. Il devait forcément y avoir une réponse à la hauteur de la Nation française.

Dans son Dictionnaire Manuel de Diplomatie et de droit international Public et Privé, Carlos Calvo, parle d’une « association politique » comme élément essentiel de l’État. Je ne sais pas vous, mais je suis gavé de la cuisine politicienne.

Est-ce qu’une « association démocratique » pourrait se substituer à « l’association politique » de l’État ?

Quelle serait la différence entre l’une et l’autre ? Je n’ai pas trouvé de réponse sur Google, alors j’ai dû en imaginer une.

La différence entre la politique et la démocratie pourrait être le mode de désignation des représentants. Les politiciens sont élus (élection), tandis que les démocraticiens sont tirés au sort (sortition).

Aussi rassurante que cette réponse puisse être, je me suis retrouvé devant une autre question.

 

 

1er floréal an -1.

Pourquoi les mots démocraticiens et sortition n’existent pas ?

Le mot sortition existe en anglais depuis longtemps déjà, mais pas en français.

 

 

Quant au mot démocraticien, il n’existe ni en français, ni en Anglais (democratician).

« Pourquoi le mot démocraticien n’existe pas ? » me suis-je demandé. Et comme je n’avais pas de réponse, je me suis adressé à l’administration en charge des mots : l’Académie française.

L’Académie française est l’administration en charge de la naturalisation des mots « sans-papier ». Je me suis saisi du formulaire B45EF789, qui correspond à la demande d’asile réglementaire pour un mot réfugié.

La bureaucratie lexicale m’a répondu : « Comme vous l’indiquez, de ces locutions dérive naturellement la locution nominale pour désigner des personnes : “les tirés au sort” ou “les personnes tirées au sort”, “tiré au sort” comptant une syllabe de moins que votre proposition “démocraticien”. A-t-on besoin de nouveaux mots ? C’est la question que devra se poser le groupe d’experts avant de commencer tout travail terminologique. À bientôt sur FranceTerme. »

Je saurais la prochaine fois que c’est le nombre de syllabe qui détermine la capacité à obtenir un certificat de naturalisation lexical.

Cette aventure administrative m’a permis de prendre connaissance d’un métier que je ne connaissais pas : terminologue. Rien à voir avec Terminator. Un terminologue vient du passé et donne la capacité à des mots d’exister, ou pas.

Combien de mots attendent patiemment un permis de circuler dans les têtes françaises ? Qu’est-ce que deviendrait ces têtes si elles disposaient de ces mots ?

J’en suis là. Je n’ai pas encore de réponses à ces questions, le voyage en Questionnie continue.

 Julien Biri

 

Découvrez

  • le dernier livre de l’auteur  : https://www.amazon.fr/dp/1677989343
  • Son site internet : https://www.petite-fabrique.fr/

 

28 juin 2020 2 commentaires
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ArtTribune

La fin justifie les moyens

par un contributeur 17 juin 2020
écrit par un contributeur

 

Avant de commencer mon récit, j’ai fait quelques recherches. En effet, je voulais retrouver une citation de Bob Marley comparant son plaisir de fumer aux voyages. Cela devrait donner quelque chose comme : « Je fume car je n’ai pas assez d’argent pour voyager. Fumer me permet alors d’explorer mon imaginaire ». N’ayant jamais retrouvé cette citation et ne sachant ni quand ni où je l’ai découverte, je vous propose de ne pas vous y fier. J’ai écrit ici cette citation comme je l’imaginais et il est fort probable, d’une part, qu’elle ne soit pas de Bob Marley et d’autre part, qu’elle n’existe pas du tout. C’est une hypothèse. 

Vous devez vous demander : “mais pourquoi parler d’une vraie fausse citation inexacte qui n’est probablement pas de Bob Marley ?” Ne voyageant pas, je dois créer ma propre aventure et à travers cette fameuse citation, on comprend que Bob Marley voyage grâce aux effets du cannabis.

Moi, je voyage grâce à la musique. C’est un voyage philosophique et peut-être un peu spirituel aussi… 

Maintenant que mon introduction est faite, laissez-moi vous présenter ma dernière production musicale. Dans le jargon des Disques Jockeys, on parle d’une “sortie”. Cette phrase peut paraître très prétentieuse mais elle ne représente finalement pas grand chose dans ce récit.

 

Comme un lundi 

Ce lundi 20 janvier 2020 marque la finalité d’un projet commencé il y a un an : Carla. En effet,  Carla  a vu le jour début 2019, inspiré de Boasty, une oeuvre populaire de Wiley avec Sean Paul, Idris Elba et Stefflon Don. Un son reggaeton summer 2019 avec une piscine à débordement et du monde au balcon. Avec le recul, je constate que mon inspiration a un dérivé car Carla est aujourd’hui une oeuvre de House Music, bien loin du “coupé – décalé”. C’est signé chez Unusual Records, un label Lyonnais, avec sept autres versions de sept compositeurs différents.

 “Carla” n’est pas seulement un nom donné à une musique, c’est une longue réflexion sur la signification de l’oeuvre. Carla Moreau ? Carla Bruni ? Pourquoi Clara ?  Et bien c’est un joli prénom, teinté de plusieurs nuances et sonorités. C’est un mélange de douceur à l’écoute comme à la lecture. Carla est une ode à la sensualité. C’est d’ailleurs ce que j’ai voulu représenter. De beaux accords progressifs repris sur plusieurs sonorités différentes. Un rythme ni trop lent, ni trop rapide, à 120 BPM (battements par minute). Il était important de commencer par un accord dans l’introduction. Il fallait bien qu’il y en ai un ou deux. Cet accord est la base de tout le morceau, il démarre seul, accompagné d’un rythme, avant de s’éteindre au bout d’une minute trente pour laisser place à d’autres sonorités qui expriment quelque chose de plus dansant.

 

The Kln est dans le club

On peut imaginer que cette minute trente représente une personne prête à entrer dans un lieu chaleureux. A la suite, il y verrait une foule, heureuse, libre et parmi cette foule se dégagerait une certaine légèreté collective teintée d’un brin d’excitation. En effet, cet individu n’est pas ici par hasard, il recherche quelque chose ou quelqu’un. Son bonheur est dans cette pièce et il le sait. Alors il cherche, danse sur ce qu’il ressent et non ce qu’il entend. Les basses et le rythme incessants de cette musique, pourtant très calme, l’empêchent de s’arrêter. Il n’y a pas fait attention mais il croit entendre une voix. 

Cette voix, notre personnage ne sait pas depuis combien de temps il l’entend mais il en est sûr, cette voix lui parle. Seulement il n’arrive pas à comprendre ce qu’elle lui dit. L’énergie positive de la foule autour de lui l’empêche de réellement capter le son de la voix jusqu’à ce que, vers quatre minutes quarante, les harmonies des différentes sonorités s’amplifient et deviennent de plus en plus grandes, de plus en plus puissantes. Il le sait, c’est le moment. Une minute plus tard, la tension arrive à son apogée quand le rythme est relancé. A cet instant, il aperçoit parmi les spectres rouges et bleus des lumières de la piste une ombre, une ombre fine, délicate. Cette ombre danse au ralenti sur la musique. Son coeur s’accélère, prêt à exploser, il retient son souffle. « La voix que j’ai entendu pourrait-elle venir de cette silhouette ? ». Alors il s’élance et fend la foule qui danse sans répit. Il lui reste très peu de temps pour l’atteindre, la musique est bientôt terminée et il faut en profiter tant que son esprit est envouté par l’ensemble de l’environnement qui l’entoure. Plus il se rapproche et plus les battements de son coeur s’accélèrent. La tension est insoutenable. Que va-t-il découvrir ? Ou plutôt qui va-t-il découvrir ?

