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Voir, juger, agir.

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Réflexion

Voir, juger, agir. Aventures et mésaventures à travers le monde... 🌦
Tibovski - Dessin de la quinzaine

David Graeber : l’anthropologue punk

par Tibovski 7 octobre 2020
écrit par Tibovski
L'anthropologue-anarchiste David Graeber

Hello, Hello….

2020 ne sera décidément pas le meilleur millésime. Le 2 septembre dernier, David Graeber, anthropologue et grande figure de la gauche américaine, est décédé. Cet homme était un vrai punk. À titre d’hommage, je vais revenir sur certaines de ses contributions majeures et tenter d’en extraire des enseignements utiles. Bien entendu, vous devez voir ça comme un maladroit préambule aux remarquables travaux de Graeber surtout connu pour son livre Bullshits Job. Avec cet article de rentrée, ce sera l’occasion de dépoussiérer un petit peu l’anarchisme et l’anthropologie. 

 

Pourquoi devriez-vous connaître ce gars-là ? 

Je sais, je sais : vous pensez probablement que je vais vous embêter avec une obscure figure de la far-left américaine. C’est pourquoi je vais m’appliquer dans un premier temps à vous expliquer à quel point Graeber est plus connu que vous ne l’imaginez, et surtout à quel point il mériterait de l’être davantage. Commençons déjà par dire que cet anthropologue est l’une des grandes figures de l’anarchisme, de l’altermondialisme et du mouvement Occupy Wall Street. On lui doit ce slogan mondialement connu : “Nous sommes les 99%”. Il faisait alors référence à la répartition inégale des richesses du monde. Que penser de cet anthropologue et militant anarchiste ?  

Il sait créer des slogans : très bien. Mais sérieusement, l’anthropologie ? Un truc d’universitaire poussiéreux ne s’intéressant qu’aux rituels de chasse en Papouasie. Et bien non. Enfin si, quelque part ; ses premières études portent sur l’héritage du colonialisme chez les peuples de Madagascar. Toutefois, l’anthropologie est loin d’être poussiéreuse. L’anthropologie cherche à comprendre l’homme, en tant qu’être social et culturel, au travers de l’étude ethnographique des divers groupes et cultures humaines. Claude Lévi-Strauss, anthropologue français de renom, s’intéressait justement à extraire des différences culturelles une sorte de structure commune : des “invariants culturels”, disait-il. À ce titre, Lévi-Strauss nomma un de ses ouvrages Le regard éloigné, en référence directe à cette citation de Rousseau qu’il affectionnait :

Quand on veut étudier les hommes, il faut regarder près de soi ; mais pour étudier l’homme, il faut apprendre à porter sa vue au loin ; il faut d’abord observer les différences pour découvrir les propriétés. (Essai sur l’origine des langues, chap. VIII.)

Ainsi, même une lointaine ethnie éteinte du Pacifique peut nous en dire beaucoup sur la crise économique, sur la Covid-19 et même sur la startup nation. 

Ok. Ok. L’anthropo c’est cool ! Mais Graeber est aussi un militant anarchiste de longue date. Et l’anarchie, c’est quand même digne des “tags aux blancos sur les eastpacks du collège”. Ce n’est vraiment pas un modèle politique viable et mature. En réalité, l’anarchie n’est ni une crise d’ado, ni un régime politique spécifique. Graeber s’appliquera à montrer que l’anarchie, contrairement au communisme, est avant tout une pratique. Cette “pratique” se retrouve à de très nombreux niveaux, et dans de très nombreux groupes sociaux. On dit qu’un ensemble d’individus développe des tendances anarchistes si celui-ci décentralise équitablement le pouvoir et les responsabilités. On parle aussi “d’autogestion”. “Anarchie” vient du grec anarkhía qui signifie “absence de pouvoir”. Ainsi toute tentative, à n’importe quelle échelle, visant à limiter politiquement la concentration des pouvoirs, peut être considérée comme anarchiste. Ce qui est également intéressant, c’est que l’étude des sociétés humaines nous apprend que le pouvoir et l’Etat sont des constructions culturelles et qu’il existe une myriade d’autres formes de gouvernance. Plutôt que d’être destructeur et digne d’un “émo boutonneux”, l’anarchisme est un courant qui s’autorise à penser d’autres rapports sociaux. Des rapports sociaux qui nous sont souvent présentés comme impossibles. Et l’anthropologie enrichit notre imaginaire d’un éventail beaucoup plus vaste de structures humaines. 

Graeber, chercheur et militant, s’efforce d’offrir une synthèse riche de ces deux facettes. D’abord en montrant la force politique de l’anthropologie, puis en déshabillant notre monde de ses sombres facéties. 

 

Vers une anthropologie politique : 

Le premier livre que j’ai lu de Graeber est Vers une anthropologie anarchiste dans lequel il constate avec étonnement la faible représentation de l’anarchisme dans sa propre discipline. Il y développe un ensemble de considérations montrant que l’anthropologie a toutes les clefs pour produire un riche outillage intellectuel de l’anarchie. On conclurait volontiers que Graeber produit une recherche militante. Pourtant il affirmait – étrangement -ceci au journal Le Monde :

« Une anthropologie marxiste existe sans doute, elle s’attache à employer les concepts marxistes à ce domaine de connaissance. Je ne fais rien de ce genre. Je me contente de pratiquer l’anthropologie, entendue au sens classique du terme, comme le fait mon mentor Marshall Sahlins. J’ai débuté ma carrière de manière assez conventionnelle par un travail de terrain à Madagascar, où j’ai étudié l’héritage de l’esclavage sur une petite communauté rurale. D’une certaine manière, je mène deux carrières de front : auteur militant et anthropologue. Elles se chevauchent par moments, mais restent autonomes. »

Pour y voir plus clair, il faut préciser la façon dont ce chercheur concevait son travail. 

Keith Hart le considère, au même titre que Rousseau, comme “un anthropologue des sociétés inégales” (Hart 2006, 2013). Cela signifie que ses études cherchent à clarifier les mécanismes d’inégalité dans les sociétés humaines. Dans ses premiers travaux sur la population de Befato à Madagascar, Graeber constate que les rapports politiques et de pouvoir se trouvent partout dans cette culture post-coloniale. Les rapports de pouvoir apparaissent comme des “réfractions de l’esclavage” et se trouvent fortement ancrées dans les croyances magiques de ces habitants. Ainsi sans même une formation politique claire, les rapports politiques et de pouvoir constituent un cadre analytique sous-jacent pour comprendre les codes et normes d’un groupe social. Dans Dette : 5000 ans d’histoire, son étude sur les fondements des dettes, David Graeber nous donne un autre exemple en montrant que la dette est consubstantielle à la notion d’argent et qu’elle régit des rapports de pouvoir très anciens. Il explique que les sociétés du troc sont un mythe, et que dès leurs origines les échanges marchands ont permis d’asseoir l’autorité d’un créancier sur un emprunteur. La monnaie ne serait autre que la codification de cette domination économique.

En clair, pour Graeber, l’anthropologie s’efforce de comprendre l’Homme au travers de ses rapports politiques. Dans Toward an Anthropological Theory of Value (2001), il explique que l’anthropologie, au travers de la notion de “valeur”, ne pointe pas seulement des visions du monde différentes, mais également des éthiques différentes. Le travail de l’anthropologue ne se distingue, dès lors, plus tellement de la politique. Déjà, parce qu’il est, de fait, impossible d’avoir un regard neutre sur  l’objet de recherche. Le chercheur, d’autant plus en science sociale, a un regard situé. Mais surtout, en étudiant la diversité des formes politiques existantes, celui-ci peut révéler des mécanismes structurels qui sous-tendent nos sociétés. Dans Pour une anthropologie anarchiste, il voit dans l’anthropologie une discipline puissante capable d’enrichir les réflexions politiques de la connaissance de l’Homme et la société. Seulement, les anthropologues évitent souvent ce genre de discours de peur d’être taxés “d’utopistes”. Pour Graeber, au contraire, l’anthropologue n’est pas un utopiste puisqu’il peut montrer que certains idéaux politiques sont non seulement possibles, mais ont déjà existé sous quelques formes. En d’autres termes, l’anthropologie est politique parce que son seul travail brise la plupart des mythes fondateurs des sociétés étatistes (sur l’Etat, la monnaie, l’ordre, la violence…). 

 

Anarchie et Graeber : dessin sépia à l'encre

 

Capitalisme technocrate de l’absurde

Aujourd’hui, Graeber est beaucoup plus connu pour ses essais intellectuels et militants. Fort de ses connaissances ethnologiques, ce dernier s’est appliqué à détruire beaucoup d’idées reçues sur notre monde occidental contemporain et à souligner la violence du capitalisme néolibéral. 

Des professions saugrenues :

Son attaque la plus connue et captivante porte sur l’absurdité de beaucoup d’emplois tertiaires du monde post-industriel. Ce livre, c’est Bullshit Job. Je vous en avais parlé dans un précédent article sur la pénurie de masques. Le propos de Graeber est plutôt simple : alors que le libéralisme a promis que la croissance économique réduirait la charge de travail à des semaines de 15h, nous travaillons toujours autant. Car, comme nous l’enseigne Weber, le capitalisme trouve ses racines dans l’éthique du travail qui valorise l’effort et la souffrance comme hygiène spirituelle. Ainsi, plutôt qu’une réduction du temps de travail, de nombreux emplois sans intérêt ont vu le jour. Réceptionnistes, private equity, community manager… Je vous passe, avec regrets, les détails de ces jobs que Graeber énumère avec humour tout au long du livre. Ce qu’il faut retenir, c’est que les bullshits jobs participent à “la féodalité managériale” qui use d’emplois subalternes pour renforcer le prestige social de certains acteurs et organismes privés.

De la paperasse, toujours plus de paperasse :

Oui, notre homme s’est aussi attaqué à la bureaucratie. Si vous pensez à une diatribe convenue sur les ronds-de-cuir, vous vous méprenez quelque peu. Graeber casse d’emblée cette idée que la bureaucratie serait l’affaire des administrations publiques. Le premier point à retenir, c’est que la bureaucratie est globale. 

“Et si les rites de passage constituent les scènes emblématiques de l’observation anthropologique, et si c’est généralement au travers de festins, d’onctions, de chants, de danses et de formules magiques que s’organisent les naissances, les passages à la vie adulte, les mariages ou les décès, c’est désormais la paperasserie qui, plus que tout autre rituel, encadrerait ces changements dans nos sociétés. Car le constat est bien là : pour Graeber, la bureaucratie a tout envahi.” Weller, J. M. (2016). Bureaucratie. In Annales des Mines – Gerer et comprendre (No. 4, pp. 77-79). 