 

 

Volontairement, je ne raconterai pas la fin de cette histoire, et cela pour deux raisons :

Premièrement, il vous faudra écouter la musique pour imaginer la fin. Vous savez, pour un artiste comme moi, encore trop peu connu, il est difficile de se faire un public. Ce texte non terminé me permettra donc – ma logique est imparable – d’avoir des streams voir des likes en plus. Je vous en remercie d’avance. 

Deuxièmement, parce que je préfère vous voir imaginer un million de fins différentes à cette histoire, car aucune ne sera semblable à l’autre. C’est plutôt intéressant comme concept, non ?

 

Au fait, Bob Marley disait – et pour le coup cette citation est vraie – « La musique peut rendre les hommes libres ».

 

Philippe Klein 

Et pour en découvrir plus sur l’artiste : 

  • son Instagram     
  • Son Spotify :  Carla (Original Mix)                          

17 juin 2020 1 commentaire
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Tribune

Les disparus du RER A

par un contributeur 9 mai 2020
écrit par un contributeur

 

Préambule

Le texte que vous avez sous les yeux est un extrait de l’ouvrage intitulé : La fabuleuse histoire des Flyings Dolphins, livre de rétro-anticipation paru en 2052, dans lequel on pouvait lire en quatrième de couverture la phrase du rétro-archéologue Paul Eluard : « Le poète se souvient de l’avenir. »

La fabuleuse histoire des Flyings Dolphins raconte, comme son nom l’indique, l’histoire fabuleuse des Flyings Dolphins. Voici une brève description des Flyings Dolphins telle qu’elle parut en 2041 sur la page Wikipédia du même nom : “or les flyings Dolphins avaient la particularité de pouvoir se métamorphoser. lls pouvaient adopter une apparence humaine, à peu de chose près telle que nous la connaissons aujourd’hui en 2020 ou adopter l’apparence d’un être hybride, une sorte de dauphin avec des ailes et à longues pattes très fines, ainsi qu’une gouverne de direction arrière. Sous cette forme, ils pouvaient aussi bien voler sur terre que nager dans l’air ou marcher dans l’eau et réciproquement, ce qui était éminemment pratique et évidemment très amusant. Sous leur forme humaine, ils portaient tous des vêtements singulièrement différents, très bien ajustés, dans des tissus de grande qualité et de couleurs très vives qui sautaient littéralement aux yeux. Les Flyings Dolphins étaient particulièrement drôles et avaient pour mission d’insinuer la joie et la liberté dans les replis interstitiels de la réalité.”

 

Eléments de linguistique préparatoires et complémentaires

Cérémonie de fin d’études

 

Les rangs des flying Dolphins, (qui n’en étaient pas ; car il n’y avait pas à proprement parlé de rang chez les Flying Dolphins. Pas de rangs d’oignons, ni de rangs de chaises bien ordonnées, pas de rang ni de ranking, de classements internationaux des meilleurs business schools ; ces notions avaient été balayées d’un grand rire libérateur. On préférait à la notion de rang, celle du placement juste, le rakoon, l’art de se trouver à la bonne place au bon moment. Si les chaises devaient pour cela être alignées, on les alignait mais on ne parlait pas de rang. Il n’y avait pas à se mettre dans le rang. Il y avait à veiller à son rakoon.). Notez combien notre langage structure notre pensée et combien il est important de modifier le langage à mesure que la réalité évolue. Ou peut-être même le langage précède-il la transformation du réel. Ou plus exactement : peut-être  le langage est-il un élément précurseur de la transformation du réel. 

 

Scène 1 – La défense, 134ème étage, bureau 47B. 

La Défense

 

Je recommence. Le nombre de Flying Dolphins connut une recrudescence soudaine et significative  durant l’épisode présenté sous le nom des “disparus du RER A”. Le 16 février 2017 fut enregistré dans les registres informatiques de l’ensemble des tours de la Défense un taux d’absentéisme record et spontané : 

– Isabelle n’est pas là ce matin ? 

– Non.

– Elle a prévenu.

– Je crois pas.

 – Ca ne lui ressemble pas. Vous avez essayé de la joindre sur son portable.

– Pas encore.

(Elle compose son numéro)

– Appelez-là.

– Messagerie. 

– Laissez un message. 

– Allo Isabelle, c’est Christine. Je t’appelle parce que… tu n’es pas au bureau. Je voulais savoir si tout allait bien. Merci de nous tenir au courant. Voilà. Je lui ai laissé un message.

– Merci. Bon tenez moi au courant. 

Où  était Isabelle ? Et où étaient ces 3652 salariés qui ne s’étaient pas présentés au bureau ce matin ? Car ils étaient 3652. L’histoire va nous le dire.

 

We don’t all live in a yellow RER

Ce matin du 16 février, comme à son habitude, le quai du RER A était archi-bondé. La voix délicate d’une prestataire de service à bout de nerf susurrait dans les hauts parleurs saturés le doux refrain des usagers : « veuillez ne pas gêner la fermeture des portes, veuillez ne pas gêner la fermeture des portes s’il vous plaît. Merci de vous avancer dans les wagons. »

Isabelle, cadre dynamique dans une entreprise de matériel de nettoyage BtoB, qui n’était pas du genre à se laisser marcher sur les pieds, tenait bon. Lorsque le train ZAKU fit irruption à la station Les Halles, elle était fermement résolue à y trouver une place bon gré mal gré. Elle se plaça à l’endroit stratégiquement stratégique – elle avait eu le temps de l’étudier depuis 10 ans qu’elle empruntait quotidiennement ce trajet – devant lequel la porte du train devait normalement s’ouvrir. Elle tenait son livre électronique en main pour ne pas perdre de temps sur la lecture quotidienne de son roman de management appliqué, et  son sac à mains placé de manière aérodynamique le long de son corps pour éviter tout accrochage à la montée. Le train approchait. Tout était en ordre. Il ne devait pas y avoir de surprise. Ce Zaku, elle l’aurait. Rien ne pourrait l’en empêcher. 

Le train s’arrêta. Le clignotant s’alluma. Le  flot d’usagers du train se déversa sur le quai. Dans 5 secondes, ce serait à elle. Elle était en première position sur le quai. Elle aurait  ses trente centimètres carré d’espace vital pour rejoindre la Défense, et peut-être même une place assise à l’étage avec un peu de chance car elle se faufilerait vite dans l’escalier ; c’était SON plaisir du matin de monter à l’étage, ca avait un côté exceptionnel, peut être un côté un peu bus anglais à deux étages, une sorte d’exotisme, enfin quelque chose… et elle aurait peut être sa place ce matin à l’étage du Rer Zaku… 3, 2, 1. Faux départ. Isabelle vacilla. Son pied glissa sur la bande de sécurité en braille. Sa cheville dévissa. Elle eut mal. Elle contient un petit cri. Elle était déjà prête à remonter sur la piste malgré une entorse naissante. Mais il était déjà trop tard. Ses concurrents ne lui donneraient pas une deuxième chance. Ca y est, elle était en train de se faire passer devant par une meute de cadres enragés. 

 

FAILLE SISMIQUE

DANS LE SYSTÈME NEURONAL

FAILLITE DES MÉCANISMES DE 

CONTRÔLE

 

Faille

 

FAILLITE FAILLITE FAILLITE DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL.