Tant est si bien que Graeber estime que rien ne permet aujourd’hui de distinguer les administrations publiques des administrations privées. Ces deux sphères se sont harmonisées administrativement. Cela a d’ailleurs considérablement facilité les passerelles entre celles-ci, ainsi que la progression de l’économie de marché. En France, par exemple, nous déplorons les situations de pantouflage des “hauts fonctionnaires”, du lobbying et des conflits d’intérêts. Ces passerelles profitent davantage aux élites économiques et sociales. Car pour Graeber, la bureaucratie n’est pas seulement globale, elle est invisible et violente. Ces deux caractéristiques sont la conséquence directe de la première. Parce qu’elle est globale, on ne perçoit pas la façon dont la bureaucratie nous inonde et influence notre existence. Elle est violente, pour Graeber, précisément comme tout pouvoir globalisant et centralisé. C’est un principe anarchiste : plus le pouvoir est concentré, plus il exprime une volonté unique qui nie et broie l’expression des autres volontés individuelles et collectives. La bureaucratie écrase par sa complexité, impose des contraintes absurdes, creuse les inégalités et donc renforce l’autorité des institutions et des plus riches. Le renforcement des postes administratifs, dans les secteurs de la santé, de la recherche et de l’éducation, se fait au détriment des emplois indispensables. Cela rejoint donc le conflit entre des emplois nécessaires mais précaires et les bullshit jobs pointé par Graeber. 

 

Conclusion

Le livre sur la bureaucratie est sous-titré “l’Utopie des règles”. Et c’est ce qu’il y a de fascinant chez Graeber : il inverse la tendance. Il reprochait aux anthropologues de restreindre leurs analyses politiques au risque de paraître utopiste. Mais l’utopie, ce monde inexistant, c’est bien le nôtre. Nous vivons dans un système mondial particulièrement complexe fait d’illusions et de contraintes procédurales qui nous paraissent normales et saines. Mais, ces métiers, cette paperasse, ces dettes, cachent une autre réalité : des rapports de domination. À la manière de Brazil de Terry Gilliam, nous évoluons dans un dédale technocratique qui nous cache un horizon plus lumineux. Avec la mort de Graeber, nous venons de perdre une des fenêtres sur ces mondes possibles. Et même si ses travaux sont parfois plus des bravades qu’autre chose, nous pouvons en retenir un enseignement plein de sens dans notre situation actuelle : un regard sur le lointain peut nous offrir un recul sur notre monde. Comme cette brève synthèse de l’œuvre de Graeber est insuffisante. Ne vous inquiétez pas. Il réapparaîtra très probablement dans cette chronique tant son génie créatif est éclairant.

Tibovski (Thibault Ponchon)

 

Affiche du film Brazil réalisé par Terry Gilliam

 

Références :

Graeber, D.(2001) Toward an anthropological theory of value: The false coin of our own dreams. Springer. 

Graeber, D. (2007). Lost people: Magic and the legacy of slavery in Madagascar. Indiana University Press. 

Graeber, D. (2013). Dette: 5000 ans d’histoire. Editions Les liens qui libèrent. 

Graeber, D. (2015). Bureaucratie: L’utopie des règles. Editions Les liens qui libèrent. 

Graeber, D. (2018). Bullshit Jobs. Editions Les liens qui libèrent. 

Graeber, D. (2018). Pour une anthropologie anarchiste. Lux éditeur. 

Hart, K (2006) Agrarian civilization and world society. In D. Olson and M. Cole (eds.), Technology, Literacy and the Evolution of Society : Implications of the work of Jack Goody. Lawrence Erlbaum : Mahwah, NJ, 29–48. 

Hart, K (2012). In Rousseau’s footsteps: David Graeber and the anthropology of unequal society. The Memory Bank July 4 th. 

Rousseau, J. J. (2013). Essai sur l’origine des langues. 

Weber, M. (1964). L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, 

Weller, J. M. (2016). Bureaucratie. In Annales des Mines-Gerer et comprendre (No. 4, pp. 77-79). FFE.

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Baudouin Duchange - Chroniques

“Voyage, voyage” : Il est temps de (bien) partir

par Baudouin Duchange 1 juillet 2020
écrit par Baudouin Duchange

 

Paris – Juillet 2020. Il m’aura fallu une centaine d’écoutes de la musique « tié la famille ! » du camarade Bengous pour enfin intégrer la question qu’il soumet à ses auditeurs : Oueskon va et Keskon fait ? 

Les dialectiques épistémologiques à la Tibovski n’ayant encore jamais foulé le sol vierge de mon savoir, je conserve un avantage argumentaire grâce à une science invérifiable : la philosophie de comptoir. Et nous en aurons bien besoin pour déterminer le sens d’un voyage !

 

Description : 'Family Holiday', Black and white photograph mounted on card, by John Heywood, 1979.

Description : ‘Family Holiday’, Black and white photograph mounted on card, by John Heywood, 1979.

 

Keskon fait ?

Ce qui est certain, c’est qu’une aventure implique un départ. Je décapsule ma première canette et marche en direction de Saint-Michel. J’ai toujours été séduit par le fait que le kilomètre zéro, en France, était le parvis de Notre-Dame de Paris. Chaque pas avancé à partir de cette place devient une aventure, même si elle termine dans les bars du quartier latin ! Certains critiqueront une vision  administrative et parisienne auto-centrée sur elle-même et ils auront probablement raison. Mais quel beau symbole ! Une fois au point de départ, il faut pourtant bien partir.

Comment partir ? Aujourd’hui, nous pouvons aller de plus en plus loin grâce aux compagnies aériennes low-cost. De nombreux boycotts dans un but écologique se sont ainsi manifestés et ont trouvé une résonance avec la crise du covid-19. La plus grande critique formée à l’encontre du commerce aérien est celle de la pollution dégagée par ces incessants monstres volants. A l’inverse, ses défenseurs insistent sur le faible impact environnemental de l’avion en comparaison à d’autres secteurs économiques, ainsi qu’à l’effet contre-productif des boycotts sur l’industrie et les métiers. 

J’ouvre une deuxième canette. Je me souviens du dernier film animé de Miyazaki « Le vent se lève », des dessins magnifiques pour tenter de créer des avions toujours plus beaux et purs. Le personnage principal, un architecte, s’inspire du vol des oiseaux et de la courbe de leurs ailes. Et comme dans le film, j’ai envie de crier : « le vent se lève, il faut tenter de vivre » ! Et pour cela il faut changer notre manière de voir le voyage. Le problème n’est pas, de mon point de vue, l’avion, la pollution et tout le reste. C’est, comme d’habitude, ce que l’être humain fait des machines qu’il conçoit. Il va voyager à l’autre bout du monde pour aller dans des hôtels aseptisés au confort similaire à un EHPAD sans se rendre compte réellement de la distance parcouru. Et il aura suffisamment payé pour se dire qu’on est ici « comme à la maison » ! Prendre conscience progressivement des territoires que l’on traverse, des paysages qui changent et des cultures qui se transforment me semble tellement plus intéressant que se prendre une simple claque en descendant d’un avion face aux nouveautés dans le duty-free et le changement de température.

 

“le vent se lève” de Miyazaki

“le vent se lève” de Miyazaki

 

Oueskon va ? 

C’est LA question que pose Ron Weasley à son poto Harry dans Harry Potter et les Reliques de la Mort. Extrait : « Chaque fois que le manque de nourriture coïncidait avec le moment où son tour était venu de porter l’Horcrux, il se révélait franchement désagréable. “Où va-t-on, maintenant” était devenu son refrain habituel […] On croyait que tu savais ce que tu faisais ! s’exclama Ron en se levant. On croyait que Dumbledore t’avait expliqué comment t’y prendre, on croyait que tu avais un véritable plan ». Comme le rouquin le plus connu de la littérature, nous pouvons nous sentir parfois déboussolé face à l’absence de carte directionnelle dans ce monde obscure. Tout le monde n’a pas la chance, comme Booba, de connaître d’avance son destin et de pouvoir chanter : « J’ai jamais su c’qu’étais mon rôle dans la vie / A part être riche, avoir une piaule à Miami beach. ». Le sens de nos misérables existences n’étant pas abordé dans cet article, je re-centrerai ma réflexion sur l’intérêt d’une destination de voyage. C’est d’ailleurs un sujet de crampe nerveuse dans la partie de mon cerveau où se situe la haine social contre la stupidité ambiante. Je me sabre une kro à coup de briquet pour me calmer.  

En effet, la plupart de mes connaissances vont chercher des paysages toujours plus éloignés alors que la France offre une terre si contrastée et méconnue, des vallées si mystérieuses et des kilomètres de côtes accessibles en TER ou en vélo. En fait, pour résumer, inutile de faire 5000 kilomètres pour voir un canyon américain : le Sentier des Ocres en Provence en offre de superbes aussi. Oui, l’herbe est toujours plus verte ailleurs, mais il suffit de faire une heure de vélo dans le Vexin pour s’en rendre compte. Je pense donc que l’enjeu du boycott des avions ne doit pas être un refus systématique de cracher sur l’avancée de la technique humaine, mais une invitation à reconsidérer notre approche du temps et de la distance. 

 

 

Konklusion : 

« On se régale » chantait Bengous d’entrain avec Jul sur l’album gratuit vol. 5. J’espère que c’est l’impression que vous aurez en terminant cette chronique mensuelle. De mon côté, je vais pouvoir rejoindre ma soirée et m’atteler à ma prochaine question Bengousienne : « Où tié bébé ? ». 

(Tu as aimé cet article ? Un autre article sur les “vacances fatiguante” a été écrit par l’auteur : A fond la forme : les vacances Quechua. Plaisir de lecture garanti !)

 

Il bacio

Il bacio

 

1 juillet 2020 3 commentaires
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ActualitéTibovski - Dessin de la quinzaine

Syndrome Post-confinement

par Tibovski 20 juin 2020
écrit par Tibovski
Le déconfinement

 

On dit que l’effet de souffle survenant après une explosion peut être plus dangereux que la déflagration elle-même. Psychologiquement, c’est l’impression que j’ai eu avec l’après-confinement. Vous avez probablement, comme moi, craint que l’enfermement et la privation ne nous transforment ou, plutôt, qu’ils nous révèlent le pire en chacun de nous. Et ce fut le cas, dans une certaine mesure. Les violences conjugales et familiales ont explosé durant ces quelques mois. Le taux de divorce a également bondi en Chine dès la levée des mesures d’isolement. Pour ma part, le confinement s’est déroulé comme une routine morne mais supportable. Evidemment, nous n’avons pas été tous égaux face à cette épreuve. Mon expérience ne vaut pas grand chose sinon d’avoir attiré mon regard sur un phénomène bien curieux : le déconfinement. 

 

Allô docteur….

Bien que biaisé par mon propre vécu, j’ai tout de même pris le soin de recueillir les impressions de mon entourage et constaté chez ces sujets un trouble général. Je l’appellerai “le syndrome post-confinement”. En voici les symptômes : un sentiment de vacuité, une perte de repères, une diminution aiguë de la concentration et enfin une haine viscérale de ces petites habitudes qui ont rythmé ces deux longs mois de confinement. Durant cette période, j’étais dans des conditions que je savais provisoires, relatives à la survie et à l’amélioration globale de la situation. Dès lors que nous avons connu la date d’échéance, notre réclusion s’en est trouvée beaucoup mieux rythmée car en partie planifiée. Nous n’avions qu’à attendre et nous retrouverions notre liberté chérie. Sauf que non. Nous n’avons eu le droit qu’à une liberté conditionnelle. L’après-confinement n’a pas été semblable à l’avant confinement. Ce fût donc une déception, mêlée à de l’incertitude qui nous a fait ressentir le poids de nos renoncements. Nous ne savions ni quand ni comment nous pourrions retrouver notre vie d’autrefois. Tout en sachant que c’était officiellement terminé, je n’ai pas ressenti le soulagement que j’espérais. Et cela m’a fait perdre tout le tempo qui m’avait permis de tenir jusque – là sans trop de difficultés. La racine du mal, c’est que le déconfinement n’a pas été une vraie fin du confinement; il n’a été que le sas de décompression. 