Let it be, ô let it be

Partition des beatles

 

Et soudain l’envie de lutter l’abandonna. En un instant, l’idée de se battre pour entrer dans ce Rer lui parut absurde. Grotesque. Et la métaphore fila et l’absurdité se répandit comme une traînée de poudre en elle.  L’idée d’aller travailler ce matin lui parut absurde. L’idée de retourner au bureau le lendemain lui parut absurde et il ne fallut pas plus de 10 millisecondes pour que l’idée même d’aller retravailler un jour dans sa tour à la Défense lui paraisse désormais absurde. 

– Pourquoi est ce que je fais ce que je fais  ? La question fusa depuis la zone reptilienne de son cerveau et vint mitrailler les parois du cortex et du néo-cortex.  Alerte maximale : cette idée ne devait jamais remonter la surface du conscient.  Jamais. 

– C’est trop dangereux Général ! Elle est en train de péter un plomb !
Nom d’une pipe en bambou recyclé,  faites quelque chose bande d’incapables. Arrêtez l’hémorragie ou elle va nous claquer entre les doigts. »

Bip Bip Bip

– Qu’est ce qui se passe ? 

– On a perdu son signalement sur le radar. Nous sommes foutus Général… 

Le train Zaku s’éloigna. La fournée d’usagers suivante s’amassait déjà sur le quai. Isabelle rassembla les quelques forces qui lui restaient pour s’écarter de la bordure du quai et se replia sur les bancs de la station. Elle s’assit un instant. Prit une respiration. Jeta un œil sur son livre électronique. Elle lut le titre du chapitre 12 : les métiers du chiffre 2.0. De plus en plus experts, de moins en moins comptables, et résolument numériques ! Elle eut un haut le cœur et vomit.  

 

I am free, like a river…

 

Jusqu’à présent, le vomi était pour elle  l’expression même de la crasse humaine. De la souillure émotionnelle. A bien y réfléchir, si elle s’était lancée dans cette carrière dans les produits de nettoyage pour collectivités, c’était sans nul doute à cause de l’expérience terrestre du vomi. La dernière fois qu’elle avait vomi, elle avait 11 ans, et elle s’était promis de ne jamais se souvenir de ce jour, et surtout de ne jamais plus vomir pour ne plus jamais se souvenir de ce jour. Tout devait être nickel et elle vendrait tous les produits de nettoyage nécessaires pour que ça le soit ; et maintenant elle se trouvait nez à nez avec sa bile étalée au grand jour. Qu’allait il se passer ? 

Etonnamment elle n’eut pas de réaction de rejet. Au contraire même, Isabelle s’abandonna à la curiosité et plongea dans une profonde méditation au dessus de la mare d’acides gastriques. L’odeur ne la gênait pas. Elle lui était plutôt agréable. Elle ne ressentit aucun sentiment de honte non plus. Elle était en apesanteur et quand finalement elle releva la tête, personne n’avait encore pris cas de son malaise, elle se retourna vers son voisin, la bouche toute cernée de bile et s’écria dans un grand sourire :

JE SUIS LIBRE.

L’homme fit une moue dégoûtée. S’écarta un peu, ce qui n’eut pas l’effet de décourager Isabelle au contraire. Elle se leva et reprit d’une voix toujours plus forte : Je suis libre. Je suis libre. Je suis libre…

Car elle se sentait profondément libre. L’allégresse d’Isabelle était telle qu’elle aimanta une troupe de Flying Dolphins qui ,franchirent la paroi d’un écran vidéo  publicitaire. Bien qu’elle n’en eût jamais vu de manière consciente, Isabelle reconnut les Flying Dolphins immédiatement – car la plupart des humains connaissent les FLying Dolphins de toute éternité et quand ils croient les rencontrer pour la première fois, en réalité, ils ne font que se souvenir de leur existence. 

– Je suis libre, leur dit-elle en laissant éclater sa joie.

– Félicitations, répondirent en chœur les Flying Dolphins. Ils étaient une dizaine. Chantons.

– Isabelle entonna une chanson de circonstance : I am free, like a river…de Stevie Wonder.

– Et les Flying Dolphins reprirent de plus belle.

Les usagers commencèrent à prêter attention à Isabelle. Ils ne voyaient pas encore les FLying Dolphins, mais ils furent bientôt subjugués par la joie qui émanait de cette femme. Un champ de sourires éclot sur les visages des femmes et des hommes qui croisaient son passage. 

Isabelle se mit en marche, remonta les escaliers roulants en chantant I am free, et un cortège de femmes et d’hommes s’agrégea derrière elle. Ils n’iraient pas au travail ce matin. Ni les jours d’après. Ils pouvaient à présent détecter la présence des Flying Dolphins. Ils étaient 3652 et la Défense n’eut plus jamais de nouvelle d’eux. Ils étaient les disparus du RER A.

 

La défense, 134ème étage, bureau 47B

– Vous croyez qu’elle va revenir Isabelle.

– Mais oui…

– Ca fait combien de temps qu’elle est partie ?

– 2 ans, 245 jours, 13 heures et 16 minutes.

– Ah quand même.

(Une autre femme entre, c’est Jeanne)

– Christine, y a une carte d’Isabelle au courrier.

– Donnez-moi ça. Chères toutes et tous, je suis heureuse et libre. Je vis à l’ère des rêves en compagnie des Flying Dolphins, je vous aime. Prenez soin de vous. Soyez libres.

– Je crois qu’elle reviendra pas…

– Ne dites pas ça Virginie. Voyons. Un jour on lui manquera et elle…reviendra.

 – Christine Je vais y Aller.

– Oui vous avez raison reprenons le travail. 

– Non, non mais je… je vais rejoindre Isabelle.

– Comment…

 – Je suis libre.

– Non Jeanne non pas vous.

– Moi aussi Christine, j’y vais.

(Elles partent en explosant de rire)

– Vous le regretterez… Amèrement… Très certainement.

 

Michaël Benoit Delfini

 

Plus d’informations rétro-futuristes sur :

  • Facebook : Flying Dolphin Experience ; Clisson à l’échelle du cœur ; Clisson Fruitball Club
  • Website : www.compagnieartichaut.com

 

 

 

 

 

 

9 mai 2020 0 commentaire
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ActualitéTibovski - Dessin de la quinzaine

Palestine revêt sa robe d’allégresse

par Tibovski 6 mai 2020
écrit par Tibovski
Palestine

 

Dernier dessin de confinement. 

Comme je le mentionnais dans mon précédent billet, il y aurait beaucoup à dire sur la crise actuelle. Ce sera pour une prochaine fois. Aujourd’hui, je me contenterai de partager une information qui a de l’importance à mes yeux. 

Fatou Bensouda, la procureure de la Cour Pénale Internationale (CPI) a remis ce 30 avril un rapport soutenant l’ouverture d’une enquête concernant des “crimes de guerre” israéliens. La Palestine pourrait donc, après confirmation d’une chambre préliminaire, poursuivre Israël à la fois pour “crime de guerre” et pour “crime contre l’humanité”. La CPI avait été saisie en 2015 et c’est seulement en décembre que celle-ci avait annoncé son intention d’ouvrir une enquête. Cette enquête pourrait donc reconnaître la culpabilité de Tsahal (armée israélienne) durant la guerre de Gaza en 2014. Mais ce dossier a une portée plus large sur la question palestinienne. 

 

Disproportion

La complexité des rapports israélo-arabes a tendance à gommer la disproportion entre les forces israéliennes et palestiniennes. Comme si cette complexité rendait impossible de se positionner parmi les deux camps sans compromettre la paix. Il est évident que des tensions aussi anciennes et diverses sont ardues à résoudre. Il est également évident que c’est en direction de la paix que ces résolutions doivent être menées. Seulement tout cela doit être entendu sans pour autant présumer que les deux belligérants sont égaux dans cette affaire. Rappelons que la Palestine se bat encore pour être reconnue comme un État, que certains de ses territoires sont sous contrôle israélien et que les conditions d’existence y sont accablantes. On ne peut décemment pas promouvoir la résolution d’un conflit sans comprendre qu’elle n’a pas la même signification pour les deux États. Même s’il serait malvenu de le comparer à David contre Goliath, les intifadas se sont pourtant faites avec des lance-pierre. Les forces sont inégales. Parler de Paix dans ce conflit doit concerner, dans un premier temps, la subsistance d’un peuple palestinien qui étouffe. 

 

Négociations

L’intervention de la CPI dépasse donc la seule affaire de 2014 et offre à une Palestine désarmée un nouveau levier. Bien que seul, dans la région, Israël bénéficie d’importants soutiens diplomatiques. Ses excellentes relations avec les États-Unis lui assurent une position diplomatique et militaire puissante au Moyen-Orient et dans le Monde. Ce n’est évidemment pas le cas de la Palestine, qui, même en ayant le soutien de certains pays arabes, peine à accéder à un statut officiel auprès des différents organismes de gouvernances internationales. Le Conseil de sécurité de l’ONU lui avait refusé le statut d’État membre en 2011 et lui a finalement accordé en 2012 le statut d’État observateur non-membre. C’est seulement en 2015 que la Palestine a eu le droit de dresser son drapeau au siège de l’ONU malgré la désapprobation marquée des États-Unis. L’adhésion de la Palestine à la CPI lui octroie donc une reconnaissance officielle de l’organisme. Diplomatiquement, le travail de la CPI est donc majeur pour les négociations. Cela signerait également l’intervention d’une institution externe et neutre sur la question palestinienne. Cela va sans dire que cette interposition n’est pas du goût des autorités israéliennes qui y voient une ingérence malvenue. Israël n’est pas signataire du Statut de Rome à l’origine de la Cour Pénale Internationale. Mais comme je l’ai déjà précisé les rapports entre Israël et la Palestine ne sont pas équilibrés, il n’y a donc rien de malheureux à ce qu’un organisme indépendant s’y immisce. Il n’y a rien d’étrange non plus à ce qu’Israël y soit défavorable. 

 

Identité

Pour conclure, je dirais que le climat de la région a construit des positions politiques belliqueuses dans les deux camps. Or on pourrait entrevoir, dans cette affaire, l’espoir d’une évolution. Actuellement, le premier ministre conservateur Benjamin Netanyahou (a.k.a “Bibi”) peine à constituer un gouvernement israélien. Le pays a déjà connu trois élections depuis mars 2019 en raison de ces instabilités. Enfin, il y aussi le fait que Bibi soit dans l’attente d’un procès pour fraude et corruption. Si les élections législatives montrent que le conservatisme hégémoniste est encore fort en Israël, la crise politique actuelle pourrait marquer un tournant en mettant fin à plus de 10 ans de mandat pour Netanyahou. Ces décennies d’ultra-conservatisme israélien ont renforcé les courants nationalistes et militaristes en Palestine. C’est le cas du Hamas. Mais au risque de me répéter, ces courants politiques factieux ont évolué en Palestine pour des raisons différentes qu’en Israël. Elles sont une réponse à la crise humanitaire et à la menace constante. Le terrorisme et le nationalisme sont ici des voies politiques de survie. L’identité de ce peuple est une identité broyée définie au travers d’une longue et douloureuse oppression. Porter ses causes devant la Cour Pénale Internationale ouvre un nouveau canal pour mener les combats. Espérons que si cette voie prospère, les négociations se dérouleront sans feu ni sang. Mahmoud Darwich, un des plus grands poètes palestiniens, résumait l’identité de son peuple mieux que moi : 

 

Celui qui m’a changé en exilé m’a changé en bombe… Palestine est devenue mille corps mouvants sillonnant les rues du monde, chantant le chant de la mort, car le nouveau Christ, descendu de sa croix, porta bâton et sortit de Palestine”  

 

À la prochaine quinzaine !

 

Sources :

  • https://www.humanite.fr/historique-la-palestine-autorisee-poursuivre-israel-pour-crimes-de-guerre-et-crimes-contre-lhumanite?fbclid=IwAR3S7pnZnCFNgExkEWfCN0NQ6yxHrQaqoiOaccQO7ttxwOUaZ0idvwRWUFI 
  • https://www.lemonde.fr/international/article/2019/12/20/la-cpi-veut-enqueter-sur-d-eventuels-crimes-de-guerre-dans-les-territoires-palestiniens_6023652_3210.html
  • https://www.ouest-france.fr/monde/israel/israel-l-accord-de-gouvernement-entre-netanyahu-et-gantz-entre-les-mains-de-la-cour-supreme-6824969
  • https://www.haaretz.com/israel-news/elections/.premium-likud-and-kahol-lavan-shorten-freeze-on-appointments-after-high-court-hearing-1.8822047
  • https://edition.cnn.com/2015/09/30/world/united-nations-palestinian-flag/index.html
  • https://www.haaretz.com/israel-news/.premium-netanyahu-s-real-target-this-week-isn-t-the-high-court-but-it-is-a-judge-1.8822361

Photo de couverture par l’auteur Tibovski 

6 mai 2020 0 commentaire
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ActualitéTibovski - Dessin de la quinzaine

Tends l’autre joue…

par Tibovski 22 avril 2020
écrit par Tibovski
Tends l'autre joue...

Rien de bien précis aujourd’hui. Vous n’aurez pas le droit à mon indignation habituelle.Seulement une pensée, un brin poétique, je l’espère.

Pour ne pas vous décevoir, dès la publication de mon dernier dessin, je me suis mis en quête d’un nouveau sujet. Ma première frustration a été de constater que de trop nombreux candidats s’offraient à moi : Le tragicomique du procès de Trump contre l’OMS, le traitement des africains en Chine, l’incendie à Tchernobyl, les restrictions en Pologne sur les droits à l’avortement et l’éducation sexuelle, la recrudescence des violences policières dans les quartiers populaires. Tous des bons sujets auxquels, au demeurant, je n’aurais pu apporter la moindre touche personnelle. Ma seconde frustration n’a d’autre origine que le Covid-19. Toutes ces actualités  sont liées au coronavirus, alors que j’avais promis de ne pas en parler. L’échec de mes précédentes tentatives m’avait déjà fait déchanter. Comment se résigner à éviter un sujet omniprésent ? 

Ce long et pénible travail d’investigation m’a inspiré la réflexion suivante. La pandémie que nous vivons imprime de si profonds changements dans les affaires humaines que celle-ci se trouve mêlée à presque tous les évènements. Même ceux accidentels comme l’incendie de Tchernobyl. Prenons donc de la hauteur sur ces diverses thématiques, pour nous plonger dans le coeur de la question. Si je ne suis pas parvenu à éviter le sujet du coronavirus autant en parler franchement. 