 

Un mal dispensable

Si je vous dis cela, c’est parce que ce ressenti n’est pas indépendant de la gestion politique de la crise. On pourrait se dire qu’il y a là une sorte de syndrome post-traumatique inéluctable après un tel choc. Même si je suis persuadé que cela est en partie vrai, je ne pense pas que le problème est fatalement lié à l’épidémie. Trois choses sont responsables de ce sentiment : 1) Un confinement sévère 2) Un déconfinement lent 3) Peu d’informations de la part du Gouvernement. Ces trois éléments sont le fait des responsables politiques. Et si je me permets de le souligner, c’est parce qu’il aurait pu en être autrement. Le confinement sévère de la France se justifie surtout en raison des manques de prévisions prises par les autorités en charge (voir mon article sur la pénurie des masques). La rigueur de ces mesures a renforcé l’effet d’égarement causé par un déconfinement à tâtons et une communication au compte-goutte. 

 

Tous sur le divan

Un peu de nuances à tout cela ; Xavier Briffault, chercheur CNRS en épistémologie de la santé mentale s’est penché sur les effets des mesures sanitaires. Il constate, en effet, que le niveau d’anxiété de la population est resté à un niveau normal durant le confinement. Selon lui, ce n’est pas uniquement dû à des “mécanismes de résilience” mais aussi au fait que le confinement a réduit pour beaucoup l’exposition à des sources de stress. Les données montrent également que le déconfinement a eu un effet sur l’anxiété en amplifiant les troubles du sommeil. Toutefois, le choc post-confinement n’a pas été aussi radical qu’anticipé. Cette transition pourrait avoir un effet plus subtil mais non moins important sur la santé psychologique de la population. 

 

Mon hypothèse, c’est qu’on est toujours dans un état de sidération, voire de déni, face à ce qui s’est passé. C’est une crise inédite dans l’histoire de la France et de l’humanité. Les réponses sociales ont été aussi folles que les inflammations provoquées par le Covid-19, chez les malades les plus touchés. En majorité, les victimes ont été tuées par une sur-réaction de leur système immunitaire. On peut dire qu’il y a eu aussi une sur-réaction du corps social à ce phénomène sanitaire.

 

Par la suite, les effets de cette épidémie sur la santé mentale s’expliqueront aussi par les conséquences socio-économiques qu’elle engendrera. Comme le dit Xavier Biffrault : “L’inquiétude porte plutôt sur ceux qui vont pâtir, demain, des conséquences économiques de la crise”. Évidemment, les conséquences directes du confinement que nous avons évoquées valent surtout pour ceux qui ont pu rester confinés chez eux. Car, encore une fois, nous n’avons pas tous vécu la même crise. On peut, en ce sens, penser au personnel soignant.

 

Il faudra aussi surveiller les soignants, en première ligne contre le Covid-19. Le fait d’avoir été dans l’action les a d’abord protégés psychologiquement. Mais les lendemains peuvent se révéler difficiles. 

 

Société post-traumatique

Cette angoisse post-confinement est comparable à ce que notre société endure. Nous ne souffrons pas qu’individuellement de cette catastrophe car c’est tout le corps social qui a été frappé. Un “après” fragile se dessine et nous craignons le retour de bâton sans le vivre encore. Le sentiment que rien ne peut et ne doit demeurer comme avant grandit. Ici comme ailleurs, cette situation ne conduit qu’à des interrogations, car tout peut advenir à présent. C’est précisément cette imprévisibilité d’un retour obligé à une normalité impossible qui crée l’angoisse. 

 

Prenez soin de vous et de vos proches et à la prochaine quinzaine !

 

Le dessin est réalisé par l’auteur Tibovski. 

20 juin 2020 4 commentaires
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ArtTribune

Mot d’une peintre en dilettante

par un contributeur 3 juin 2020
écrit par un contributeur

 

L’homme est détenteur d’un moyen de communication très pointu : le langage. Exprimer ses pensées, ses émotions et ses désirs avec des mots, quoi de plus complet ? Pourtant, je vous invite ici à vous essayer à une technique d’expression tout aussi parlante. Une porte de l’âme qui vous aidera peut-être à mieux vous connaître ou vous aidera au moins à vous vider la tête ne serait-ce qu’un instant. 

 

Peindre avec les yeux

Si vous souhaitez vous mettre à la peinture, j’espère que ces quelques mots vous inspireront.

Peindre à partir d’un modèle est à la portée de tous. Prenez une toile ou une feuille et de la peinture ─la première marque d’acrylique trouvée au supermarché suffit─ et peignez ce que vous voyez.

Tracez sur la toile les contours au crayon à papier, ou de couleur pour que cela se voit moins. Pour que vos proportions correspondent à celles du modèle, utilisez des formes géométriques pour tracer le contour de la forme générale, puis prenez un premier repère et construisez votre croquis autour de celui-ci (Je commence par l’oreille et je regarde où sont placés les yeux par rapport à cette oreille, puis où est la bouche par rapport aux yeux, etc…). Il y a également une technique qui consiste à tracer un quadrillage sur le modèle, puis à reproduire cette grille sur votre toile et vous y retrouver à partir de ce repère. Pour éviter des erreurs de proportions, il est bon de peintre sur un chevalet plutôt que sur une surface à plat devant vous, car selon l’endroit où se situe vos yeux par rapport à votre toile, vos proportions peuvent s’avérer erronées une fois vues d’un autre angle. Le système D de la toile scotchée au mur est une bonne alternative au chevalet si vous n’avez pas peur de tâcher ledit mur.

Passez ensuite la première couche. Il faut commencer par les teintes les moins foncées. Si vous peignez un humain de peau claire, la couleur chair s’obtient à partir de rouge magenta, jaune primaire, blanc et un tout petit peu de bleu. Jouez avec ces couleurs jusqu’à atteindre la teinte voulue. Bien sûr, n’importe quelle autre couleur peut être appliquée aux différentes parties de la peinture, l’important sont les proportions, la forme dessinée et les contrastes entre clair et foncé. Remplissez les contours tracés au crayon avec cette couleur.

Ajoutez ensuite les ombres, une par une, des plus légères aux plus marquées. Lorsqu’on peint à l’acrylique, pour rendre une teinte plus claire, il faut y ajouter du blanc, pour la rendre plus foncée, il faut rajouter les couleurs primaires avec lesquelles vous avez obtenu cette teinte ou acheter une couleur primaire plus foncée. Attention, ne pas utiliser de noir. Ajoutez ensuite plus de détails toujours en fonction de ce que vous voyez. Prenez du recul à chaque étape pour vous assurer que les mailles de votre peinture sont à peu près au bon endroit.

Gardez en tête que l’important n’est pas que le résultat final soit identique au modèle. Comme son nom l’indique, ce n’est qu’une inspiration. Maintenant, puisque c’est à présent votre œuvre, vous pouvez y ajouter ce que vous souhaitez. Une baleine flottant dans le ciel, des cheveux bleus, un bijou, un château… ou rien.

Je ne suis pas élève en art, je n’ai même jamais pris de cours, donc je ne saurais vraiment vous conseiller sur le matériel idéal. Mais d’expérience, il est bon d’avoir au moins quatre pinceaux : un large, rond ou carré pour le fond, un moyen pour les aplats de couleur, un un peu plus fin et un encore plus fin pour les détails précis. Le bout carré est agréable car il peut être utilisé pour des traits de deux tailles différentes. Des brosses bon marché se trouvent facilement, pas besoin de haute qualité, l’important c’est d’en prendre soin, c’est-à-dire les rincer après chaque utilisation et les faire sécher soit à plat, soit debout dans un pot, la tête en haut. Pareil pour la peinture, essayez-en plusieurs pour trouver votre texture préférée. Je recommande d’acheter d’abords les couleurs primaires : bleu, jaune, rouge, noir et beaucoup de blanc.

Pour ce qui est du type de peinture, j’utilise principalement l’acrylique car j’aime les couleurs vives, c’est une des plus simple à utiliser. L’aquarelle est un bon outil pour obtenir des dégradés plus élaborés et divers, la gouache couvre bien et peut être utilisée sur beaucoup de surfaces et la peinture à l’huile donne un côté 3D à votre oeuvre, pour autant que vous soyez patient, car elle sèche très lentement.

 

Peindre avec l’esprit

Peindre quelque chose de réaliste sans modèle visuel, en revanche, est bien plus compliqué et cela requiert de la technique et une certaine connaissance des proportions, un travail en fait très mathématique. Souvent, même les œuvres des plus grands peintres ne sont que des patchworks de références. Si vous souhaitez vous lancer dans le dessin sans modèle, je vous conseille soit de faire fi du réalisme, soit d’acheter un livre de dessin ou de trouver des cours sur internet qui expliquent la logique des proportions. Ou, si vous avez du temps et souhaitez imiter les grands maîtres, observez votre entourage et tentez de trouver ces règles du dessin par vous-même. 

 

L’âme d’artiste, un sixième sens

Je préciserai ici que  tout artiste a des références même non-visuelles, l’imagination ne naît que de l’expérience, de choses déjà vues, de concepts déjà imaginés, juste détachés de leur contexte d’origine et rattachés à un autre. Les activités artistiques font travailler l’imagination et en les pratiquant vous vous rendrez vite compte que personne ne peut faire le travail de Dieu, personne ne peut comme lui, créer à partir du néant. Que ce soit dans la peinture, la littérature ou la musique, les œuvres ne sont que des chimères de la réalité. Les sirènes ne sont qu’un des produits de ce que l’imagination construit à partir d’un humain et d’un poisson. Un pégase naît de cette obsession qu’ont les hommes à ajouter des ailes à tout ce qui bouge. Certains expérimentent et découvrent des couleurs, mais personne n’en invente. Tous les scénarios finissent inévitablement par se répéter dans d’autres oeuvres, tout comme les mélodies. L’imagination repousse les limites de la réalité, certes, mais ne les fait pas disparaître.

Sur cette note je vous pousse donc à explorer la réalité, ainsi, c’est les limites de votre imagination que vous repousserez. 

Marie, what about you?

En ce qui me concerne, je ne peins pour l’instant que des visages à partir de modèles photo. Des visages que je connais bien ou ceux d’inconnus. J’ai essayé, mais peindre autre chose m’ennuie. Si je dois passer une demi-heure ou même plusieurs heures sur une œuvre, je veux ressentir quelque chose en la voyant, je veux que ce qui en ressorte m’appartienne. Et lorsque je peins des visages, même à partir de photos, l’œuvre qui en résulte est toujours une toute autre personne de celle prise pour modèle. Alors que je ne fais que peindre ce que je vois, détail par détail, mes mains n’arrivent jamais à saisir ce qui fait la spécificité de ces visages. Même si elles sont —je suis fière de le dire— proches de leur modèle, mes peintures ne dégagent jamais le même sentiment que celui souhaité. Mais en fin de compte, j’aime ce pouvoir magique qui me réserve toujours de belles surprises.