La pandémie perturbe le fonctionnement usuel de nos sociétés. Ce qui profite à certains décideurs, et ce qui aggrave certaines situations. Souvenez-vous, par exemple, de l’invasion de criquets dont nous avions parlé dans un  précédent billet. Comment aurions-nous pu éviter le sujet de l’épidémie ? Une catastrophe comme celle-ci prend une tournure plus dramatique dans un contexte de crise sanitaire. Cette période marque une vulnérabilité profonde nous rendant à la merci de tous les vents. Tout événement se trouve inévitablement lié au coronavirus, puisque c’est celui-ci qui dictera son dénouement. Il n’y a rien à faire, c’est notre trame de fond d’aujourd’hui. Et demain, les historiens ne pourront échapper au contexte de pandémie pour lire ce qui a pu se dérouler pendant ces quelques mois. Reste que notre monde est fébrile et que le moindre malheur supplémentaire passerait pour un coup du sort, pour une seconde gifle… 

A la prochaine quinzaine !

Tends la joue

 

Dessins réalisés par l’auteur Tibovski. 

22 avril 2020 0 commentaire
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ActualitéTibovski - Dessin de la quinzaine

Viktor Orban : régner sur un champ de cadavres…

par Tibovski 8 avril 2020
écrit par Tibovski
Viktor Orban

Ce que je m’apprête à exposer ici pourrait alimenter une lecture mystique de l’Histoire. La montée du populisme xénophobe en Europe est une réminiscence d’un passé sombre mais pourtant pas si lointain. Comme si l’Histoire se répétait sans mémoire, ou qu’elle répondait à un ordre supérieur. Cela n’est évidemment pas ma vision. Je crois pourtant que l’Histoire est une mémoire à partir de laquelle l’humanité peut apprendre. Certes parfois imbécilement en dérapant sur les mêmes erreurs. Ainsi se pose une énigme trop vaste pour mon billet de la quinzaine : que peut nous enseigner le passé de notre espèce ?

Là où je veux en venir ;  le 31 mars, Viktor Orbán, premier ministre hongrois s’est arrogé les pleins pouvoirs. Le gouvernement, par cette loi censée répondre à la crise du coronavirus, suspend à la fois toute élection ainsi que l’activité du parlement. Comble de l’infamie, cette mesure ne prévoit aucune échéance précise. 

La question est donc : que nous enseigne notre passé pour interpréter cet événement ?  

 

De quoi Viktor Orban est-il le nom ? 

Anti-européen, protectionniste, xénophobe, son parti Fidesz constitue l’une des principales forces d’extrême droite en Europe. Cette vague récente, que l’on condamne souvent de “populiste”, est comparée à celle ayant frappé l’Europe dans les années 30. Mais est-ce vraiment comparable aux régimes du  l’entre-deux guerre  ? Oui et non. 

Oui parce qu’il y a dans le discours et les positions de l’extrême droite actuelle des thématiques et des cibles qui restent inchangées. Les régimes autoritaires européens ont profité d’une crise économique pour pointer la défaite des démocraties libérales. Le populisme se caractérise, en ce sens, par le rejet d’une élite distante des réalités, tout en puisant dans des symboliques fortes de nation et de moralité.

Le nationalisme d’hier et d’aujourd’hui s’attaquent identiquement à l’élite cosmopolite. Elite aujourd’hui caractérisée par les technocrates de l’UE. La nation constitue un principe unifiant mais aussi uniformisant qui ne peut supporter les minorités. La nuance toutefois, c’est que le contexte a changé. Le protectionnisme économique est une option beaucoup plus difficile à mettre en place avec les accords européens, les marchés communs et l’euro. Aussi déterminés soient-ils de claquer la porte à l’UE, cela n’est pas si simple. L’exemple britannique le rappelle-bien. L’Europe n’est plus la poudrière qu’elle était ; où le moindre prétexte était motif de guerre. Les Etats sont bien plus dépendants les uns des autres. C’est d’ailleurs cette dépendance parfois confondue avec de l’aliénation qui fait grimper les opinions anti-européennes. 

La seconde différence, c’est le contexte d’immigration. Certes, ces régimes  d’avant-guerre étaient profondément xénophobes. Toutefois, les flux migratoires n’étaient pas les mêmes et la xénophobie se manifestait majoritairement à l’encontre de populations européennes. Dans les années 30, les populismes ciblaient principalement les nations ennemies ou encore certaines minorités ethniques comme les juifs et les tziganes. Aujourd’hui le danger viendrait de l’extérieur de l’Europe, donnant aux migrations une connotation civilisationnelle.

Les migrants contres lesquels se dressent les partis d’extrême-droite contemporains constituent l’un des thèmes majeurs de leur politique. Il est possible que là où l’autre, l’étranger, était alors représenté par le voisin – encourageant d’ailleurs des ambitions hégémoniques – c’est aujourd’hui le lointain étranger qui incarne cet ennemi fictif qu’on agite devant les foules. La rhétorique n’a pas fondamentalement changé, en somme. Elle ne fait que s’adapter. 

 

Le spectre de la dictature nous est-il si éloigné ? 

Rappelons que l’article 16 de la Constitution française prévoit également des “pouvoirs étendus” au chef de l’Etat en temps de crise. Bien que se refusant à en faire usage, le gouvernement français a prévu une loi d’urgence pour réagir au Covid-19. Ces mesures, que certains pourront juger “nécessaires”, reviennent cependant sur des acquis sociaux. Une ordonnance permet par exemple des semaines de 60h de travail. Je ne juge pas ici de l’intérêt ou non de telles mesures mais rappelle que les crises donnent la possibilité, même en France, d’affermir le pouvoir exécutif.

Le choix du contrôle policier soutenu sur les déplacements de la population ainsi que ses dérives illustrent parfaitement les stratégies autoritaires souvent adoptées pour répondre à des situations d’urgence. Là où aujourd’hui nous voyons le moyen d’endiguer l’épidémie, rien ne nous assure que ce type de lois d’urgence soit en principe toujours bénéfique pour la population. Premièrement, cela dépend des détenteurs du pouvoir politique. Et le défaut principal des systèmes représentatifs, c’est la possibilité pour un groupe politique potentiellement néfaste d’accéder démocratiquement au pouvoir. Rien ne garantit que le peuple choisisse des représentants qui leur soient favorables. La définition d’une “crise” et des moyens de sa résolution dépend uniquement du pouvoir politique en place. Cet argument pose une interrogation encore plus fondamentale. 

 

Pourquoi l’autoritarisme comme réponse à une crise ?

Je ne formule pas ici une opposition franche, je me permets juste de questionner ce qui semble être du domaine de l’évidence. Pourquoi conçoit-on qu’un moment d’urgence nécessite de centraliser les forces ? La réponse la plus évidente serait de dire que l’urgence appelle à une réponse rapide et efficace. Simplifier le processus décisionnel permet à la fois d’épargner la gestion de débats inféconds mais aussi d’avoir plus de leviers et de flexibilité sur l’ensemble de la situation. Unifier la gestion de la situation consiste en ce sens à permettre la planification et le développement d’une stratégie cohérente. 

Plus rapide ? Oui.  Plus efficace ? Peut-être. Adéquat ? Tout dépend de ceux en charge de la gestion de crise. L’urgence n’exige pas de faire n’importe quoi pourvu que ce soit fait vite. Si je souffre d’affreuses crampes d’estomac, je ne me rendrai pas chez le premier marabout ou chaman du coin sous prétexte qu’il est disponible plus tôt que mon médecin traitant. Je rajouterai également que le jeu politique ne s’arrête pas en pleine crise. Le management de crise chez les professionnels de la politique, c’est aussi la capacité à l’exploiter à son avantage. C’est précisément le moment où il faut redoubler d’attention et d’esprit critique.