Je ne vis pas de mes peintures, je ne m’impose donc pas de peindre régulièrement, ce qui ne veut pas dire que je ne prévoit pas mes séances. L’envie de peindre survient généralement sans prévenir ─le modèle n’est choisit qu’une fois devant mon canevas vierge─. Une petite peinture, inférieure aux dimensions d’une feuille A4 peut ne me prendre qu’un quart-d’heure, mais une A3 peut prendre jusqu’à deux heures voire trois. Connaissant mes habitudes, je dois alors me réserver au moins une demi-journée ou une soirée pour peindre, étant donné que je ne reviens jamais sur une toile commencée et que je dois donc finir ma peinture en une fois, ou elle ne sera jamais achevée. Cela implique donc que je ne peins pas sur plusieurs jours. Je ne vous conseille pas d’imiter cette façon de faire, il peut être bon d’étaler une séance de peinture dans le temps, car la vision qu’on a de sa toile peut alors évoluer et la peinture peut en ressortir encore meilleure et plus élaborée. 

Je peins généralement par terre ─ ce qui contredit les conseils donnés plus haut et fait plutôt mal au dos ─, c’est le plus rapide à installer et j’accède plus facilement à mes outils. La lumière naturelle est ma préférée, mais si la peinture s’éternise et que la luminosité diminue, je me contente d’une lampe, quitte à voir mes couleurs changer complètement une fois de retour à la lumière du jour. Peindre est un moment spécial pour moi. Je choisis généralement un fond sonore (musique ou film) et il n’y a plus alors que ma peinture et moi. Toujours les même étapes : le moment stressant face au vide du support vierge, la satisfaction des premiers coups de pinceaux, les contours du visage qui apparaissent, la concentration intense lors des derniers détails et enfin, les dernières ombres appliquées sans réfléchir sous l’oeil ou au bout du nez et la conclusion —si le résultat final me plaît ou pas—. Je vais ensuite fièrement la montrer à mon entourage et la fierté ainsi absorbée, je vais la ranger avec mes autres oeuvres dans un placard. Pour moi, plus que l’oeuvre, le sentiment découlant de ce petit exercice est tout ce qui compte. 

 

Marie-Elisa Biays 

3 juin 2020 0 commentaire
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Romain Mailliu - 13 mois de volontariat en Indonésie

4 solutions miracles pour motiver votre équipe

par Romain Mailliu 29 mai 2020
écrit par Romain Mailliu
LP4Y

 

Comment motiver votre équipe sur le terrain après le confinement ? A l’aide de ce cas d’étude tiré de mon expérience sur le terrain en Indonésie avec l’ONG LP4Y, je vais vous partager 4 solutions aussi miraculeuses qu’efficaces. 

Cet article est une fin alternative à mon précédent papier Another Sunny Day in Jakarta (le 29 avril 2020). 

 

4 solutions miracles pour motiver votre équipe en temps de crise. 27 mai  2020 

“Coach, can I have money to buy Gasoliiiiiiine ?”

 Les jeunes ont cette faculté – sagesse ? – de nous ramener à des problématiques pragmatiques. Ce matin, ils sont cinq à assurer la livraison d’eau potable. Cinq, car c’est le nombre maximum autorisé par le gouvernement. David Allen aurait certainement complété en expliquant qu’un homme efficace en vaut cinq.

 Je rajouterais que cinq hommes non efficaces n’en valent pas beaucoup plus. Si ce matin la motivation des jeunes était un rayon de soleil, le risque d’attraper une insolation serait dérisoire.

Il faut dire qu’à leur âge, dix-huit ans en moyenne, je n’avais pas besoin d’obtenir un travail décent pour nourrir ma famille. Si on ajoute à cela les écoles fermées et la dysphorie générale autour du coronavirus, je comprends pourquoi le lundi matin les chaussures des jeunes poncent le carrelage de la salle de production. Pourtant il n’est pas question de ralentir l’activité.

 Dans le monde professionnel qui les attend, ils ne feront pas office de cas à part :  les attentes seront les mêmes pour tous. Les diplômés de l’université issue des classes sociales aisées comme nos entrepreneurs des quartiers plus modestes. Ils ne seront pas pris en pitié car ils doivent faire deux heures de route dans les transports en commun pour venir travailler. Ni parce qu’ils n’ont qu’une paire de chaussures « professionnelles ». Seules la qualité du travail, la posture et la motivation feront la différence. La route du succès est semée d’embûches. Depuis toujours, nos jeunes entrepreneurs affrontent les difficultés avec un courage, un positivisme et une détermination qui à mes yeux est inexplicable. C’est leur plus grande force et c’est pour cela qu’ils y arriveront. Encore. Toujours. 

 

LP4Y

Setia et Wahab en livraison d’eau potable (28/11/19) – © Romain Mailliu

 

Bref, comment vais-je bien pouvoir motiver mon équipe ? A l’aide de mon expérience internationale en gestion d’équipes distributives agiles pluridisciplinaires en temps de crise, je vais vous partager 4 best practices qui ont fait le succès de ma méthode à travers le monde. 

 

1. Etre à l’écoute 

 

 “Celui qui sait écouter deviendra celui qu’on écoute.”

 Vizir Ptahhotep

 

 L’histoire d’un pays permet de comprendre sa culture. L’histoire d’un jeune nous aide à comprendre son attitude. Comment pouvons-nous résoudre les problématiques de nos équipes si nous n’échangeons pas avec elles ? Nos jeunes, il s’avère que très peu de monde s’intéresse à eux. C’est d’ailleurs ce qu’on appelle l’exclusion : ne pas exister aux yeux des autres. Ecouter nos jeunes c’est primordial. Il faut que l’écoute soit active. Pour cela, la volonté d’apprendre est indispensable. Les bonnes paroles sont celles qui se transforment en enseignement et les jeunes ont beaucoup à nous apprendre. 

 Lorsque nous devons faire face à une problématique, les informations sont rarement structurées. Un sujet est mis sur la table, quelqu’un n’est pas d’accord, il s’exprime sur un nouveau sujet, ce qui entraîne de nouvelles réactions, et quand on revient finalement au sujet d’origine, beaucoup de choses ont été dites. Quand on a récolté les informations qui sont les fruits de l’écoute, il faut ensuite les analyser. Analyser, c’est décomposer un tout en ses éléments constituants et en établir les relations. 

 Dans un défi complexe – comme motiver une équipe –  il y a rarement des évidences, il a quelquefois des incertitudes, il y a toujours des compromis. C’est en analysant et en écoutant qu’on se donne les chances de réaliser les bons compromis. Ecouter, c’est prendre le temps de préparer un cadre pour recentrer le débat.  On peut ensuite prendre la parole et être écouté.

Mais parfois, l’analyse logique, mathématique et scientifique ne suffisent pas. Bien que l’on dispose d’une multitude de données, aucune solution ou tendance ne semble vouloir se profiler. Il semble manquer en élément dans cette équation complexe qui nous permet de résoudre des problèmes, d’autant plus que ceux-ci concernent le management. Cet élément, c’est l’empathie.

 

2. faire preuve d’empathie et de bon sens

 

«Toute prédiction est un ressenti du futur, par empathie du présent de son passé.»

Serge Zeller

 

L’empathie est une simulation mentale de la subjectivité d’autrui. C’est la capacité de s’identifier à l’autre dans ce qu’il ressent. Celle-ci permet d’anticiper – plus ou moins –  les réactions humaines, et s’avère donc un outil utile quand il s’agit de motiver une équipe. 

 L’empathie permet aussi de faciliter les échanges. En management, les présentations sont omniprésentes. Training, ateliers, briefing : la façon d’annoncer les choses à une importance capitale. Faire preuve d’empathie permet d’adapter son discours à la situation et d’avoir « le mot juste ».

 Il m’est arrivé pendant ma mission de coach – qui n’est d’ailleurs pas terminée – de faire face à des retournements de situations inattendues. L’empathie a permis d’accompagner les jeunes, et de contrôler leurs réactions, qui aurait pu être négative si nous avions exposé les faits sans écoute et sans empathie.

 L’empathie permet l’offensive à travers un bon sens critique. En temps que coach – et également dans la vie – il faut toujours garder un bon sens critique. Il ne faut pas faire l’erreur d’accepter les évidences de premier abord. Le bon sens c’est prendre du recul et examiner un sujet dans sa globalité. L’empathie associée à l’analyse et à l’écoute permet en quelque sorte une EXTREME lucidité. 

 

3. Intégrer et responsabiliser chaque membre de l’équipe au projet

 

“Parce que c’est notre projet !”  

Emmanuel Macron

 

Catalyseurs, et tout particulièrement coaches, nous ne sommes pas des petits chefs d’entreprises tyranniques amoureux des résultats net exponentiels et du pouvoir jouissif d’une équipe qui nous obéit, des étoiles dans les yeux. Si vous voulez mon sentiment, un bon coach doit pouvoir disparaître sans que son équipe et l’activité qu’elle dirige ne subissent une quelconque perturbation. Nous sommes des oiseaux de passage. La motivation des jeunes ne doit surtout pas dépendre exclusivement de nous. Pour cela, il est de notre devoir de leur faire comprendre l’importance d’être l’acteur principal dans le film de leur propre vie. 

Pour prendre part à un projet et s’identifier à son objectif, il faut y être intégré dans l’idéal de sa conception à sa réalisation. Il faut pouvoir s’assimiler à lui. Alors sur le court terme cela prend plus de temps. Pour vous donner un exemple pragmatique – ce qui n’est pas ma spécialité vous l’aurez remarqué – nous devons acheter avec mon équipe en Indonésie une nouvelle moto avec un chariot à l’arrière pour effectuer nos livraisons. Je pourrai faire un rapide benchmark sur internet, présenter mes résultats au département finance de LP4Y et acheter cette moto avant la fin de la semaine. Les jeunes la verront un matin dans l’entrée, comme un cadeau de LP4Y. “Thank You Coach !” Cela serait rapide mais n’aurait aucune valeur ajoutée dans la formation de nos jeunes.  

Pour chaque projet, j’essaie de partir de la racine du problème afin de challenger les jeunes pour qu’ils trouvent ensemble des solutions. Dans mon histoire de moto, la partie financière fut particulièrement intéressante car notre atelier a permis de dégager des solutions que je n’avais pas imaginé. “Comment allons-nous faire pour acheter une nouvelle moto ? Nous allons vendre plus de gallons ! Comment ? En trouvant plus de clients ! Comment ? En travaillant avec des entreprises ! Comment ? En leurs vendant des grandes quantités de  gallons ! Comment ? Avec la nouvelle moto qui permet de livrer une dizaine de  gallons en même temps !” VICTOIRE ! La moto est devenue un vrai besoin qui s’intègre dans un projet défi par les jeunes. 

 

4. La rigueur

 

«La rigueur vient toujours à bout de l’obstacle.»

Léonard de Vinci

 

On peut vous reprocher de ne pas savoir quelque chose, on ne peut pas vous reprocher de manquer de rigueur. La rigueur est primordiale quand prend en main n’importe quel défi. Lorsque l’on doit motiver une équipe, et que l’on ne connaît pas encore tous les pourquoi-du-comment, la seule carte en main pour montrer sa crédibilité est la rigueur. Etre rigoureux, c’est être exact, logique et inflexible. C’est cette rigueur qui permettra ensuite de comprendre les problématiques des jeunes, leurs contraintes et pourquoi la motivation n’est pas au rendez-vous ce matin. 