Que Macron et Philippe s’indignent des procès qui sont en train d’être menés contre l’exécutif en pleine crise me paraît plus que dérangeant, voire douteux. C’est précisément parce que la moindre décision peut avoir de graves conséquences qu’il est essentiel de juger en temps réel les réactions des décideurs. Ce doute s’impose d’autant plus quand on sait que certaines des personnalités aujourd’hui en action sont en partie responsables de l’exsanguination du système de santé français. 

L’accident industriel de Lubrizol avait également permis de mettre en lumière le problème profond de gestion de crise sanitaire en France. Les autorités publiques ont sciemment menti à la population et à certains responsables locaux afin d’éviter toute panique. Le présupposé ici est que l’information dans ces situations peut être dangereuse pour la population. Seulement on sait aujourd’hui que le risque de la panique est une fausse idée reçue (Une excellente vidéo explique cela en détails). Malheureusement la rétention d’information risque de compromettre les opérations de gestion de crise. Et nous pouvons également nous demander si l’autorité représente  la meilleure stratégie pour répondre à cette crise.  En effet, il y a peut-être là aussi un présupposé erroné ou fallacieux. Car c’est bien en urgence que l’on fait davantage de concessions. Des concessions qui peuvent parfois être dangereuses. 

A la prochaine quinzaine !

 

Dessin de couverture : Victor Orban par © Tibovski 

8 avril 2020 0 commentaire
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ActualitéTibovski - Dessin de la quinzaine

Le dessin de la quarantaine !

par Tibovski 25 mars 2020
écrit par Tibovski
criquets

La situation que nous vivons est plus que particulière. Il y aurait beaucoup à dire. Sur le confinement, sur les lourdes conséquences d’un système hospitalier exsangue, sur l’hypocrisie de la classe dirigeante et ses mesures contradictoires. À la fois je pense qu’il est important de traiter certains de ces sujets, car notre quotidien est rythmé par cette seule affaire de pandémie et que beaucoup est en jeu. De l’autre, c’est justement parce que nous en sommes submergé qu’il importe de dépasser cela, d’évoquer d’autres sujets. 

Pourquoi ? Pour des raisons psychologiques : éviter l’obsession, l’angoisse. Pour des raisons intellectuelles : avoir un tableau plus large de la situation, comprendre que d’autres choses animent le monde en ce moment. Pour des raisons morales : se soucier d’autres crises qui frappent ailleurs. Je pense aussi que BSF s’est depuis le début proposé d’explorer l’Ailleurs, au travers du voyage, des questions humanitaires et sociétales. N’est-ce donc pas cohérent dans un cas d’enfermement partiel, de porter le regard sur autre chose. Je n’ai pourtant pas de solution, ni d’idée brillante pour répondre à cette intuition. 

criquets

Ce que je vous propose, brièvement, c’est de nous intéresser quelques instants au problème que subit l’Afrique de l’Est, une partie de la péninsule arabique et de l’Asie du Sud depuis plusieurs mois. Certes, cela n’apporte ni joie ni espoir, mais c’est grave. Des milliards de criquets envahissent et prolifèrent dans ses régions dans des proportions inédites depuis un quart de siècle. Les essaims dévorent les cultures. La quantité d’insectes est problématique pour les récoltes et annonce une grave crise alimentaire dans des régions déjà fortement touchées par la pauvreté, la guerre et les catastrophes naturelles.

criquets

 Le petit dessin pseudo-humoristique que je vous livre laisse penser qu’il y a un monde touché par le coronavirus et un autre touché par les criquets. Mais en réalité, l’Afrique subsaharienne commence à être touché par l’épidémie, et inquiète l’OMS. Car la plupart de ces pays n’ont pas les moyens techniques et humains pour répondre à cette crise sanitaire. La pandémie risque de se surajouter à la famine et d’accroître les pertes. 

Maintenant, je souhaiterais poursuivre cet élan, en proposant plus fréquemment des illustrations, des réflexions à la fois sur la pandémie, mais aussi et surtout sur d’autres thématiques. Rien de certain. C’est encore en maturation. Cela pourrait être des formats plus brefs, plus spontanés. Quelque chose comme “Le dessin de la quarantaine” à la place du “dessin de la quinzaine”. 

25 mars 2020 3 commentaires
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ActualitéTibovski - Dessin de la quinzaine

Assange : Faites-donc taire ce sifflet !

par Tibovski 27 février 2020
écrit par Tibovski
Assange

 

Dernière porte à enfoncer pour museler le chien, le traître. Pour un monde qui se décrépit et s’agite de révoltes, la parole et l’information se montrent dangereuses. Seul le vacarme de la machine est autorisé, toute voix doit se confondre avec ou se taire. Le “public” de la “parole publique” ne se retrouve plus que dans “publicité”. Le vieux monde peine à cacher ses rides aux yeux avertis, et pourtant, il ne veut rien laisser transparaître. Honte pour notre espèce, honte pour notre époque, honte pour nos idéaux. Car ce sont tous les crieurs publics qui risquent d’être étouffés. 

Julian Assange le fondateur de WikiLeaks est actuellement jugé en Angleterre pour décider de son extradition vers les Etats-Unis. Voilà bientôt 10 ans que les Etats-Unis cherchent à mettre la main sur Assange, pour lui faire payer la divulgation de documents classifiés concernant les interventions militaires au Moyen-Orient. Dans ces documents on pouvait y trouver notamment des vidéos montrant des soldats américains tirant sur des civils irakiens. 

 

Un cyber-robin des bois

Récapitulons. Assange est un informaticien australien, un ancien hacker, un vieil ennemi de l’Etat, militant de la liberté privée. Alors que les individus mènent un combat perdu d’avance pour protéger leurs informations privées, les secrets d’Etats sont les mieux protégés au monde. L’asymétrie entre une autorité qui collecte et catalogue tous les détails sur ses populations mais refuse d’être transparente sur ses activités est une injustice.

La légitimité d’un secret d’intérêt public ne convainc pas notre activiste. Si ces puissances sont, comme elles l’affirment, démocratiques et républicaines (res-publica= chose publique), alors elles se doivent de rendre public, de rendre au public, son fonctionnement. Comme on le dit souvent pour justifier toute mesure de surveillance : “Si vous n’avez rien à cacher, alors il n’y a rien à craindre”. Mais c’est cette asymétrie qui instaure l’ascendance. Plus un pouvoir est obscur, mieux il contrôle ses effets. Ainsi l’information devient une arme contre les puissants. C’est le but même de WikiLeaks : réarmer le peuple. Ce site qu’il a créé en 2006 fonctionne comme une plateforme divulguant des fuites d’informations d’intérêt public. 

 

La fureur du Pentagone

En 2010, le site divulgue un ensemble de document sur les différents conflits menés par les Etats-Unis au Moyen-Orient. Voulant le juger, les Etats-Unis profitent d’une mise en accusation de l’activiste en Suède pour avoir retiré son préservatif durant un rapport sexuel (fait puni par le droit suédois) en demandant son extradition. Assange refuse de se rendre en Suède de peur d’être extradié. La Suède émet un mandat international. Il est alors arrêté à Londres, et la Cour Suprême refuse sa demande de non-extradition vers la Suède. Julian Assange se réfugie alors dans l’ambassade de l’Equateur à Londres. Le pays d’Amérique latine lui accorde l’asile.