La rigueur impacte la forme, le fond, s’applique à toutes choses . c’est la clé pour concilier efficacité, efficience et fiabilité !  

 

La journée se termine et 43 gallons d’eau potable ont été livré dans le bidonville. Les jeunes sont fiers : ils partagent le sentiment du devoir accompli. Ils me demandent de prendre une photo, petit rituel que nous avons établi pour élire la meilleure équipe du jour qui est toujours la même : Celle que forment tous les jeunes réunis ! 

 

LP4Y

La meilleure équipe du jour (Depol, Taufan, Bila, Jeremia) – © Romain Mailliu

 

Photo de couverture : Dani et Angel  on delivery (28/11/19)  – © Romain Mailliu

29 mai 2020 1 commentaire
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ActualitéCarnet de voyageRomain Mailliu - 13 mois de volontariat en Indonésie

Le jeûne éternel

par Romain Mailliu 13 mai 2020
écrit par Romain Mailliu
Enfant dans les rues de Kampung Sawah (mars 2020) - © Romain Mailliu

 

À Kampung Sawah, le danger numéro un n’a pas changé et il est partagé par bonne partie de l’humanité. Le coronavirus ? Non. La baisse de l’immobilier ? Non. Un tweet borderline d’Elon Musk qui ferait chuter l’indice Tesla ? Non plus. C’est de ne rien avoir pour remplir son assiette.

La crise sanitaire mondiale menace Kampung Sawah, le bidonville indonésien de Romain. Suivez avec son carnet de bord l’impact du Coronavirus dans les quartiers les plus pauvres. [Chapitre 4]

 

Le jeûne éternel. Le 4 mai 2020

 Des enfants rient dans les rues. Le soleil se couche sur Kampung Sawah, bidonville du nord de Jakarta, situé entre une zone de dépôt de conteneurs et une pseudo-autoroute. Un bidonville est un quartier qui n’existe pas. Aucun des vingt mille habitants n’y a un quelconque droit de propriété. Ils se sont attribués cette espace, car il faut bien habiter quelque part. C’est une zone inondable, alors il arrive parfois que les nuits soient tristes et courtes. Mais le soleil finit toujours par sécher les larmes. Avec le temps, maintenant quarante ans, Kampung Sawah s’est fait un nom, et on a tracé ses frontières sur les cartes.

 Le pak RW, une bâtisse en béton situé dans l’angle du carrefour principal, fait office de mairie. C’est l’œil du gouvernement qui observe et documente les évolutions de cette ville qu’il faudra déconstruire un jour. Il y a déjà trois ans, quelques habitants, prophètes de l’apocalypse, criaient à qui voulait l’entendre qu’une avenue viendrait remplacer ce quartier marginal. Aujourd’hui, les fondations d’un pont se dessinent à l’horizon. Il doit relier le dépôt à l’autoroute. Le temps donne toujours raison aux prophètes. 

 

Kampung Sawah

Les conteneurs qui bordent Kampung Sawah (Avril 2020)  – © Romain Mailliu

 

Dans ce lieu coupé du monde, le coronavirus n’existe pas. C’est une légende qu’on voit passer sur les réseaux sociaux, comme les footballeurs qui collectionnent les voitures de sport ou les actrices qui défilent avec de luxueuses robes sur des tapis rouges. Pourtant, l’Indonésie est touchée – moins que nos pays occidentaux ce que je n’explique pas – et au 4 mai 2020, 12 071 cas ont été confirmés pour 872 décès. La population indonésienne réunit 267,7 millions d’habitants. Alors dans une économie au ralentie qui licencie à tour de bras sans compensation, le risque de mourir de faim est supérieur à celui d’attraper un Covid-19 virulent. 

À Kampung Sawah, le danger numéro un n’a pas changé et il est partagé par bonne partie de l’humanité. Le coronavirus ? Non. La baisse de l’immobilier ? Non. Un tweet borderline d’Elon Musk qui ferait chuter l’indice Tesla ? Non plus. C’est de ne rien avoir pour remplir son assiette. La famine. Catastrophe fatidique quand on ne gagne ou qu’on ne produit pas assez pour se nourrir. La bonne fortune n’est pas contagieuse.

L’Indonésie a fait le choix de ne pas mettre en place de quarantaine et cela a sans aucun doute limité la famine dans les quartiers les plus pauvres. Il n’y a pas de bonne pensée manichéenne.

 Alors je constate que porter un masque, rester chez soi, respecter les distances barrières, sont des comportements dérisoires pour les habitants de notre village clandestin. Pourtant, les campagnes de sensibilisation font rage et sur tous les supports. A-t-on trouvé une fin utile à l’utilisation des réseaux sociaux ? Peut-être, si nous mettons de côté les fakes news, toujours plus nombreuses, qui viennent noircir un tableau déjà ténébreux. 

Dans les ruelles, des « Corona » raisonnent, prononcées rapidement, dans un souffle, comme on dirait une vulgarité. Puis ce mot international, synonyme de danger, qui a le pouvoir d’unir les nations comme de les cloisonner, est toujours suivi d’un éclat de rire.  

 

Petite fille résidante à Kampung Sawah (Avril 2020)  - © Romain Mailliu

Petite fille résidante à Kampung Sawah (Avril 2020)  – © Romain Mailliu

 

Et le pouvoir législatif dans tout cela ? Respecter les règles sanitaires, c’est se donner les chances de maîtriser le virus rapidement, pour relancer l’économie, pour relancer la politique, pour la SURVIE de la nation ! Il me semble qu’un amendement a été mis en place obligeant le port du masque dans les rues mais, à Kampung Sawah, il y a plus de fantômes que d’agents en képi pour faire respecter les lois. Peut-être que la police souhaite éviter la situation embarrassante de verbaliser une mère qui n’a déjà pas assez d’argent pour nourrir ses enfants…

À quoi bon parler de SURVIE à des familles qui, depuis toujours, n’ont d’autre combat que de trouver de la nourriture et un toit pour vivre un jour de plus.

 Des enfants rient dans les rues. Le soleil se couche sur Kampung Sawah, bidonville du nord de Jakarta, situé entre une zone de dépôt de conteneurs et une pseudo-autoroute. Le ramadan y a débuté depuis plus d’une semaine et les inondations ont laissé place à une chaleur ardente et sèche. L’appel à la prière se prolonge nuit et jour, solennellement, comme les loups hurlent à la lune, comme les baleines chantent aux abîmes. Depuis mon arrivée il y a huit mois dans cette communauté exclue du monde – ou plutôt exclue d’un monde – je n’ai jamais vu autant d’enfants jouer ensembles. Les mosquées sont pleines et les sourires, qu’aucun masque ne vient effacer, se dessinent sur tous les visages. Les festins nocturnes perdurent et bien que le riz prenne de plus en plus de place dans l’assiette, les familles se réunissent pour célébrer ensemble la fin du jeûne.

 

L’amour d’une famille, le centre autour duquel tout gravite et tout brille.

Victor Hugo  ; Les chants du crépuscule, A mademoiselle Louise B. (1834).

 

Enfants dans les rues de Kampung Sawah (mars 2020)  - © Romain Mailliu

Enfants dans les rues de Kampung Sawah (mars 2020) – © Romain Mailliu

 

Découvrir le chapitre précédent : Another Sunny Day in Jakarta →

Photo de couverture : Enfant dans les rues de Kampung Sawah (mars 2020)  – © Romain Mailliu

13 mai 2020 1 commentaire
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ActualitéTibovski - Dessin de la quinzaine

Palestine revêt sa robe d’allégresse

par Tibovski 6 mai 2020
écrit par Tibovski
Palestine

 

Dernier dessin de confinement. 

Comme je le mentionnais dans mon précédent billet, il y aurait beaucoup à dire sur la crise actuelle. Ce sera pour une prochaine fois. Aujourd’hui, je me contenterai de partager une information qui a de l’importance à mes yeux. 

Fatou Bensouda, la procureure de la Cour Pénale Internationale (CPI) a remis ce 30 avril un rapport soutenant l’ouverture d’une enquête concernant des “crimes de guerre” israéliens. La Palestine pourrait donc, après confirmation d’une chambre préliminaire, poursuivre Israël à la fois pour “crime de guerre” et pour “crime contre l’humanité”. La CPI avait été saisie en 2015 et c’est seulement en décembre que celle-ci avait annoncé son intention d’ouvrir une enquête. Cette enquête pourrait donc reconnaître la culpabilité de Tsahal (armée israélienne) durant la guerre de Gaza en 2014. Mais ce dossier a une portée plus large sur la question palestinienne. 

 

Disproportion

La complexité des rapports israélo-arabes a tendance à gommer la disproportion entre les forces israéliennes et palestiniennes. Comme si cette complexité rendait impossible de se positionner parmi les deux camps sans compromettre la paix. Il est évident que des tensions aussi anciennes et diverses sont ardues à résoudre. Il est également évident que c’est en direction de la paix que ces résolutions doivent être menées. Seulement tout cela doit être entendu sans pour autant présumer que les deux belligérants sont égaux dans cette affaire. Rappelons que la Palestine se bat encore pour être reconnue comme un État, que certains de ses territoires sont sous contrôle israélien et que les conditions d’existence y sont accablantes. On ne peut décemment pas promouvoir la résolution d’un conflit sans comprendre qu’elle n’a pas la même signification pour les deux États. Même s’il serait malvenu de le comparer à David contre Goliath, les intifadas se sont pourtant faites avec des lance-pierre. Les forces sont inégales. Parler de Paix dans ce conflit doit concerner, dans un premier temps, la subsistance d’un peuple palestinien qui étouffe. 

 

Négociations

L’intervention de la CPI dépasse donc la seule affaire de 2014 et offre à une Palestine désarmée un nouveau levier. Bien que seul, dans la région, Israël bénéficie d’importants soutiens diplomatiques. Ses excellentes relations avec les États-Unis lui assurent une position diplomatique et militaire puissante au Moyen-Orient et dans le Monde. Ce n’est évidemment pas le cas de la Palestine, qui, même en ayant le soutien de certains pays arabes, peine à accéder à un statut officiel auprès des différents organismes de gouvernances internationales. Le Conseil de sécurité de l’ONU lui avait refusé le statut d’État membre en 2011 et lui a finalement accordé en 2012 le statut d’État observateur non-membre. C’est seulement en 2015 que la Palestine a eu le droit de dresser son drapeau au siège de l’ONU malgré la désapprobation marquée des États-Unis. L’adhésion de la Palestine à la CPI lui octroie donc une reconnaissance officielle de l’organisme. Diplomatiquement, le travail de la CPI est donc majeur pour les négociations. Cela signerait également l’intervention d’une institution externe et neutre sur la question palestinienne. Cela va sans dire que cette interposition n’est pas du goût des autorités israéliennes qui y voient une ingérence malvenue. Israël n’est pas signataire du Statut de Rome à l’origine de la Cour Pénale Internationale. Mais comme je l’ai déjà précisé les rapports entre Israël et la Palestine ne sont pas équilibrés, il n’y a donc rien de malheureux à ce qu’un organisme indépendant s’y immisce. Il n’y a rien d’étrange non plus à ce qu’Israël y soit défavorable. 

 

Identité

Pour conclure, je dirais que le climat de la région a construit des positions politiques belliqueuses dans les deux camps. Or on pourrait entrevoir, dans cette affaire, l’espoir d’une évolution. Actuellement, le premier ministre conservateur Benjamin Netanyahou (a.k.a “Bibi”) peine à constituer un gouvernement israélien. Le pays a déjà connu trois élections depuis mars 2019 en raison de ces instabilités. Enfin, il y aussi le fait que Bibi soit dans l’attente d’un procès pour fraude et corruption. Si les élections législatives montrent que le conservatisme hégémoniste est encore fort en Israël, la crise politique actuelle pourrait marquer un tournant en mettant fin à plus de 10 ans de mandat pour Netanyahou. Ces décennies d’ultra-conservatisme israélien ont renforcé les courants nationalistes et militaristes en Palestine. C’est le cas du Hamas. Mais au risque de me répéter, ces courants politiques factieux ont évolué en Palestine pour des raisons différentes qu’en Israël. Elles sont une réponse à la crise humanitaire et à la menace constante. Le terrorisme et le nationalisme sont ici des voies politiques de survie. L’identité de ce peuple est une identité broyée définie au travers d’une longue et douloureuse oppression. Porter ses causes devant la Cour Pénale Internationale ouvre un nouveau canal pour mener les combats. Espérons que si cette voie prospère, les négociations se dérouleront sans feu ni sang. Mahmoud Darwich, un des plus grands poètes palestiniens, résumait l’identité de son peuple mieux que moi : 

 

Celui qui m’a changé en exilé m’a changé en bombe… Palestine est devenue mille corps mouvants sillonnant les rues du monde, chantant le chant de la mort, car le nouveau Christ, descendu de sa croix, porta bâton et sortit de Palestine”  

 

À la prochaine quinzaine !

 

Sources :

  • https://www.humanite.fr/historique-la-palestine-autorisee-poursuivre-israel-pour-crimes-de-guerre-et-crimes-contre-lhumanite?fbclid=IwAR3S7pnZnCFNgExkEWfCN0NQ6yxHrQaqoiOaccQO7ttxwOUaZ0idvwRWUFI 
  • https://www.lemonde.fr/international/article/2019/12/20/la-cpi-veut-enqueter-sur-d-eventuels-crimes-de-guerre-dans-les-territoires-palestiniens_6023652_3210.html
  • https://www.ouest-france.fr/monde/israel/israel-l-accord-de-gouvernement-entre-netanyahu-et-gantz-entre-les-mains-de-la-cour-supreme-6824969
  • https://www.haaretz.com/israel-news/elections/.premium-likud-and-kahol-lavan-shorten-freeze-on-appointments-after-high-court-hearing-1.8822047
  • https://edition.cnn.com/2015/09/30/world/united-nations-palestinian-flag/index.html
  • https://www.haaretz.com/israel-news/.premium-netanyahu-s-real-target-this-week-isn-t-the-high-court-but-it-is-a-judge-1.8822361

Photo de couverture par l’auteur Tibovski 

6 mai 2020 0 commentaire
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ActualitéCarnet de voyageRomain Mailliu - 13 mois de volontariat en Indonésie

Another Sunny Day in Jakarta

par Romain Mailliu 29 avril 2020
écrit par Romain Mailliu
Jeune LP4Y

Les jeunes ont cette faculté – sagesse ? – de nous ramener à des problématiques plus pragmatiques.

La crise sanitaire mondiale menace Kampung Sawah, le bidonville indonésien de Romain. Suivez avec son carnet de bord l’impact du Coronavirus dans les quartiers les plus pauvres. [Chapitre 3]

 

Another Sunny Day. Le 12 avril 2020

 Pas de réveil programmé ce dimanche matin. C’est peu habituel car les premières heures du jour sont pour moi les plus belles. Pas question de les manquer. Quand la ville se met en route, pas à pas. Que les visages endormis s’offrent aux premiers rayons de soleil. Seuls les oiseaux chantent, et c’est assez. La température est agréable : 22 C° et un courant d’air marin vient caresser ma peau qui frissonne de plaisir.  

Mes yeux s’ouvrent naturellement à 8h30. C’est suffisamment tôt pour décréter que la journée reste exploitable. Je casse deux œufs dans une poêle. Jean-Marc, ou plutôt John – les Asiatiques n’arrivent pas à articuler et retenir son prénom administratif – frictionne nerveusement la pâte à pain faite aux premières lueurs du jour. 

« Ce matin, j’ai reçu une photo d’une jeune des Philippines. Une cuillère remplie d’une eau blanchâtre. C’est l’eau salée dans laquelle elle fait cuire le riz. Il ne lui reste plus que ça pour nourrir son bébé. Elle a vingt-deux ans et trois enfants. Son aîné a sept ans… Avec le confinement, elle n’arrive pas à quitter son bidonville pour rejoindre notre centre. L’équipe de Manille est sur le coup, nous allons trouver une solution. »

La misère ne prend pas de week-ends. Des réveils comme celui-ci, John doit en connaître plusieurs fois par an. Depuis 10 ans, son ONG LP4Y a accompagné 2 662 jeunes vers le monde professionnel décent. Pourtant, aujourd’hui la situation est exceptionnelle. Les Jeunes et leur famille sont les plus affectés par les conséquences de cette crise sanitaire et économique mondiale. Et derrière ces chiffres il y a des visages, des noms, et des messages qui exhument le poids de nos responsabilités.

 

LP4Y

L’équipe de Source Of Life, notre programme de vente d’eau potable (Janvier 2020) –
© Romain Mailliu

 

« Être adulte, c’est être seul », disait Jean Rostand. Au contraire, je pense qu’être adulte c’est prendre conscience de l’importance des autres. L’idée n’est pas toujours séduisante. Elle a même terrifié Jean-Paul Sartre avec sa célèbre phrase : « L’enfer, c’est les autres ». Il ajoute dans son essai l’Être et le Néant : « S’il y a un Autre, quel qu’il soit, où qu’il soit, quels que soient ses rapports avec moi… J’ai un dehors, j’ai une nature ; ma chute originelle c’est l’existence de l’autre ». Conclusion : Nous prenons conscience de la triste existence qui sera la nôtre quand nous découvrons que nous ne sommes pas seuls sur terre. C’est ça, l’âge adulte. Il va falloir apprendre à vivre ensemble : quel enfer ! Quand on observe les inégalités qui sont les mêmes partout dans le monde, on devine que nous n’avons pas tous adopté les mêmes règles de jeu. 

L’étudiant assidu que vous étiez en terminale – second rang : place idéale pour suivre la prestation de votre professeur de philosophie dépressif tout en évitant les postillons propulsés par l’effluve de son haleine caféine Marlboro – ajouterait que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres #Rousseau.  Décidément, pas facile de vivre ensemble.

 Pourtant, soyons honnêtes, les meilleurs moments que nous vivons sont ceux que nous partageons avec les autres. N’allez pas me dire que vous avez vécu l’extase un mercredi soir devant une série B avec votre Heineken dans la main droite et votre ordinateur portable Lenovo – PowerPoint ouvert sur la dernière slide de votre Comex du lendemain – dans la main gauche.

On peut connaître certains moments d’émerveillement seul : lors d’une balade matinale un dimanche matin à travers le marché Boulevard Vincent Auriol, en découvrant un nouveau clip de PLN le vendredi soir… Mais la joie ?  

je fixe mon ordinateur, le regard vide, mon reflet apparaît à l’écran. La matinée est déjà bien avancée. Excepté l’écriture de mes états d’âme et l’écoute léonine du nouvel album des Strokes, je n’ai pas fait grand-chose. À ma gauche Fanette somnole sur la terrasse, à ma droite la panthère des neiges de Tesson bronze au soleil. La brise gonfle notre hamac qui prend l’allure d’un spi et je me surprends à rêver de croisières en voilier dans le Golfe du Morbihan. Fin de l’album des Strokes, Spotify déclenche la lecture aléatoire : Belle & Sebastien – Another Sunny Day. 

 

LP4Y

Vue de notre terrasse au lever du soleil – © Romain Mailliu

 

La route du succès est semée d’embûches. 15 avril 2020 

« Je vais rentrer en France. C’est terminé : j’arrête ma mission »

 Mardi, 10h23. J’ai l’impression que mon cerveau me rejoue une mauvaise scène. Pourtant, la semaine commençait bien. Un nouveau planning pour les jeunes, des mesures sanitaires plus crédibles du gouverneur de Jakarta, deux nouveaux commentaires sur mon précédent article et un demi-fruit de la passion dans le réfrigérateur. Seulement, le frisson dans mon dos déclenché par cette réplique sortie de nulle part me rappelle une baignade sous la pluie grasse d’Écosse – le long du West Highland Way après 35 kilomètres dilués aux singles malt – il y a de cela trois ans déjà.

Je n’ai jamais réussi à retenir plus de trente mots d’indonésien (bahasa) et pourtant ma cervelle me rappelle, avec une précision mesquine, mes barbotages dans les rivières caillouteuses quand Inès nous remet sa démission.

 

West Highland Way (Août 2016) - © Romain Mailliu

West Highland Way (Août 2016) – © Romain Mailliu

 

Grand silence. Inès. La plus solide des guerrières. Depuis qu’elle nous a rejoints avec John, elle n’a jamais décroché de son ordinateur. Vidéo Call avec les USA, tableau Excel pour évaluer les besoins des jeunes pendant la crise, WhatsApp pour répondre aux équipes d’Asie : une productivité à faire pâlir David Allen. Et pourtant, la voilà qui quitte le navire. Bordel. Depuis deux ans chez LP4Y, elle venait de commencer sa nouvelle mission. Coup dur pour LP4Y, coup dur pour notre nouvelle colocation, coup dur pour John. La vie n’est-elle donc qu’une mauvaise blague ? Je vais acheter des bières. Tous les discours du monde ne valent pas une pinte de houblon fraîche vers 19h, quand les obligations professionnelles laissent place au chant du muezzin. Inès. Je n’en reviens pas. Certes, elle avait montré quelques signes de fatigue mais j’étais loin de m’imaginer le dilemme qui devait se jouer dans sa tête. Entre deux lignes, il faut se rendre à l’évidence : ne perdons pas notre temps à imaginer ce qui se passe dans la tête des autres. C’est peine perdue. Concentrons-nous sur les méandres de nos âmes respectives, cela devrait suffire pour une vie ou deux.

Pourtant, après le départ de Sarah et l’arrivée de Inès et John, notre collocation avait pris un sens esthétique et culinaire plaisant. Avec l’aide d’un bocal de champignons caché dans le double fond de sa valise, John nous a cuisiné pour Pâques un poulet aux morilles. Bricoleur appliqué, il a construit avec quatres planches de bois et tout autant de clous deux étagères Philippe Starck. Il a également installé des guirlandes lumineuses sur la terrasse et bien qu’étant végétarien à mi-temps, m’a chargé d’acheter trois kilogrammes de rumsteck. Certains personnages dégagent une énergie similaire à deux noyaux atomiques qui s’assemblent. John en fait partie. Inès. Merde. Nous avions même commencé à discuter de rap français.