Assange y reste 7 ans, confiné dans un appartement de l’ambassade et surveillé par les services britanniques et américains. Le gouvernement équatorien autorise finalement les autorités anglaises à venir l’arrêter dans l’ambassade, bien qu’ayant obtenu la nationalité équatorienne un an auparavant, bien que la Suède ait abandonné les charges. 

 

Journalisme ou espionnage ? My name is Assange… Julian Assange

Le cas d’Assange va être enfin décidé. Et cela ne s’annonce pas très bien : premièrement le précédent jugement avait tranché en faveur d’une extradition. Secondement le Royaume-Uni a montré beaucoup de zèle en faisant pression sur la Suède pour qu’elle conserve les accusations et en maintenant le mandat d’arrêt même après l’abandon de la Suède. Et enfin parce que les Etats-Unis ayant récemment modifié les charges d’accusation, il risque une peine de 175 ans de prison.

Initialement, Assange n’était poursuivi que pour avoir aidé la lanceuse d’alerte Chelsea Manning à pirater les systèmes informatiques de la Défense américaine. Avec les griefs d’espionnage, non seulement la peine est beaucoup plus lourde, mais surtout les journaux ayant collaborés à diffuser les informations pourraient également être mis en accusation pour complicité.

La liberté d’information est donc sérieusement mise en péril, en dissuadant les journalistes et lanceurs d’alertes, mais aussi en créant un précédent juridique sur la scène internationale. 

 

Deux poids, deux mesures. 

La relation entre information, liberté et pouvoir est plus que complexe pour être traitée correctement et exhaustivement ici. Seulement je constate qu’il y a effectivement une asymétrie dérangeante entre la population et les gouvernements. Cet article se rédige à l’heure où les premiers essais de reconnaissance faciale se généralisent, et où la surveillance généralisée s’endurcit en Chine sous prétexte de l’épidémie COVID-19. À l’heure où l’on s’indigne pour la vie privée uniquement quand elle touche un politicien et où l’on réclame la fin de l’anonymat sur Internet.

Je me souviens très bien qu’à l’époque où Assange se voyait menacé d’une condamnation aux Etats-Unis, le Time faisait de Mark Zuckerberg la personnalité de l’année 2010. Le contraste m’avait déjà frappé à l’époque, alors qu’on ne connaissait pas encore l’étendue de l’affaire sur l’exploitation des données personnelles mise en oeuvre par Facebook. De l’autre côté, Wikileaks fait l’exact inverse en diffusant des informations d’intérêt public. Vous voyez donc la double vitesse avec laquelle on traite les problématiques sur les secrets et la vie privée en fonction de la place dans l’échiquier. 

Pourtant, je n’aime pas Assange, humainement. Je ne souhaite ni en faire un héros ni un martyr. Sa suffisance, son culte de la personnalité, son rapport aux femmes ; tout cela m’irrite au plus haut point. Mais c’est précisément parce que cette histoire ne concerne pas une personnalité, mais la libre parole et le droit à la transparence, qu’elle est de la plus grande importance. 

À tous les lanceurs d’alerte et leur sifflet qui prennent des risques pour notre droit à savoir !

J’ai fait bref pour une fois : à la prochaine quinzaine !

27 février 2020 0 commentaire
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Baudouin Duchange - Chroniques

La vraie vie

par Baudouin Duchange 6 janvier 2020
écrit par Baudouin Duchange
La vraie vie

 

Ah le retour en entreprise après les vacances de Noël ! Le coup de blues de la rentrée se consumant dans un café avec un goût de plastique fondu – le premier de l’année. Les retrouvailles fraternelles et emplies d’allégresse avec nos chers collègues, ou plutôt collaborateurs, et pourquoi pas amis, ou même famille professionnelle ! Et notre responsable N+<3 qui, la démarche débordante d’énergie positive, le sourire croisé-dynamique plein d’espoir dans le travail à venir, arrive pour nous remettre son bonjour. Bonne année patronne ! Un regard vers une pile de dossiers inachevés nous renvoie à notre repos encore si fatigué par les dernières festivité. Une larme coule à l’intérieur. C’est le coup de fouet, souvenir d’un cri de détresse oublié, la rentrée. 

 

C’est pourtant très jovialement qu’un collègue rendant visite à mon bureau dévoila sa tête pleine d’une joie stupide dans l’encadrement de la porte et me susurra : « alors le retour à la vraie vie ? Pas trop dur ?! ». 

– Et bien écoute, c’est un calvaire de retrouver ta sale gueule en tout cas, ne lui dis-je pas. 

– Oui c’est vrai qu’il faut toujours un temps d’adaptation. Moi aussi ça va, merci ! 

– Je t’en pris gros con. Attends une minute, fin de cuvée fini à la pisse, pourquoi, dans ton inconsciente maladresse d’idiot du 9ème étage, as-tu utilisé cette expression de « vraie vie » ? Qu’est-ce que ça signifie le retour à la vraie vie ? 

– Bah, me lança t-il d’un air gras, l’oeil las et le front bas, c’est quand on retourne au métro-boulot-dodo quoi ! termina-il avec une lueur malicieuse dans les yeux. 

– Dis moi alors en quoi mes putain de vacances de Noël ne sont pas la vraie vie, ignoble pourceau né pour dire et bouffer de la merde à longueur de journée ? ne lui demandais-je pas. 

– Bon tu as l’air concentré, je te laisse ! Bon courage et à tout à l’heure à la cantine ! conclut-il, les mains moites.  

 

Marshall Eriksen, dans How I Met Your Mother

Marshall Eriksen, dans How I Met Your Mother

 

La vie à part entière  

Ceci-dit, il n’a pas tort pour autant ce bout d’os totalement dénué de bon sens ! Pourquoi ce sentiment de tristesse lorsque l’on rentre de congés ? Pourquoi cette impression d’avoir oublié en vacances quelque chose de plus important que ce que l’on retrouve sur son bureau ? Mon collègue soupçonne le quotidien d’en être la cause. Comme lui, d’une certaine manière, Schopenhauer pensait que « chaque jour est une vie à part entière ». Mais il faut pour cela, à mon sens, se forcer à mettre en oeuvre cette vie entière dans chaque journée que l’on passe. Or, en venant travailler chaque matin dans le même bureau, avec les mêmes problèmes et thématiques professionnelles, à discuter des mêmes choses avec les mêmes personnes – c’est-à-dire : congés payés, salaire, problème de transport, immobilier, travaux – la même question languissante me revient chaque soir : où est la vie à part entière ? Où est la part des anges qui satisfait notre créativité et notre désir d’intelligence ? Perdue dans le quotidien de nos journées de travail répétitives.

 

Peut-être que la faute originelle se trouve dans le fonctionnement de notre système du travail moderne. Le problème est celui de la taylorisation du travail, qui est toujours le même système depuis le début du salariat, de l’industrialisation et du capitalisme. Le taylorisme est un « système d’organisation scientifique du travail et du contrôle des temps d’exécution » (eh merce Larousse). Ainsi, pour Taylor et ses copains,  le meilleur moyen de maximiser les rendements d’une production était de diviser au maximum les tâches, au préalable réfléchi pour être les plus efficace,dans leur geste, rythme et cadence, tout en leur attribuant une rémunération « motivante ». L’illustration industrielle la plus connue est celle du film de Charlie Chaplin, Les temps modernes, où un salarié devient fou à force de resserrer tous les jours des boulons.