 

Photo de campagne pour notre levée de fond pour les jeunes  que nous accompagnons via un challenge de 24H de méditation (Avril 2020) - © Romain Mailliu

Photo de campagne pour notre levée de fond pour les jeunes  que nous accompagnons via un challenge de 24H de méditation (Avril 2020) – © Romain Mailliu

 

“Coach, can I have money to buy Gasoliiiiiiine ?”

Les jeunes ont cette faculté – sagesse ? – de nous ramener à des problématiques plus pragmatiques. Ce matin, ils sont cinq à assurer la livraison d’eau potable. Cinq, car c’est le nombre maximum autorisé par le gouvernement. David Allen aurait certainement complété en expliquant qu’un homme efficace en vaut cinq. Je rajouterais que cinq hommes non efficaces n’en valent pas beaucoup plus. Si ce matin la motivation des jeunes était un rayon de soleil, le risque d’attraper une insolation serait dérisoire.

Il faut dire qu’à leur âge, dix-huit ans en moyenne, j’étais plus appliqué dans l’étude subtile du mécanisme diablement ingénieux des épingles de soutien-gorges plutôt que par l’idée d’obtenir un travail décent pour nourrir ma famille. Si on ajoute à cela les écoles fermées et la dysphorie générale autour du coronavirus, je comprends pourquoi le lundi matin les chaussures des jeunes poncent le carrelage de la salle de production. Pourtant – et Inès aurait été d’accord – il n’est pas question de ralentir l’activité.

Dans le monde professionnel qui les attend, ils ne feront pas office de cas à part :  les attentes seront les mêmes pour tous. Les diplômés de l’université issue des classes sociales aisées comme nos entrepreneurs des quartiers plus modestes. Ils ne seront pas pris en pitié car ils doivent faire deux heures de route dans les transports en commun pour venir travailler. Ni parce qu’ils n’ont qu’une paire de chaussures « professionnelles ». Seules la qualité du travail, la posture et la motivation feront la différence. La route du succès est semée d’embûches. Depuis toujours, nos jeunes entrepreneurs affrontent les difficultés avec un courage, un positivisme et une détermination qui à mes yeux est inexplicable. C’est leur plus grande force et c’est pour cela qu’ils y arriveront. Encore. Toujours. 

 

Dani et Angel en livraison (28/11/19)  - © Romain Mailliu

Dani et Angel en livraison (28/11/19)  – © Romain Mailliu

 

Découvrir le chapitre précédent : Une mer calme n’a jamais fait un bon marin →

 

Photo de couverture : Kusniawaty, jeune femme du programme en management step (Avril  2020) – © Romain Mailliu

29 avril 2020 8 commentaires
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ActualitéTibovski - Dessin de la quinzaine

Tends l’autre joue…

par Tibovski 22 avril 2020
écrit par Tibovski
Tends l'autre joue...

Rien de bien précis aujourd’hui. Vous n’aurez pas le droit à mon indignation habituelle.Seulement une pensée, un brin poétique, je l’espère.

Pour ne pas vous décevoir, dès la publication de mon dernier dessin, je me suis mis en quête d’un nouveau sujet. Ma première frustration a été de constater que de trop nombreux candidats s’offraient à moi : Le tragicomique du procès de Trump contre l’OMS, le traitement des africains en Chine, l’incendie à Tchernobyl, les restrictions en Pologne sur les droits à l’avortement et l’éducation sexuelle, la recrudescence des violences policières dans les quartiers populaires. Tous des bons sujets auxquels, au demeurant, je n’aurais pu apporter la moindre touche personnelle. Ma seconde frustration n’a d’autre origine que le Covid-19. Toutes ces actualités  sont liées au coronavirus, alors que j’avais promis de ne pas en parler. L’échec de mes précédentes tentatives m’avait déjà fait déchanter. Comment se résigner à éviter un sujet omniprésent ? 

Ce long et pénible travail d’investigation m’a inspiré la réflexion suivante. La pandémie que nous vivons imprime de si profonds changements dans les affaires humaines que celle-ci se trouve mêlée à presque tous les évènements. Même ceux accidentels comme l’incendie de Tchernobyl. Prenons donc de la hauteur sur ces diverses thématiques, pour nous plonger dans le coeur de la question. Si je ne suis pas parvenu à éviter le sujet du coronavirus autant en parler franchement. 

La pandémie perturbe le fonctionnement usuel de nos sociétés. Ce qui profite à certains décideurs, et ce qui aggrave certaines situations. Souvenez-vous, par exemple, de l’invasion de criquets dont nous avions parlé dans un  précédent billet. Comment aurions-nous pu éviter le sujet de l’épidémie ? Une catastrophe comme celle-ci prend une tournure plus dramatique dans un contexte de crise sanitaire. Cette période marque une vulnérabilité profonde nous rendant à la merci de tous les vents. Tout événement se trouve inévitablement lié au coronavirus, puisque c’est celui-ci qui dictera son dénouement. Il n’y a rien à faire, c’est notre trame de fond d’aujourd’hui. Et demain, les historiens ne pourront échapper au contexte de pandémie pour lire ce qui a pu se dérouler pendant ces quelques mois. Reste que notre monde est fébrile et que le moindre malheur supplémentaire passerait pour un coup du sort, pour une seconde gifle… 

A la prochaine quinzaine !

Tends la joue

 

Dessins réalisés par l’auteur Tibovski. 

22 avril 2020 0 commentaire
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ActualitéCarnet de voyageRomain Mailliu - 13 mois de volontariat en Indonésie

# 14 Une mer calme n’a jamais fait un bon marin

par Romain Mailliu 15 avril 2020
écrit par Romain Mailliu
LP4Y Indonésie

 L’exclusion, ce n’est pas la solitude qu’on ressent après neuf jours de quarantaine. Etre exclu, c’est ne pas exister aux yeux des autres. 

La crise sanitaire mondiale menace Kampung Sawah, le bidonville indonésien de Romain. Suivez avec son carnet de bord l’impact du Coronavirus dans les quartiers les plus pauvres.  [Chapitre 2]

 

La travail c’est la santé. Le 24 mars 2020

“Coach, can you open the door please ?”

J’ouvre les yeux en sursautant : le réveil n’a pas sonné. Il est 7h30 et les jeunes sont déjà devant la porte de notre centre. Le weekend est terminé. La journée commence à 8 heures mais nous ouvrons le centre une trentaine de minutes avant. Cela permet aux entrepreneurs de se retrouver et de débriefer sur leurs aventures de la nuit dernière. Un vendredi matin comme un autre. 

Les jeunes ? le travail ? l’activité ? le centre ? Tout cela est bien vague. Depuis plusieurs pages, je m’adresse à vous comme à un vieil ami, alors qu’on ne se connaît ni d’Eve ni d’Adam. Des présentations s’imposent, et le plus vite sera le mieux. 

Cher lecteur, presqu’un an a passé déjà depuis qu’une idée s’est installée durablement dans ma tête : partir découvrir, dès la fin de mes études d’ingénieur, une autre réalité. Je sortais d’un stage dans le monde de la finance et d’un mémoire de fin d’études sur l’industrie 4.0 : le champ des possibles restait large. Après réflexion, je dégageais 3 piliers que je jugeais essentiels dans mon aventure à venir : m’engager au service des plus pauvres, à l’étranger, en immersion totale.

Il y a aujourd’hui sur notre planète 1,2 milliard de jeunes entre 15 et 24 ans, dont 600 millions vivent en dessous du seuil de pauvreté (1,5€ par jour), mal nourris, victimes d’abus et de violences… Cela représente 1 jeune sur 2. J’ai donc décidé que c’était à ces jeunes que je consacrerais ma première année de vie professionnelle.

Après 10 jours de formation au volontariat de solidarité internationale avec la DCC en juillet 2019, j’ai décollé pour Manille, capitale des Philippines.  C’est là qu’a commencé il y a 10 ans l’aventure Life Projet For Youth (LP4Y). LP4Y est une ONG qui a pour objectif l’insertion professionnelle et sociale de jeunes en situation de grande précarité et frappés d’exclusion. J’ai rejoint l’équipe composée exclusivement de volontaires (plus de 120) et débuté 3 semaines immersives dans un centre de formation : le Green Village.

La pédagogie de mon ONG s’articule autour de la gestion d’une activité micro-économique par les jeunes des bidonvilles. En d’autres termes, ils expérimentent – en équipe de 17 – la création, le développement et la gestion d’entreprise. À Kampung Sawah, quartier pauvre au nord de Jakarta, notre entreprise produit et vend de l’eau potable. Finance, marketing, vente, gestion des stocks, livraisons, ressources humaines, les jeunes sont divisés en départements et ont des responsabilités qui évoluent en fonction de leur ancienneté dans le programme. Une véritable petite entreprise. Ces jeunes entrepreneurs travaillent et nous leur versons donc une rémunération. Elle leur permet d’apprendre à gérer de l’argent, et surtout à acheter à manger. 

La gestion d’entreprise représente 50 % de la formation. À celle-ci s’ajoute 30% de « learn » : rattrapage scolaire et acquisition de compétences nécessaires dans le monde du travail (anglais, informatique, communication etc.) et 20% de « guide » : développement personnel, management des émotions, accompagnement budgétaire, identification des compétences, projection dans l’avenir et construction de leur Projet de Vie… Vaste programme. Et mon travail dans tout ça ? Je suis « catalyseur », j’orchestre cette formation et m’assure que tout se passe pour le mieux !

Cela fait maintenant plus de 7 mois que je vis à Kampung Sawah et mes parents ont décidé il y a 24 ans de m’appeler Romain. 

 

les jeunes de LP4Y Jakarta

Notre équipe (16/11/2019) – © Romain Mailliu

 

C’est l’heure de la revue des troupes. Nous commençons la journée par un briefing, afin de fixer les objectifs de la journée. L’équipe est debout et m’écoute plus ou moins  lui délivrer des informations qui seront les mêmes les jours à venir. “Attention, lavez-vous les mains deux fois par heure, n’oubliez pas de porter votre masque et si vous avez de la fièvre, rentrez-vite chez vous. Questions ? Let’s go !”.  

Mais pourquoi garder le centre ouvert ? Nous savons que le confinement est la meilleure stratégie à adopter pour lutter contre la propagation du Coronavirus. 

Les écoles sont déjà fermées depuis deux semaines en Indonésie et le gouvernement va tôt ou tard – certainement trop tard – adopter des mesures plus strictes. N’est-ce pas  dangereux de continuer à travailler alors que dehors le virus prend comme le feu sur la poudre ? 

La question est légitime. D’ailleurs, notre centre s’est adapté à la situation et les jeunes n’assurent plus que la production et la vente d’eau potable. Nous avons stoppé les trainings et nous ne sommes ouverts que deux matinées par semaine. Les mesures d’hygiène ont été renforcées dans le centre. Le port du masque est exigé. Le lavage des mains au gel hydroalcoolique est effectué jusqu’à ce que celles-ci soient fripées comme le désert de Maranjab. Pour autant le risque zéro n’existe pas. Alors pourquoi continuer coûte que coûte à travailler ? 

 

Jeunes LP4Y Indonésie

Aknel Prianto et Wahab Abdul Ledang qui livrent de l’eau à un client (28/11/19) – © Romain Mailliu

 

Les raisons sont multiples. Premièrement, la distribution d’eau a été évaluée par LP4Y comme un besoin vital pour la communauté. En effet, il n’y a pas d’eau courante potable en Indonésie et les habitants, riches comme pauvres, doivent acheter des gallons ou de l’eau en bouteille pour s’hydrater. Cet argument se confronte à quelques objections. L’eau potable n’a pas disparu du jour au lendemain en Indonésie car à vrai dire il n’y en a jamais eu. Nous ne sommes donc pas les seuls producteurs de gallons dans le bidonville. Les concurrents sont nombreux et parfois moins chers. De plus, il existe un système d’eau courante auquel Kampung Sawah est raccordé. Quand les habitants n’ont pas assez d’argent pour acheter un gallon – ce qui arrive fréquemment – ils ne se laissent pas mourir de soif. Ils font bouillir de l’eau. 

 

LP4Y Indonésie

Ramdani Akbar et Angel Augustin en livraison (28/11/19) – © Romain Mailliu

 

Un autre argument me semble plus adéquat. Chez LP4Y, notre mission principale est de lutter contre l’exclusion des jeunes adultes. L’exclusion, ce n’est pas la solitude qu’on ressent après neuf jours de quarantaine. Etre exclu, c’est ne pas exister aux yeux des autres. A Kampung Sawah, beaucoup des jeunes qui ne vont plus à l’école, n’ont pas de travail et qui s’efforcent de survivre dans un monde qui ne les intègrent pas en sont les victimes. Fermer le centre, c’est bâtir un mur au lieu de construire un pont, c’est fermer la porte à l’espoir, c’est renforcer l’exclusion dont ils sont victimes. Nous devons donc coûte que coûte garder le contact avec les jeunes. 

 

LP4Y Indonésie

Angel Augustin et Diah Ningsih qui remplissent des gallons d’eau potable (29/11/19) – © Romain Mailliu

 

J’évoquerai également une dernière raison qui est peut-être la plus évidente : la rémunération des jeunes. Nos entrepreneurs gèrent une entreprise qui produit et vend des gallons d’eau. En contrepartie, nous leur versons une rémunération. Or, en cette période de crise, ce sont les seuls à ramener un peu d’argent de façon hebdomadaire à leurs familles. 

Je m’explique. Pour lutter contre le virus – ou plutôt pour s’en protéger – les entreprises ferment leurs portes et se mettent en quarantaine. Les premiers emplois supprimés sont les emplois indécents. Ce sont les métiers invisibles, sans contrat, sans assurance, dont on ne veut pas entendre parler. Il font pourtant vivre des millions de familles dans le monde. Or, en Indonésie quand une entreprise ferme, vous n’entendrez pas parler de chômage partiel, de prime ou de dédommagement. Les employés se retrouvent en congés sans solde, c’est à dire à la porte. 

Si nous fermons le centre, nous stoppons la rémunération des jeunes et avec elle, nous coupons les vivres à leurs familles. C’est aussi simple que cela. 

 

LP4Y Indonésie

Aknel, Angel, Wahab et les clients du bidonville de Kampung Sawah (28/11/19) – © Romain Mailliu

 

Une mer calme n’a jamais fait un bon marin. Le 27 mars 2020

Notre centre : un voilier dans la tempête. Les évènements se succèdent comme des vagues que nous prenons de plein fouet sans pouvoir reprendre notre souffle. Sarah est partie mais Fanette est de retour après dix jours confinée dans un hôtel. Fièvre, vertiges, maux de tête : elle pensait que c’était le coronavirus, je pensais que c’était le coronavirus, vous pensez que c’est le coronavirus, ce n’était pas le coronavirus. Enfin, d’après le test fait dans un hôpital public indonésien. Le personnel médical vient prélever à l’aide d’un coton-tige un peu de salive. cinq heures d’attente, deux minutes de consultation. Trois jours plus tard, les résultats sont formels : pas de coronavirus.

 Alors qu’était-ce ? La dengue ? La grippe espagnole ? Elle ne saura jamais. Quand on est volontaire, les « coups de fatigue » dans notre jargon, nous tombent dessus comme la neige en hiver. On ne dramatise pas, on lâche prise et on patiente. Parfois, quand la fièvre devient vraiment insupportable, on passe faire un check-in à l’hôpital. On arrive parfois à comprendre le diagnostic du médecin. On finit toujours par repartir avec un paquet de pilules – qui pourraient très bien être des dragibus – et on retourne se coucher. Après tout, c’est toujours une bonne occasion de prendre des vacances.

 Notre bateau est donc pris d’assaut par la houle. Chaque vague est une préoccupation, une secousse à envisager. Elles ne sont pas toutes aussi menaçantes mais elles arrivent de tous les côtés. Bateau ? Tempête ? Vent et marée ? Romain, as-tu perdu la tête ? Décortiquons un peu cette métaphore douteuse. 

 

Océan Pacifique

Océan Pacifique (Août 2017) – © Romain Mailliu

 

Ces vagues, ce sont les problèmes – disons challenges – des jeunes qui évoluent avec le coronavirus. A ce stade, ce sont généralement des challenges économiques : Le père de Taufiq a perdu son travail, il est le seul à pouvoir ramener de l’argent pour nourrir sa famille ; Les parents de Fikri sont rentrés “au village” pour fuir le virus, il est maintenant à la rue. Ces défis s’ajoutent à notre travail quotidien : Toy ne peut plus venir au centre car il doit aider sa grand mère à ramasser des bouteilles en plastiques pour les revendre ; Fami va donner naissance dans 4 jours et n’a pas assez d’argent pour accoucher à l’hôpital. Vous l’avez compris, ça fait beaucoup de “Challenges”. 

Ces secousses, ce sont aussi les workshops que LP4Y a mis en place pour s’adapter face à la crise planétaire. En Indonésie, nous sommes l’un des derniers centres qui n’est pas encore en confinement total. En Inde, au Vietnam, aux Philippines ou encore au Bangladesh, les centres assurent un suivi des jeunes plus ou moins à distance. Cela dépend de l’agressivité des policiers qui font respecter l’interdiction de sortie. 

Ces ateliers portent sur des initiatives variées pour améliorer nos processus. J’ai d’ailleurs une conf-call dans dix minutes pour parler du suivi des anciens jeunes du programme – faites-m’y penser. 

Dans cet ouragan, l’adversaire le plus dangereux se trouve parfois sous la mer. En effet, un courant puissant nous fait dériver et rend le cap difficile à garder. Il se réveille particulièrement le soir, quand la nuit tombe, et rien ne semble pouvoir l’arrêter. Ce courant, c’est l’information continue sur le coronavirus qui nous agresse jour et nuit. Réseaux sociaux, journaux, télévisions, mails, flyers, visiteurs : impossible de se déconnecter ou de chercher le vrai du faux. J’ai l’impression d’être spammé, assommé par des données qui me tombent dessus sans fin. Alors je garde quelques bribes d’informations, saisies ici ou là, et il m’arrive de les partager à qui veut bien les entendre. Sans le vouloir, j’imagine que je rajoute une couche à l’incompréhension générale.

 

Océan Pacifique

Océan Pacifique (Août 2017) – © Romain Mailliu

 

Moussaillons, il n’y a pas de voilier sans vent, ni de tempête. Ami d’un jour, ennemi du lendemain, le vent est un personnage bipolaire. Son rôle est déterminant quand on entreprend des aventures en mer. Son souffle peut porter notre bateau vers des horizons plus prospères ou le briser puis l’envoyer nourrir les poissons. Blizzard, parfois caresse matinale, il est déroutant. Quand le mistral se lève, les voiles se gonflent et les marins chantent. Ce vent, c’est nos familles en France. Elles jouent une place décisive alors que le virus fait de plus en plus de victimes. C’est la raison qui décide un volontaire à quitter le navire pour rentrer chez lui. La famille comme l’alizé est une source d’énergie inépuisable. Il suffit parfois d’un coup de téléphone de sa part pour dompter les flots ou pour déchirer les voiles… “Vas-tu rentrer en France ? ; félicitations pour ton engagement ! ; es-tu en sécurité ? ; nous sommes fiers de toi ; tu nous manques…” Les mots de nos familles alimentent nos peurs et nos joies. Il faut savoir s’en détacher sans prendre de distance.

Le vent est l’ombre de la tempête : quand il se dresse face au soleil, il perd son hostilité.

Sur le pont du voilier, je ne suis pas seul. Nous avons perdu un matelot c’est vrai, mais le hasard fait bien les choses : un amiral et un capitaine de vaisseau nous ont rejoint. Le cofondateur de LP4Y, Jean-Marc, et une haute fonctionnaire de l’organisation, Inès, se sont retrouvés bloqués en Indonésie. Ils étaient venus visiter un centre à Surabaya quand l’Inde, leur pays de résidence, a décidé de fermer ses frontières. Ils s’installent donc avec nous à Jakarta en attendant que la situation évolue.

Depuis huit mois, notre bateau, nous savions le garder à la surface. Lui donner un cap. Entre marins, nous avions eu le temps de découvrir nos qualités respectives et un bon équilibre s’était naturellement mis en place. 

Tout n’était pas blanc ou noir mais, comme les vagues qui déroulent tour à tour leur ardeur sur la plage, nous avions trouvé l’harmonie. Maintenant que l’équipage n’est plus le même, nous devons en reconstruire une. Et vivre avec son patron est un facteur qui peut faire gronder les éléments. 

 

Océan Pacifique

Océan Pacifique (Août 2017) – © Romain Mailliu

 

Découvrir le chapitre 1 : Les départs devraient être soudains →

15 avril 2020 15 commentaires
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Cependant, la modernité — ou selon les mots de l'auteur, le Nouveau Monde — ne laissera pas Diam Welly indemne puisqu'elle le fera résolument s'engager dans une nouvelle ère de mutations affectant les moeurs, la moralité, les codes et conduites favorisant, ipso facto, l'émergence d'individus — comme Sellou, faisant la cour à l'épouse de Karamokho alors absent — gouvernés par la satisfaction de leur plaisir et de leurs intérêts personnels.
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- Visage d'une jeunesse iranienne - . La Carte Bla - Visage d'une jeunesse iranienne -
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La Carte Blanche de la photographe @gwenvael_engel 📸
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Persepolis • Iran • 2016
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Persepolis • Iran • 2016
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Persepolis • Iran • 2016
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Kol Ukok, Kirghizistan, 2015.
Traditionnellement, la yourte est ouverte vers le sud par une entrée unique. A l'intérieure, l’espace est quadrillé selon un usage précis. Le sud et l’est de la yourte sont l’espace de la femme où se trouvent le foyer et la place de travail. L’espace de l’ouest est réservé à l’homme et aux invités. Cette photo est révélatrice : dirigée vers le sud, c’est la femme qui se dévoile, à sa place comme l’admet la tradition
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Le comédien ET metteur en scène Michaël Benoit Delfini
 t’aide à te lancer avec ce texte burlesque digne d'un @borisvian_officiel !
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[CULTURE] - Déjà entendu parler des Bullshit j [CULTURE] - Déjà entendu parler des Bullshit jobs ? On doit l’expression à feu David Graeber 🔥
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Anthropologue ayant réhabilité l’anarchie ♾ Figure du mouvement Occupy Wall Street ♾ Ecrivain multi-récidiviste ♾ Les Sex Pistols n’ont qu’à bien se tenir ! 
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Dessin + article par l’audacieux @tibovski ✏️
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