 

Mais le problème du travail à la chaîne n’a pas disparu avec les usines ! On le retrouve aujourd’hui dans des entreprises comme McDonald’s ainsi que dans tous les métiers de service. La nouveauté contemporaine est donc que nous sommes passés d’un taylorisme « physique » à un taylorisme intellectuel. La conséquence, en revanche, est resté : le sentiment de vacuité qu’on peut ressentir au travail. Pourquoi ? Car à force de se spécialiser dans des sous-sous-sous matières, de créer des sous-sous-sous directions dans les entreprises, et de travailler uniquement sur des questions spécifiques sur lesquelles nous sommes spécialistes, on ne voit pas ce que l’on produit. Résultat d’autant plus aggravé par la numérisation au travail. Cette organisation du travail dans les entreprises produit un sentiment de vacuité et crée un profond ennui du travail. Super la vraie vie…

 

Les temps modernes, Charlie Chaplin

Charlie Chaplin dans Les temps modernes

 

La liberté opposé au travail ?

Mais il faut pourtant bien travailler ! En effet, qu’importe ce genre de balivernes théoriques lorsqu’on a faim, un emprunt à rembourser, une famille à élever, un manque à combler, un réservoir à remplir, un projet à réaliser, une bouche à nourrir ; enfin, une vie à mener bon sang ! Bien entendu qu’il est bon de travailler, chacun à ses raisons, même lorsqu’on n’en a pas.  Avec tous ces éléments, une problématique se pose pourtant. En effet, lorsque mon collègue me souhaite un bon retour à la vraie vie, il me souhaite en fait un bon retour à un profond ennui que j’accepte uniquement pour me payer une vie. Mais en fait, pourquoi l’accepterai-je ? Car alors, l’équation est la suivante : l’angoisse de la rentrée = retrouver le quotidien = retrouver l’ennui = payer de quoi se payer = retour à la vraie vie = la vie n’a donc aucun sens ?? 

 

Je pense simplement que la vie ne doit pas se limiter à cela. Dans Miss Harriet (à retrouver en intégralité en cliquant sur le lien), Maupassant écrit un bel éloge de la liberté errante : « Je ne sais rien de meilleur que cette vie errante, au hasard. On est libre, sans entraves d’aucune sorte, sans soucis, sans préoccupations, sans penser même au lendemain. On va par le chemin qui vous plaît, sans autre guide que sa fantaisie, sans autre conseiller que le plaisir des yeux. On s’arrête parce qu’un ruisseau vous a séduit, parce qu’on sentait bon les pommes de terres frites devant la porte d’un hôtelier. Parfois, c’est un parfum de clématite qui a décidé votre choix, ou l’oeillade naïve d’une fille d’auberge ». 

 

L’idée n’est pas, bien-sûr, de se reconvertir du jour au lendemain en gens du voyage, mais de bousculer un peu notre quotidien à la rencontre des autres, de répandre un peu d’imprévu dans nos journées planifiées, souffler un vent de poésie et de fantaisie dans notre société où tout doit être contrôlé, prévu, surveillé, exécuté. 

 

Comment trouver cette liberté ? L’écrivain Colin Wilson se demandait si la « recherche de liberté finissait, toujours aussi inévitablement, dans le lit des femmes ». Je ne sais pas. Personnellement, je cherche toujours. J’entendais l’autre jour dans le RER une dame discuter avec sa copine de Léonard de Vinci : « on dit parfois que c’était un chercheur, mais bon, comme on dit, quand on cherche on ne trouve pas forcément si tu vois ce que je veux dire ». Non désolé, je ne vois pas ce que tu veux dire, vieille peau ! En revanche, cela résume assez bien ce que je ressens : on ne trouvera certainement jamais la liberté telle quelle, mais c’est justement dans l’action de chercher que se manifestera une satisfaction, une récompense, une création, la vraie vie !

 

Conclusion 

« Et moi, je vais finir cette bouteille de vin

En regardant la table, en me tordant les mains

Et moi, je vais passer la nuit dans le jardin

À compter les étoiles, ça ira mieux demain » 

 

Johnny hallyday, Parc des Princes 1993

Johnny hallyday, Parc des Princes 1993

 

Johnny a, comme toujours, certainement raison. Avec un peu de pain, un peu d’alcool, un peu de repos, ces réflexions me passeront, un jour. Peut-être même parviendrais-je à les oublier ? Je ne l’espère pas, car sinon j’aurai abandonné. En attendant, fini de rêver car demain rebelote, au boulot ! 

 

6 janvier 2020 0 commentaire
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Voir, juger, agir. Aventures et mésaventures à travers le monde... 🌦

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Diam Welly est un village où régnaient la paix et l'harmonie. La communauté des Peulhs vivait avec celle des Mandingues sans distinction. La joie de vivre y avait élu domicile ; les hommes et femmes étant en communion. Karamokho, un homme de valeur et bien respecté au village, y vivait avec son épouse Coumba, une femme vertueuse que tous les hommes auraient aimé avoir dans leur concession. La tradition avait réussi à construire une société juste, faite de solidarité, d'amour et d'entraide.
Cependant, la modernité — ou selon les mots de l'auteur, le Nouveau Monde — ne laissera pas Diam Welly indemne puisqu'elle le fera résolument s'engager dans une nouvelle ère de mutations affectant les moeurs, la moralité, les codes et conduites favorisant, ipso facto, l'émergence d'individus — comme Sellou, faisant la cour à l'épouse de Karamokho alors absent — gouvernés par la satisfaction de leur plaisir et de leurs intérêts personnels.
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La Carte Blanche de la photographe @gwenvael_engel 📸 de l'agence @studiohanslucas 
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Montréal, Canada, 2020. 
Selon la perception de leur corps, ces femmes abordent des comportements distincts influençant leur utilisation de l'espace, leur posture, mais également leur toucher. Durant les séances photos, elles se surprennent de la tendresse qu’elles s’accordent. Ce travail ne rend pas nécessairement compte “d’imperfections physiques”, il tend surtout à questionner le rapport qu’elles entretiennent avec elles-mêmes dans un espace qui leur est donné
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Persepolis • Iran • 2016
Meisam livre ses inquiétudes concernant son service militaire qui commence dans quelques jours. Il ne sait pas comment apporter de l'argent au foyer, ni qui s'occupera de sa femme malade, alors âgée de 18 ans à cette époque
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Que serait le travail collectif et l’entraide sans ce moteur essentiel : le sourire ? Réponse concrète avec @romain_mailliu , volontaire chez @lp4yglobal 💥

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Persepolis • Iran • 2016
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Persepolis • Iran • 2016
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Persepolis • Iran • 2016
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Kol Ukok, Kirghizistan, 2015.
Traditionnellement, la yourte est ouverte vers le sud par une entrée unique. A l'intérieure, l’espace est quadrillé selon un usage précis. Le sud et l’est de la yourte sont l’espace de la femme où se trouvent le foyer et la place de travail. L’espace de l’ouest est réservé à l’homme et aux invités. Cette photo est révélatrice : dirigée vers le sud, c’est la femme qui se dévoile, à sa place comme l’admet la tradition
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Le comédien ET metteur en scène Michaël Benoit Delfini
 t’aide à te lancer avec ce texte burlesque digne d'un @borisvian_officiel !
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[CULTURE] - Déjà entendu parler des Bullshit j [CULTURE] - Déjà entendu parler des Bullshit jobs ? On doit l’expression à feu David Graeber 🔥
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Anthropologue ayant réhabilité l’anarchie ♾ Figure du mouvement Occupy Wall Street ♾ Ecrivain multi-récidiviste ♾ Les Sex Pistols n’ont qu’à bien se tenir ! 
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Dessin + article par l’audacieux @tibovski ✏️
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